Mon commentaire sera peut-être mal perçu mais je trouve étrange d'affirmer que l'Europe occidentale ne prône que le dialogue diplomatique ici. Etant donné la liste des sanctions à l'encontre de la Russie et l'envoi d'aide militaire à l'Ukraine (source ici :
https://www.francetvinfo.fr/monde/e...aire-a-kiev-face-a-l-armee-russe_4982940.html), je ne suis pas d'accord avec le fait qu'il n'y a pas eu de résistance ferme/démonstration de force de la part de l'Europe (et des Etats-Unis). J'estime pour ma part qu'il y a déjà eu pas mal de mesures prises en une semaine de guerre (et je ne suis pas en mesure d'en déterminer les impacts et si cela sera suffisant).
Oui, mais ça c'est un revirement brutal depuis une semaine seulement, après huit ans d'efforts diplomatiques et de négociations. Depuis longtemps les pays voisins de la Russie exprimaient leur profond scepticisme envers la diplomatie et les compromis, et demandaient à présenter un front uni comme celui qu'on présente aujourd'hui; les pays plus à l'ouest ont préféré privilégier le dialogue (pour éviter un conflit armé, ou pour préserver leurs intérêts économiques, ou les deux), et ça n'a pas marché.
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@Patacha
Alors oui, les États-Unis et la France balancent du soft power dans l'espace post-soviétique en cherchant à faire rêver avec les opportunités qu'offre l'Occident: image idéale d'un monde occidental où une économie mieux portante rend tout le monde plus heureux, offre de bourses d'études aux États-Unis pour les lycéen.ne.s et étudiant.e.s les plus doué.e.s... Les États-Unis savent beaucoup mieux faire ça que nous, soit dit en passant
j'ai honte, mais: témoignage d'une ancienne infiltrée au sein du soft power français, les ambassades françaises et leurs services d'action culturelle continuent à faire la pub de notre pays avec des arguments assez vieillots et clichés, et n'ont pas compris des principes aussi basiques que: si vous voulez qu'il y ait du monde aux manifestations culturelles que vous organisez dans des pays où il fait -40° l'hiver, commencez par chauffer décemment vos locaux bon sang .
Et il y a des trucs assez dégueulasses qui se passent dans les pays ayant intégré récemment l'Union européenne au niveau de la politique agricole commune: subventions massives visant à les pousser à se tourner vers des cultures peu rémunératrices, destinées à l'exportation (monocultures de céréales); des Bulgares qui sont payés pour arracher leurs vignes afin de ne pas faire concurrence aux autres vignobles européens; des aides à l'achat de tracteurs en Roumanie qui ont envoyé à l'abattoire des milliers de chevaux de trait dressés au labour, ce qui entraine une perte de savoir-faire (en France, celles et ceux qui veulent revenir à la traction animale galèrent vraiment pour se former; les rarissimes paysan.ne.s qui veulent faire les foins à la main et pas au tracteur le font pour préserver un savoir-faire mais n'en tirent pas de revenus...), une dépendance au pétrole, et une dépendance aux importations de matériel agricole. Un sujet important dans le cas de l'Ukraine qui possède de riches ressources agricoles, et où des entreprises occidentales sont déjà présentes, comme le groupe lactalis. Les regrets d'être entrés en Union européenne existent, les déceptions suite aux révolutions ayant renversé des systèmes dictatoriaux existent.
Pour relativiser maintenant le rôle de ce soft power en Ukraine: la révolution de Maïdan a commencé à l'initiative d'étudiant.e.s qui rêvaient surtout de libre-circulation, plus encore que de développement économique (obtenir un visa pour l'espace Schengen était très difficile, les échanges universitaires étaient rares). Sa répression brutale a entrainé l'entrée dans le mouvement de quarantenaires-cinquantenaires ne parlant pas un mot d'anglais, donc bien peu exposés au soft power, qui protestaient contre la violence du gouvernement et l'omniprésence de la corruption. Il y a de la corruption en France aussi, mais elle se trouve surtout aux plus hauts niveaux de l'Etat: partenariats public-privé douteux, privatisations dont l'Etat français sort perdant, grands projets inutiles imposés... Elle a une influence réelle sur l'économie et sur la vie du pays, mais plutôt de façon indirecte. On ne la ressent pas tant que ça dans sa vie de tous les jours. Dans les pays post-soviétiques, les salaires anormalement bas des fonctionnaires (les médecins dans le service public sont payés au SMIC, qui est tellement bas qu'on peut gagner plus en bossant à l'usine) entrainent une corruption omniprésente à tous les niveaux de la société: professeurs, policiers, médecins... Il y a par exemples des scandales de trafics de médicaments, des services publics qui sont théoriquement gratuits mais dont le directeur affirme qu'ils coûtent tel prix à l'année pour se mettre les sous dans la poche, des policiers qui inventent de fausses infractions et se font payer en liquide une amende imaginaire... On n'y échappe nulle part. Dans ce sens on peut trouver la corruption française plus sournoise oui, mais de là à faire l'éloge du choléra parce que nous on a la peste...
Il y a d'ailleurs eu de réels efforts de lutte contre la corruption en Ukraine et en Géorgie. Saakachvili, l'ancien dirigeant géorgien que Poutine parlait de vouloir pendre par les couilles (ou quelque chose du genre, je suis plus sûre de la formule exacte), avait licencié
l'intégralité des forces de police du pays pour les remplacer par des nouvelles recrues mieux formées et mieux payées.
Dans ces pays, ce ne sont pas des influences européennes qui luttent contre la corruption, ce sont leurs propres gouvernements, qui se trouvent être plutôt pro-occident, et dans le cas de l'Ukraine, qui sont arrivés au pouvoir après le renversement d'un gouvernement pro-russe corrompu.
Mais ça fait longtemps que la montée de l'opinion pro-atlantiste en Ukraine et en Géorgie n'est plus tant portée par le soft power américain que par le bellicisme russe. L'entrée dans l'OTAN et l'Union européenne représente une protection réelle contre les visées impérialistes de Poutine.