Je ne sais plus.
Je ne sais tout simplement pas ce que je vais faire, demain, dans un mois, dans un an, dans ma vie. Non je n'ai pas de projet. Non je n'ai pas d'envie. Je suis incapable de me projeter avec ça.
Je me torture l'esprit depuis des années pour trouver ma voie, pour trouver ce qui me plaît. Je n'y suis jamais arrivée et j'ai accumulé des frustrations pendant des années. A cause de mes parents. A cause. De. Mes. Parents. Cette éternelle rengaine. J'ai l'impression de me cacher derrière une excuse facile. Pourtant, quand j'écris mon histoire, quand je pense à eux, quand je suis chez la psy, quand je relis ce que j'ai écrit avant bah... Non, ce n'est pas une excuse. D'ailleurs pour la première fois on m'a récemment dit que j'ai été maltraitée psychologiquement par eux. Plusieurs personnes me l'ont dit. J'ai envie de dire "mais non, c'est faux !" mais je ne dis rien, trop occupée à ravaler mes larmes (des larmes de quoi ? vous voyez que je ne sais plus rien...) parce que c'est peut-être vrai, peut-être faux. Je m'en fiche en fait. Ce qui me préoccupe c'est de ne pas savoir si ce que je pense est légitime ou non, comme si j'avais besoin à chaque instant de l'aval d'une puissance supérieure pour chaque acte, chaque pensée.
La frustration donc. Parce qu'on ne m'a jamais laissée essayer ce que j'aime, on ne m'a jamais laissée éprouver mes capacités. Je ne sais pas si je peux être formidable ou m'écraser. Je n'arrive même pas à me mettre à l'épreuve seule. J'ai l'impression d'être un pantin dont on a coupé les fils et à qui on a dit "voilà, t'es une poupée maintenant, tu peux quitter le théâtre de Guignol et aller prendre le thé".
J'essaie de me laisser vivre. Je me rappelle e manière obsessionnelle les mots de ma psy "faites preuve de douceur envers vous". Toute la journée dans ma tête c'est "douceur douceur douceur" au lieu de "prendre la masse pour me taper sur la tête" comme elle dit que je fais. Mais j'ai peur, mine de rien mon intransigeance et ma dureté me dessinaient un chemin tout droit. Mais ça faisait trop mal et ça m'abîme trop, c'est vrai. Je ne sais pas construire en douceur.
J'essaie de me laisser vivre, mais quand tout s'écroule autour de moi, qu'il faut faire des choix, se mettre à l'abri et agir ça revient à mener une vie à deux vitesses. Ce qui m'épuise. Je suis toujours aussi fatiguée, je n'arrive pas à faire les efforts intellectuels poussés auxquels je me consacrais avant, je n'ai plus écrit le moindre essai, je ne termine plus mes portraits, je ne travaille rien, je sème des idées en essayant de faire des phrases qui traduisent ce que je pense, ce n'est même pas correct.
J'essaie aussi de définir les piliers de ma vie : des valeurs, une ligne de conduite, des passions. J'aurais aimé que ce soit une famille, des facultés intellectuelles, une maison. Je pleure de rage de ne pas avoir ça ! Et puis ça passe. Je reprends ce que j'ai, je me répète "de la douceur" et je souris. Ca, c'est le truc qui m'a toujours sauvée, sourire.
Avec ces piliers est-ce que je pourrais dessiner mon avenir ? Est-ce que je pourrais trouver ma voie, mon trou sur Terre ?
Oui je suis frustrée, blessée, et je n'aime pas ma vie. Je n'aime pas aller dans une fac médiocre dans une ville de taille moyenne. Moi, ce que je voudrais, en fait je le sais. Mais je ne sais pas ce que c'est : un caprice, un rêve, un besoin, un projet ?
Ce que je voudrais c'est avoir une vie à moi, pas une vie "comme dans une case". Avoir un projet qui l'occupera en entier, un projet qui vient de moi, qui apporte aux autres, un projet qui viendra de ma sueur. J'aimerais vivre au soleil, près de la mer, dans la montagne ou dans une très grande ville. J'aime ces lieux.
Je ne sais pas si je peux choisir de partir loin, de partir réaliser un rêve, je ne sais même pas si j'ai le droit d'imaginer le construire.
Je sais que je vais vite en besogne, j'ai déjà trop de choses à mener de front là. Mes propos sont décousus, c'est la fatigue. Mais franchement, mener des combats sans savoir à quoi servira le résultat n'a juste aucun sens.
On me dit que la vie est vide de sens. Iggy Pop dit "la vie n'a pas de sens, c'est pour ça que les gens vont à des concerts, composent des chansons. Alors pour essayer de gérer la mienne j'envisage mes journées comme un sandwich".
C'est bien pratique de voir la vie comme un sandwich. Alors bon appétit.