@Esturgeon point anxiogène: le réchauffement climatique n'est pas du tout parti pour rendre la Sibérie plus attractive; au contraire, les conséquences imprévisibles de la fonte du permafrost sont vraiment flippantes, avec des virus préhistoriques emprisonnés dans les glaces qui pourraient refaire surface...
Le canard réfractaire, c'est une source que perso je trouve fiable car depuis que je le suis, j'ai toujours aimé l'intégrité de son discours. Si déjà lui c'est reçu comme un relais de propagande russe, bah alors je n'ai plus rien à dire sur mon point de vue ici
Bon, ben... t'as plus rien à dire sur ton point de vue ici alors. Je trouve ses vidéos absolument honteuses.
Dans les vidéos que je me suis infligées (j'ai pas eu le courage d'aller jusqu'au bout), il affirme qu'il a fait son travail de recherche en l'espace de 3 jours alors qu'il n'avait RIEN suivi à la situation jusqu'ici, en 8 ans de conflit. Il commence tranquille une de ses vidéos en disant que "si on a pas trop suivi l'actualité ces dernières années, on peut avoir l'impression que ça sort de nulle part". Ça fait 8 ans que l'armée russe est présente en Ukraine. Depuis le début du conflit, les personnes ayant écouté d'assez près le discours de Poutine savaient qu'il rêvait de conquérir les territoires du sud de l'Ukraine pour assurer une liaison avec la Crimée. En 2020, l'opposition biélorusse s'est fait écraser par le gouvernement pro-russe de Loukachenko. Au début de l'année, la Russie a apporté son soutien militaire au Kazakhstan pour réprimer dans le sang des mouvements de contestation, en quelques jours et en 200 morts. Poutine en sortait en position de force pour tenter le coup qu'il espérait depuis longtemps. Parler d'une guerre qui semble sortir de nulle part, c'est avouer son incompétence totale sur le sujet. Et il affirme qu'en
trois jours, il aurait suffisamment récupéré son retard sur 30 ans de géopolitique pour faire un meilleur travail que la plupart des journalistes professionnels, parlant russe, présents sur le terrain.
Ceci dit, quand on voit les informations qu'il diffuse, trois jours, c'est presque un peu long pour recopier les communiqués du Kremlin et en faire une vidéo. Mais je peux comprendre que si on parle pas un mot de russe et ne connait rien à leur culture ni à celle de l'Ukraine, la traduction est un peu ardue.
Le mec reprend tranquille l'argumentaire de Poutine selon lequel l'Ukraine serait aux mains de nazis, en montrant des images de défilés d'extrême-droite. Oui, ce sont des vrais images, oui, le portrait que les gens tiennent au premier rang, c'était vraiment un collabo nazi, mais... où est le travail journalistique, où est l'analyse qui est censée accompagne ce genre d'image? Quelle est la date de ce défilé? Son lieu? Le nombre de participants? Où sont les statistiques permettant d'estimer si ces gens sont réellement une force importante dans le pays, ou une poignée d'illuminé.e.s? (moins de 2% pour l'extrême-droite aux dernières législatives en Ukraine) Les interviews permettant de connaitre leur point de vue, ou celui de leurs opposants? Est-ce que tout le public du canard réfractaire connait suffisamment l'histoire ukrainienne pour savoir à quels évènements ce défilé fait référence? Probablement pas, parce que qui que ce soit qui connait un tout petit peu l'Ukraine réalise forcément que cette vidéo ne raconte que de la merde. Des vidéos choquantes avec des néo-nazis, on peut en trouver plein en France; et l'extrême-droite fait un bien meilleur score chez nous.
Y a-t-il une différence essentielle entre l'extrême-droite ukrainienne et les autres mouvements du même type en Europe qui explique que l'une serait moins acceptable que les autres? La seule différence majeure que je vois, c'est que celle d'Ukraine est sans doute la seule à ne pas être financée par la Russie.
Est-ce que la peur que l'Ukraine entre dans l'OTAN a réellement quelque chose à voir dans cette invasion? Je dirais que oui, mais pas dans le sens où Poutine se sentirait menacé d'avoir une armée ennemie à ses portes et penserait qu'il s'agit d'un plan pour attaquer la Russie; le problème est ici la perte d'influence sur d'anciens territoires de l'empire russe et le sentiment d'humiliation accumulé au cours des années.
Est-ce que ça peut arranger les États-Unis d'une façon ou d'une autre que la Russie envahisse l'Ukraine? Peut-être. La peur de Poutine précipite les pays en conflit avec la Russie dans les bras de l'OTAN. J'ai des sérieux doutes sur le bien-fondé de la stratégie de Biden, juste avant l'invasion, d'avoir voulu "exposer le plan de Poutine" en prétendant que lui montrer qu'il était au courant via les services de renseignement le fragiliserait. On sait à quel point "ne pas perdre la face" est important pour Poutine. Et on a bien vu que ça n'a pas aidé des masses. Le fait d'avoir affirmé qu'aucun soldat américain ne mourrait en Ukraine, je sais pas si c'était que pour rassurer les Américain.e.s. Je m'y connais pas assez pour essayer de deviner ses motivations. On ne peut pas exclure l'idée qu'il aurait jeté de l'huile sur le feu. Mais pour jeter de l'huile sur le feu, il
faut qu'il y ait déjà quelque chose qui brûle. Poutine se préparait depuis bien longtemps, peut-être depuis son accession au pouvoir, il n'a pas attendu Biden et ce n'est pas les États-Unis qu'il a attaqués (ça me tue d'être encore obligée de rappeler ça pour la énième fois et qu'il y ait encore des posts pour parler de la guerre en Ukraine comme d'un conflit entre Russie et États-Unis alors que l'armée américaine n'est même pas présente sur place).
Au moment de l'annexion de la Crimée il y a 8 ans, l'Europe occidentale prônait le dialogue diplomatique; la Pologne et les pays baltes déclaraient déjà que ça ne marcherait pas et que seule la démonstration de force marcherait face à Poutine. Les dirigeants ukrainiens exhortaient les pays occidentaux à cesser les "gestes d'apaisement" envers Poutine dans les semaines qui ont précédé l'invasion, convaincus que seule une démonstration de force pouvait les aider. Depuis le début, Poutine avance ses pions en tâtant le terrain, en cherchant jusqu'où il peut aller avant de rencontrer une résistance ferme, et le dialogue diplomatique et la négociation ne sont malheureusement pas une résistance ferme. Les voisins directs de la Russie sont clairement mieux placés que nous pour comprendre comment il fonctionne. On peut le déplorer de tout coeur, être désolée pour les conséquences pour la population russe, on peut être anti-militariste, pacifiste, anti-atlantiste et pourtant être forcée de reconnaitre que le dialogue diplomatique sans démonstration de force ne marchera pas. La promesse que l'Ukraine n'intègera jamais l'OTAN n'aurait pas suffi. Si elle avait pu suffire, Poutine aurait entamé des négociations en ce sens et protégé ses intérêts en Ukraine après la chute du gouvernement pro-russe de Yanoukovitch. Il avait une marge de manoeuvre pour ça, et pouvait espérer le soutien d'une partie de la population ukrainienne à l'époque. Il ne l'a pas fait, il a choisi de mettre en mouvement ses forces militaires
immédiatement.
J'arriverai pas à conclure sans point Godwin, mais les pacifistes de 1939 qui refusaient la guerre avec les nazis étaient peut-être animé.e.s des meilleures intentions humanistes, mais c'était une erreur. Face à un dictateur qui ne cherche pas comment défendre ses intérêts, mais jusqu'où il peut aller dans l'expansion, la négociation n'a qu'un pouvoir d'action très limité.