@Ghost wind, la situation en Algérie est un épisode particulier de la colonisation et c'est effectivement douloureux pour beaucoup de Français qui ont vécu là-bas.Je viens de lire les propos de Zemmour et ça me fait penser à quelque chose.
Je remarque que de nombreuses personnes portant les discours les plus intolérant sont issus de l'immigration, mais beaucoup sont "originaire" d'Algérie (pied noir, juifs algériens etc) et font d'ailleurs une fixette sur l'Algérie (comme le FN quoi) . En fait, j'ai l'impression qu'il y a quelques chose d'assez spécifique dans cette guerre.
Vous ne savez pas si quelqu'un se serait attaqué aux conséquences de la guerre d'Algérie chez les algériens, chez ceux qui ont du quitter le pays etc ?
Dire "les Algériens ne nous aiment pas alors qu'on a tant fait pour eux, les hôpitaux tout ça, leur pays est pourri sans nous", ça oui c'est du white tears et même pire en fait, un discours colonial puant. Par contre dire "rentrer en France a été une tragédie", ce n'est pas du tout du white tears pour moi!
Il faut distinguer deux choses je pense, le processus de colonisation qui n'est jamais légitime et le sentiment d'appartenance au pays colonisé des gens qui descendent des premiers colons. Il ne faut pas oublier que la colonisation de l'Algérie a débuté en 1830 et ne s'est terminée qu'en 1962. L'Algérie a été un département à partir de 1848. Donc les Français blancs qui ont dû quitter l'Algérie avec la guerre pouvaient parfaitement y être installés depuis quatre ou cinq générations. Pour eux, l'Algérie était bel et bien "leur pays". Et je pense que c'est un sentiment tout-à-fait légitime, pas dans le sens "ce pays appartient aux Français et pas aux indigènes" mais dans le sens "ma famille ne connait que cette terre".
Les Français qui habitaient en Algérie ont souvent vécu leur expulsion comme un exil forcé : du jour au lendemain tu dois laisser toute la vie que tu as connue derrière toi, tu ne sais même pas pas si tu pourras revenir un jour sur la terre où tu as grandi, tu te retrouves dans un pays que tu ne connais pas parce que c'est soi-disant chez toi, que tes parents n'ont peut-être même pas connu... pour beaucoup c'était un vrai choc culturel et ça a laissé de profondes marques. Quand on lit les témoignages actuels d'enfants d'immigrés qui n'ont pas la nationalité et qui sont expulsés sans prévenir de France alors qu'ils y ont toujours vécu, on voit quel déchirement et quel drame c'est, hé bien ça a été vécu dans des termes similaires par les Français d'Algérie.
Une de mes amies dont le père avait 14 ans lorsqu'il a quitté l'Algérie a enquêté sur cet épisode récemment. Elle a toujours eu des relations difficiles avec lui parce qu'il ne communique pas beaucoup, n'exprime jamais ses sentiments etc. En enquêtant auprès de sa famille, elle a réalisé que quitter l'Algérie dans la violence l'avait traumatisé et qu'il ne s'en était jamais vraiment remis. Il ne supporte pas de parler non seulement de cette époque perdue où il a grandi en Algérie mais aussi de toutes ces années qui ont suivies où il a dû s'adapter à un pays qu'il ne considérait pas comme le sien. 50 ans plus tard, le sentiment d'être déraciné est toujours aussi vif.
Il n'y pas vraiment d'autres épisodes de la décolonisation française qui a été vécu aussi violemment par les colons parce que dans les autres colonies, soit les colons n'y étaient pas aussi profondément enracinés depuis des générations, soit ils n'ont pas été obligés de partir. Et puis il y avait aussi la manière dont la France a géré ce conflit, de manière silencieuse, cachée, cherchant à couvrir ses exactions et à faire taire ses témoins après la signature des accords de paix.
Le problème aujourd'hui c'est que beaucoup d'anciens Français d'Algérie pensent que reconnaitre l'oppression de la colonisation c'est dire que leur expulsion était juste, ce qui a mon sens sont deux choses bien distinctes. (Je ne parle pas de l'expulsion d'un colon qui s'est installé il y a 10 ans mais bien des descendants de ce colons qui n'ont pas choisi où naitre et grandir et je ne parle pas non plus de l'expropriation car c'est un problème plus complexe quand la possession de biens repose sur une ancienne spoliation mais bien de l'expulsion). Du coup, ils soutiennent ceux qui étaient contre la décolonisation car ça leur parait être ceux qui les défendaient eux... C'est pour ça que les débats sont si virulents autour de l'Algérie les gens qui ont été au pouvoir ces dernières années l'ont vécu personnellement.
Voilà, je précise bien que je ne suis pas en train de dire "la colonisation de l'Algérie a eu des effets positifs et était légitime" mais qu'elle a marqué certains Français d'une manière particulière et que ça les rend aveugles à l'horreur qu'est la colonisation d'un pays. Ils ne voient que ce qu'ils ont perdu eux...
Voilà quelques articles parmi d'autres qui sont intéressants sur les répercussions psychologiques :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/05/le-dernier-exil-des-pieds-noirs_1729185_3232.html
http://www.academia.edu/3569401/Les_pieds-noirs_et_les_harkis_La_valise_ou_le_cercueil_ (il y a une phrase dans cette étude qui résume très bien je crois : "Pour eux, la guerre d'Algérie n'est pas une lutte pour l'indépendance mais le drame qui a changé leur vie")
http://www.futura-sciences.com/maga...ie-traumatismes-sont-toujours-presents-37460/
Un reportage d'Inter un ancien pied-noir devenu militant FN http://www.franceinter.fr/emission-...012-ces-pieds-noirs-qu-on-ne-voulait-pas-voir
Je ne savais pas que Zemmour était originaire d'Algérie mais du coup ça me parait éclairer un peu les origines de son obsession autour du mythe du "paradis" perdu de la France des années 50!
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