JNSP les personnes qui respirent trop fort. Je sais que ce n’est pas forcément de leur faute mais voila 

Les larbins. Les jobs de larbins, explique-t-il, sont ceux qui ont pour seul but - ou comme but essentiel - de permettre à quelqu'un d'autre de paraître ou de se sentir important. En bref: d'aider quelqu'un à briller et à le tirer vers le haut tout en restant dans l'ombre. «Oui, il existe encore des boulots de domestiques à l'ancienne, de type féodal, soutient David Graeber. À travers l'Histoire, les riches et les puissants ont eu tendance à s'entourer de serviteurs, de clients, de flagorneurs et autres laquais.» Exemple? Jack explique qu'il était démarcheur téléphonique chargé de vendre des actions à des clients, de la part d'un courtier. «L'idée était que, aux yeux du client potentiel, le courtier aurait l'air plus compétent et plus professionnel si l'on sous-entendait qu'il était trop occupé à faire du fric pour pouvoir passer les coups de fil lui-même, précise-t-il. Mon poste n'avait donc strictement aucune utilité, si ce n'est de faire croire à mon supérieur immédiat qu'il était un gros bonnet et d'en convaincre les autres.»
Les porte-flingue. Naturellement, le terme n'est pas à prendre au premier degré. Il s'agit d'une appellation métaphorique pour désigner ceux dont le travail a été créé par d'autres et comporte une composante agressive. «Un pays n'a besoin d'une armée que parce que les autres pays en ont une», explique Graeber. Un exemple qui vaut aussi, selon lui, pour les lobbyistes, les experts en relations publiques, les télévendeurs ou les avocats d'affaires. «L'université d'Oxford a-t-elle réellement besoin d'employer une douzaine d'experts en relations publiques, au bas mot, pour convaincre le monde de son excellence?, questionne-t-il. Il me semble au contraire qu'il faudrait au moins autant d'attachés de presse et des années d'efforts pour détruire sa réputation d'excellence, et je me demande même s'ils y parviendraient.»
Les rafistoleurs. Ou bricoleurs professionnels. Qui sont les rafistoleurs? Ceux dont le job n'a d'autre raison d'être que les pépins ou anomalies qui enrayent une organisation: ils sont là pour régler des problèmes qui ne devraient pas exister. Le terme est notamment employé dans l'industrie du logiciel, mais il peut être d'application plus générale. «Les premiers exemples de rafistoleurs auxquels on pense, ce sont des subalternes dont le boulot est de réparer les dégâts causés par des supérieurs hiérarchiques négligents ou incompétents», lit-on dans le livre Bullshit Jobs. «Une fois, j'ai travaillé dans une PME comme «testeuse», témoigne une employée. J'étais chargée de relire et corriger les rapports écrits par leur chercheur/statisticien star.»
Les cocheurs de case. Pour qu'une organisation puisse exister et que tout le monde sache qu'elle existe, il faut des cocheurs de case. Il s'agit d'employés dont la seule principale raison d'agir est de permettre à une organisation de prétendre faire quelque chose qu'en réalité elle ne fait pas. Voilà une bonne définition de la réunionnite: des réunions sans cesse, pour le principe, et sans intérêt apparent ni aucune décision de prise. Graeber explique que dans la majorité des cas, les cocheurs de case sont tout à fait conscients que leur job n'aide en rien la réalisation du but affiché. Pire encore: il lui nuit, puisqu'il détourne du temps et des ressources. «L'essentiel de mon travail consistait à interviewer les résidents afin de noter leurs préférences personnelles dans un formulaire «loisirs», explique ainsi Betsy, qui était chargée de coordonner les activités de détente dans une maison de repos. (...) Les résidents savaient très bien que c'était du pipeau et que personne ne se souciait de leurs préférences.» Le temps que Betsy passait à remplir ces formulaires était précisément du temps qu'elle ne passait pas à les divertir!
Les petits chefs. C'est peut-être le profil le plus connu... et le plus haï aussi. Les petits-chefs se divisent en deux sous-catégories. Ceux du premier type n'ont qu'une fonction: assigner ou déléguer des tâches à d'autres. Ils peuvent être considérés comme le reflet inversé des larbins: ils sont tout aussi superflus, mais au lieu d'être les subordonnés, ce sont les supérieurs. Si cette première catégorie est inutile, la seconde est nuisible: il s'agit des petits chefs dont l'essentiel du travail consiste à créer des tâches inutiles qu'ils confient à leurs subalternes, ou même de créer de toutes pièces des «jobs à la con.» «Il est très difficile de recueillir des témoignages de petits chefs», observe Graeber. Logique: il est difficile d'admettre être chef et d'avoir un job inutile. «J'ai dix personnes qui travaillent pour moi, mais pour autant que je puisse en juger, toutes sont capables de faire le boulot sans qu'on les surveille, constate Ben, manager intermédiaire dans une entreprise. Mon seul rôle, c'est de leur distribuer les tâches - notez que ceux qui conçoivent ces tâches pourraient parfaitement les leur confier directement.» Ben va même encore plus loin dans sa lucidité quant à son travail: «J'ajoute que bien souvent, les tâches en question sont produites par des managers qui ont eux-mêmes des jobs à la con; du coup, j'ai un job à la con à double-titre.»
Prenons un publicitaire. Son activité vise à accroître la consommation. Il en découle, d’un côté, une création d’emplois (dans le secteur de la publicité, mais aussi dans les usines, le commerce, les transports, les médias) et, de l’autre, un accroissement de l’endettement, de l’obésité, de la pollution, de l’usage d’énergies non renouvelables. Par une série de calculs ingénieux et parfois acrobatiques, les trois chercheuses évaluent chacun des bénéfices et coûts de la surconsommation imputable à la publicité. Ne reste plus qu’à les mettre en rapport : «Pour chaque livre sterling de valeur positive, 11,50 livres de valeur négative sont générées.» En d’autres termes, les cadres du secteur publicitaire «détruisent une valeur de 11,50 livres à chaque fois qu’ils engendrent une livre de valeur».
La proportion s’inverse si l’on considère le travail d’un agent de nettoyage hospitalier. Pénible, invisible, peu considéré, mal payé et généralement sous-traité, il n’en contribue pas moins à la marche générale du système de santé et minimise le risque d’infections nosocomiales. S’appuyant notamment sur un article du British Medical Journal consacré aux bénéfices sanitaires induits par l’embauche d’un nettoyeur supplémentaire ainsi que sur le coût des pathologies contractées dans les hôpitaux, les auteures estiment que «pour chaque livre sterling qu’elle absorbe en salaire, cette activité produit plus de 10 livres de valeur sociale». Et encore, précisent-elles, «il s’agit probablement d’une sous-estimation».