Veille permanente contre l'homophobie

[Berserker]

@Lenehän
Je crois qu'il va falloir que je lise Butler ( et en attendant, j'ai demandé un article à Madmoizelle pour gagner du temps).
Si je comprends bien, Butler parle des expressions de genre cishétéronormées dominantes pour déboucher sur une inclusivité.La déconstruction du genre comme archétype binaire ne passe pas par la négation des identités de genre. Au contraire, cette déconstruction "rend légitime " ces dernières au niveau social ( puisqu'au niveau individuel, on peut nier tant qu'on veut, ça ne fera pas changer la personne).
C'est très intéressant, je la mets sur ma tablette. Merci!

 

[Lenehän]

@Berseker Je t'y encourage, oui, c'est un challenge sur le plan intellectuel et c'est passionnant !
J'ai recopié le passage précis de Butler que je paraphrasais, parce que ce sera sans doute plus simple :
"Dans les communautés lesbiennes, l'"identification" avec le masculin de l'identité butch n'est pas une simple assimilation du lesbianisme avec l'hétérosexualité. Comme l'expliquait une lesbienne fem, elle aime que ses boys soient des girls, ce qui veut dire qu'"être une girl" met en contexte et donne un autre sens à la "masculinité" de l'identité butch. Résultat, cette masculinité, si on peut l’appeler ainsi, manifeste toujours en opposition au "corps féminin" culturellement intelligible. C'est précisément cette juxtaposition dissonante et la tension sexuelle que cette transgression génère qui constituent l'objet du désir; En d'autres termes, l'objet (et il n'y en a clairement pas qu'un seul) du désir lesbien fem n'est ni un corps féminin hors de tout contexte ni une identité masculine distincte et pourtant superposée à ce même corps. C'est la déstabilisation du rapport entre le corps et l'identité, le féminin et le masculin qui devient érotique. e la même façon, certaines femmes hétérosexuelles ou bisexuelles pourraient bien aimer qu le rapport entre la "surface" et le "fond" s'inverse ; en effet elle pourraient préférer que leurs girls soient au fond des boys. Dans ce cas la perception de l'identité "féminine" serait plaquée sur un corps "masculin", mais les deux termes perdraient, en se juxtaposant, leur stabilité interne et ce qui les distinue l'un de l'autre. Il est clair que cette façon de penser les échanges du désir marqués par le genre admet une plus grande complexité pour le jeu du masculin et du féminin, tout comme l'inversion entre premier et arrière-plan peut constituer une production hautement complexe et structurée du désir. De manière significative, le corps sexué en tant que "fond" et l'identité butch ou fem en tant que "surface" peut changer, s'inverser et faire toutes sortes de dégâts érotiques. Aucun des deux ne peut prétendre au statut de "réel" bien que l'un et l'autre puissent s'ériger en objet de croyance par le biais de la dynamique de l'échange sexuel. L'idée que la butch et la fem seraient des répliques ou des copies conformes de l'échange hétérosexuel sous-estime la charge érotique de ces identités : celles-ci resignifient les catégories dominantes qui les rendent possibles en y introduisant de la dissonance et de la complexité. Il est possible que les femmes lesbiennes nous rappellent quelque chose de la scène hétérosexuelles, si l'on peut dire, tout en la déstabilisant. Dans le cas des deux identités, butch et fem, l'idée même d'une identité originale ou naturelle est mise en question. En effet, c'est précisément cette question qui, incarnée dans ces identités, devient une source de signification érotique."

 

[Perfume Genius]

c'est un challenge sur le plan intellectuel

Je te le fais pas dire, j'ai déjà tenté plusieurs fois ... sans aller jamais jusqu'au bout tellement c'est chaud à lire (mais je suis peut être bête aussi cé possibl)

 

[Lenehän]

@Perfume Genius Ahah, il y a une longue intro au début qui explique combien elle utilise un vocabulaire difficile et qu'il faut pas avoir peur Mais en fait, faut relire deux trois fois le même passage et on saisit, même si comme le prouvent mes réponses ici, j'ai pas encore capté toutes les subtilités

 

[Perfume Genius]

@Lenehän Ahah oui j'ai lu l'intro aussi mais non rien à faire, c'est trop compliqué pour mon petit cerveau. En fait je me suis rendue compte qu'au fil et à mesure de ma lecture j'avais passé 2 pages sans vraiment les lire (et donc les comprendre) et à partir de là pas le courage de tout reprendre (surtout que ça faisait ça toutes les pages en fait )
Mais je ne souhaite pas décourager celles/ceux qui veulent s'y mettre, ça reste intéressant si on a un peu de temps et de courage pour tout décortiquer ce qu'elle veux nous dire

 

[Berserker]

@Lenehän
C'est gentil d'avoir pris le temps de copier le passage qui, en fait , m'interpelle beaucoup.( ça vient du fait de se demander pourquoi une lesbienne est attirée par tel type de femmes: la démarche me semble étrange). Que est le titre de l'essai? Ce sera mieux pour juger en globalité, si j'arrive jusqu'au bout ?
Et encore merci!

 

[Lenehän]

@Berseker Bein, l'érotique est politique, c'est le propos dedans en fait ! Du coup c'est son ouvrage le plus célèbre, Trouble dans le genre !

 

[AngelTen Richard II]

Je ferais mieux de ne pas lire, parce que je vais forcément à un moment ou un autre ne pas être d'accord, et que ça va me prendre la tête toute la nuit de trouver un moyen de montrer que j'ai raison.
(je suis quelqu'un de fondamentalement pas d'accord, malgré mes airs de personnes disciplinée)

 

[DarkVador-au-sauna]

Je me sens moins seule à ne jamais avoir réussi avec ce bouquin. Mon marque page est au milieu depuis au moins trois ans.
(Pourtant j'ai horreur de pas finir un livre, j'ai tenté en français, en anglais... et j'ai perdu la motivation. Mais un jour je le terminerais, challenge perso. )

Du coup je me suis contentée de lire des articles qui en parlent. Alors je me plante peut-être mais @Lenehän je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi quand tu mets en relation performativité et habitus. Judith Butler revendique au contraire la possibilité de faire et de défaire le genre à travers des actes performatifs (que ce soit par le corps, l'attitude, ou plus encore le language). Du coup c'est conscient et c'est dépasser les normes de genre intégrées, non ?

@Croquemitaine Des chats merveilleusement choisis en plus.

 

[Lenehän]

@DarkVador-au-sauna Alors en fait c'est elle qui fait référence à l'habitus ! Dans ma version du bouquin elle rajoute un chapitre pour expliquer que sa théorie a été mal comprise ; on a pensé que la performativité du genre c'était un peu "choisir le genre de son choix dans le placard et l'enfiler chaque matin" alors que non.Butler : "Le genre n'est pas l'effet d'un choix"
En fait il y a un contresens performance / performativité.
Il y a une emprise des normes, mais cela n'empêche pas de réfléchir à une possibilité d'agir sur celles-ci, notamment par la déconstruction / la prise de conscience.

 

[Lenehän]

Sinon si vous comprenez l'anglais, il y a Butler expliquée avec des chats. Tout est toujours mieux avec des chats.

Mais je sais pas si c'est l'heure tardive ou l'anglais, mais les chats m'ont plus perdu que Butler dans le texte

 

[DarkVador-au-sauna]

@Lenehän J'ai du abandonner avant ça.
Mais je comprends toujours pas trop le rapport...
Oui la prise de conscience et la réflexivité peuvent mener à se détacher des normes, jusque là ça va. On a intégré les codes et les normes de genre, jusque là je saisis aussi. Et c'est notamment à travers la performativité du language que l'on peut se détacher de ces normes, ou s'y conformer (je crois ?). Je pense comprendre aussi que le genre n'est pas l'effet d'un choix, dans le sens ce n'est pas quelque chose que l'on choisit (quelle magnifique phrase ). Mais elle met bien en avant le fait que le genre peut varier, non ? Et que du coup l'individu par son action, à travers le language, peut faire varier la manière dont les autres vont le percevoir (ou du moins essayer de le faire, vu que l'emprise des normes fait que les autres ne vont pas nécessairement le reconnaitre) ?
Du coup je ne comprends pas trop ce que tu veux dire : "cette performance n'est pas consciente, elle est performative". Elle peut être consciente, non ? Et performative en même temps ?

(Bon en fait en écrivant ça, qui est ultra brouillon, je vois plus le rapport avec l'habitus )