@Growing Entish
Merci de relever le risque de glissement vers des propos homophobes: je ne suis pas plus optimiste, juste pas concernée et je n'ai donc pas la même conscience que toi sur ce sujet. C'est important que tu le soulignes.
Concernant "l'enfant dû", effectivement je n'avais pas prévu d'en parler tout de suite
. La question m'a souvent effleurée l'esprit et même si je la trouve très intéressante, elle me gène également beaucoup et j'ai tendance à la balayer.
Mais je suis maintenant prête à y faire face et je serai très curieuse de lire différents avis à ce sujet.
Pour la suite: je réfléchis en écrivant, il se peut donc que ce soit confus, fait de raccourcis et/ou complètement idiot. Je m'en excuse d'avance
.
Quand je ne sais pas par où prendre un problème, je me penche sur les définitions et d'après le CNRTL, un dû est une dette. Du coup la question serait: L'enfant est-il une dette? Et là il peut y avoir plusieurs angles d'attaque parce-que si l'enfant est une dette, il est une dette de qui et par rapport à quoi? Qui exige de qui et qui doit à qui ?
Si on se base sur les religions bibliques, l'enfant est un don de Dieu: "Qui sont ceux que tu as là ? demande Ésaü à son frère Jacob. – Ce sont les enfants que Dieu a donnés à ton serviteur » Genèse 33,5 - "Voici, c'est un héritage du Seigneur que des fils, une récompense que le fruit des entrailles " Psaume 127,3
Par conséquent, si l'enfant est un don de Dieu, il ne peut être réclamé et sa venue ne peux être forcée. (On pourrait être tenté de balayer les arguments religieux d'emblée mais je crois que ça à son importance pour la suite.)
Certains écologistes attachés au concept du naturel et opposés à la manipulation du vivant vont dans ce sens. Je cite
José Bové qui est très explicite: "Je pense qu'à un moment, le droit à la vie et le droit à l'enfant sont deux choses différentes. Je ne crois pas que le droit à l'enfant soit un droit"
De ces deux points de vue, l'enfant est un don qui ne devrait pas être réclamé et dont la venue ne devrait pas être forcée. Ils s'opposent donc de facto à la PMA. Mais si on admet cela, on est en droit de se demander pourquoi certaines personnes auraient plus le droit d'avoir des enfants que d'autres? Dans le psaume 127.3 on parle de récompense, il y a donc une notion de mérite là-dedans. Et pourtant on ne peut pas nier l'existence de familles maltraitantes, abusives et dont le mode de vie détruit la Nature qui les auraient récompensés. La justification du mérite et de la récompense ne peut donc à mon avis pas être retenue, même si cette idée est bien implantée dans l'esprit de beaucoup de personnes ni religieuses ni écolo. J'ai par exemple très souvent entendu des parents dire que l'enfant choisi la famille dans laquelle il naît, ou bien que les couples infertiles (couple et non personne, peut importe l'orientation sexuelle) devraient se tourner vers l'adoption, comme si le désir de l'enfant biologique était un caprice, une exigence. C'est nier ce qu'est le désir ("ce dont on manque" avec ce que cela comporte de douleur), et le confondre avec l'envie ("Convoitise, mêlée ou non de dépit ou de haine, à la vue du bonheur ou des avantages de quelqu'un") (voilà pourquoi je tique un peu sur le titre du topic "Envie de bébé"
) (Je suis donc à 100% d'accord avec toi sur cette question du mérite).
Cette idée de "l'enfant-don" (qui ne se réclame pas mais ne se refuse pas non plus - encore moins lorsqu'on a été élu pour le recevoir) est donc comme je le disais bien ancrée dans la tête de beaucoup de gens et à mon avis ce n'est pas pour rien, car elle favorise la reproduction. C'est-à dire la production d'êtres vivants qui pourront par la suite se mettre au service soit de l'Eglise, soit de l'Armée. Dans le podcast
Et si on arrêtait de faire des enfants, est évoqué le fait qu'à une période, on a reproché aux femmes de ne plus produire suffisamment de chair à canon. Si l'Eglise et l'Armée ont perdu de leur attrait à l'heure actuelle, la reproduction reste importante puisqu'elle est à la base du système (elle favorise la consommation, permet le système des retraites etc).
C'est là qu'on rejoint le sujet de la pression que je crois réelle et d'abord sociétale avant d'être sociale, car le fait d'avoir des enfants n'a jamais été présenté comme un choix, que ce soit à travers la religion ou à travers la culture populaire. Par exemple: tous les contes finissent par "Et ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", comme si c'était la seule fin possible. Et ce modèle n'est encore que rarement remis en cause, l'enfant faisant partie du package « boulot, mariage, maison, bébé ». On peut également évoquer les maternités forcées (encore aujourd'hui) par des médecins refusant de pratiquer des IVG ou de prescrire une contraception (qu'elle soit définitive ou non) à des femmes en âge de procréer. Et même sans parler de ces extrémités qui restent bien trop nombreuses, il y a toutes ces petites phrases qui induisent l'idée d'un non-choix. L'année de mes 25 ans par exemple, ma gynéco m'a dit alors que je n'avais jamais évoqué avec elle un quelconque désir de grossesse : « Alors, ce bébé c'est pour quand ? A votre âge il faut commencer à y songer »
. Je suis loin d'être la seule à avoir entendu ce type de remarque. A cela s'ajoute une vision idéalisée de la maternité qui à longtemps été véhiculée et qui circule encore beaucoup sur les réseaux sociaux.
On pourrait également évoquer les conséquences de cette pression, mais ce post serait bien trop long donc je vais m’arrêter là.
Je voulais juste revenir sur une réflexion que m'a inspiré ton passage sur les personnes AFAB fertiles car, comme je l'évoquais plus haut, il y a je crois une différence à faire entre les couples et les personnes fertiles/infertiles. Sauf cas minoritaire *, la frontière entre la fertilité et l'infertilité est très mince et très mouvante: elle peut changer en fonction du couple, du moment, des circonstances extérieures...
Ce n'est parce-qu’une grossesse est déjà survenue par le passé que la personne aura facilement des enfants, et à l'inverse, ce n'est pas parce qu’une personne n'a pas réussit à avoir d'enfant à un moment donné qu'elle n'en aura jamais. Donc en théorie oui, il se pourrait que tu puisses concevoir un enfant en trouvant un porteur de pénis
, mais en théorie je pourrais également concevoir naturellement en trouvant un autre porteur de pénis. Sauf que ba moi non plus, je n'en ai pas envie (j'aime bien mon porteur de pénis
). Car au delà de l'aspect mécanique ou biologique, la conception d'un enfant comprend les notions d'amour, de désir... et de transmission de gènes (même si ce n'est parfois qu'en partie). Donc bon tout ça pour dire que techniquement, il n'y pas de différences entre les couples infertiles qu'elle que soit leur orientation sexuelle. Et que par conséquent la différence de traitement qui est faite selon les couples est grave et ne repose sur rien de cohérent. (Oui tout ce blabla pour souligner ce que tout le monde ici sait déjà
).
*une femme qui n'a pas/plus d'utérus par exemple sera définitivement infertile. Et pour être précise et utiliser le vocabulaire correct: elle sera stérile puisque la stérilité est définitive, ce que n'est pas l'infertilité.