Je suis à peu près certaine que si elle - ou n'importe quel(le) autre auteur(e) en 2020 - avait placé le mot "noir" ou "arabe" à la place de "hommes" dans des extraits comme on a pu en voir : peu de gens se seraient donnés la peine de vouloir la défendre, de vouloir comprendre et contextualiser son propos, ou lire son livre. Personne n'aurait voulu comprendre l'origine de son racisme parce qu'il est admit que le racisme est problématique.
Je rebondis sur ton post mais c'est une réflexion générale : bien sûr que non il n'est pas "admit" "en 2020" que "le racisme est problématique", au contraire : Zemmour vient encore de recevoir une plainte pour incitation à la haine raciale il y a quoi, 4 jours? Alors qu'il déjà été condamné il y a plusieurs années pour la même chose et donc... a une tribune quotidienne sur CNews, qui du reste a d'autres invités du même type, leur temps de parole (raciste) est très loin d'être réduit. La "journaliste" en face de lui a rebondit sur ses propos, zéro condamnation
("ces propos vous appartiennent et n'engagent pas CNews"), il a d'ailleurs été beaucoup défendu ("mais il a raison!") sur les réseaux et dans les médias à droite, et est toujours à l'antenne (comme d'habitude). Ca fait beaucoup d'audience faut dire, la chaîne n'aurait aucun intérêt à le virer.
Et ça quelques jours après Sarkozy qui fait en direct une sortie raciste en assimilant le mot "singe" à "n*gre", sans la moindre réaction des journalistes "de gôche" sur le plateau de Quotidien
Ca me donne pas spécialement l'impression que le racisme en 2020 est considéré comme "problématique".
Rappelons aussi qu'au motif qu'elle portait le voile dans une vidéo de BFMTV une étudiante a du supprimer son compte twitter suite à son harcèlement,
donc non seulement oui, plein de gens ne veulent pas lire/entendre ou même tout simplement voir des auteurs / producteurs de contenus racisés et/ou musulmans et le disent haut et fort, mais en plus ils font pression pour supprimer ce que ces personnes produisent et leur présence même dans l'espace public.
Le tout avec l'acceptation tacite du gouvernement : les menaces de mort envers la journaliste islamophobe qui a amalgamé l'étudiante à une terroriste ont été condamnés par beaucoup de politiques, dont des hauts placés, les menaces de mort envers la jeune fille n'ont pas du tout soulever les mêmes condamnations politiques, et elle a dû fermer son compte.
Le racisme (et la misogynie) est complètement admis et banalisé en 2020, Zemmour est en tête des ventes sans souci.
Je rappelle que dans son livre "Le premier sexe" il compare le féminisme à du stalinisme (oui oui), est pour l'interdiction du divorce (!!!) et dénonce et condamne le féminisme et l'homosexualité masculine car ça signifie que les femmes blanches peuvent *choisir* comme partenaires des noirs ou des arabes, *forcément virils*, eux, face aux "métrosexuels" "de souche" influencés et "dévirilisés" par l'homosexualité, il est dit en substance que les femmes blanches devraient rester la propriété des hommes blancs (vraiment, une lecture fascinante "Le premier sexe" de Zemmour, d'ailleurs noté 4,3/5 sur Amazon : je le conseille à toutes celles et ceux qui trouvent qu'Alice Coffin est "trop radicale" et/ou "haineuse", je n'ai pas encore lu celui de Coffin mais au vu des extraits lus ça et là et de l'article je doute que ça pèse son poids de cacahuètes en comparaison niveau "radicalité" et "haine" avec celui de Zemmour).
Je trouve du coup cette phrase de l'article très juste :
Les discours radicaux ont toujours existé ; ils ont juste été acceptés et institutionnalisés lorsqu’ils étaient en faveur des dominants.
Que je mettrais aussi au présent pour le coup.
On peut très bien critiquer le livre d'Alice Coffin, mais je trouve gênant de voir qu'en général en terme de critique il reste de gros doubles standards en matière de parole public, qui sont toujours à l'avantage des misogynes et des racistes.
Sur les réseaux sociaux par exemple je vois qu'on parle plus du fait qu'Alice Coffin ne souhaite plus lire d'auteurs hommes et que c'est un problème que de Zemmour qui délire sur les mineurs marocains non accompagnés, "qui tous violent, volent et tuent", ça laisse je trouve bien plus pensif sur l'acceptation du racisme en France que sur *l'épouvantable* misandrie qu'il y a, en tant que groupe discriminé et statistiquement bien victime de la violence des hommes (la violence est genrée, et ce de manière écrasante), à vouloir pour certaines rester entre soi et ne plus vouloir accorder son temps à des hommes.
Je rejoins plusieurs commentatrices ici : est-ce bien pertinent de comparer des groupes de populations victimes de discrimination à un groupe de population (les hommes en général) qui ne l'est pas au niveau du genre? Pire, qui EST pourvoyeur de discriminations envers le groupe des femmes, et ce depuis des siècles?
Pour moi la misandrie peut être un problème (si elle sort du cadre des memes rigolos et de l'entre-soi féminin pour aller vers la violence par exemple) mais faire de la misandrie
l'équivalent de la misogynie ça me semble être quand même être un gros déni de réalité (et qui jette l'intégralité de l'Histoire et de la sociologie à la poubelle).
Bref très chouette article, j'ai déjà lu "La pensée Straight" de Wittig (que je recommande chaudement) donc je ne sais pas trop si je vais lire le livre de Coffin (je connais pas trop mal le sujet donc je ne pense pas que je vais y apprendre grand chose?
), mais je trouve les débats (et condamnations de l'auteure) autour tristement fascinants à l'heure un homme accusé de viol peut être ministre et rester pépouze en poste et où CNews existe et continue à avoir de belles audiences, la dernière phrase de l'article résume le tout très bien je trouve :
Interrogée par
L’Express, qui affirme «
On a été tout aussi choqué du passage où vous expliquez ne plus lire, voir ou écouter des œuvres d’hommes », l’autrice répond : «
C’est marrant, parce que, ce qui devrait vous faire frémir, c’est les violences contre les femmes » .
Le sens des priorités.