En plus ça m'énerve un peu parce que les "binationaux" ce sont évidemment les maghrébins et les africains en général, on ne se pose jamais la question des belges, des allemands, des anglais, etc.
Sur ça, je pense que le sentiment d'appartenance peut quand même être conflictuel. J'ai une copine qui est née et a grandi en France mais ses parents ne sont pas Français, ils sont d'ailleurs bi-nationaux eux-mêmes, de deux pays européens du Sud, d'Israël et d'un pays d'Afrique. D'après son physique et son nom, elle est plus souvent associée aux pays européens du sud, donc elle ne subit pas de racisme mais elle m'a dit que tout au long de sa scolarité, elle ne s'était jamais reconnu dans ce qu'on lui présentait comme Français, que ce soit le discours littéraire, les cours d'Histoire ou l'éducation civique.
Pour elle, les enfants aux familles multiculturelles comme elle sont totalement ignorés, comme s'ils n'existaient pas, même quand il n'y a pas de haine raciste envers eux. Si tu veux être français, tu dois te rattacher entièrement à cette vision fabriquée d'une France uniforme (cachée sous le terme "Républicaine"). Elle m'a dit "Pendant les cours d'Histoire, j'avais l'impression que ce n'était jamais de moi qu'on parlait". Et en fait, je pense qu'elle n'a pas tort parce qu'on ne conçoit pas vraiment la France comme un pays forgé de différentes cultures. Quand on parle d'immigration, c'est un à-côté, une population "à part", marginale, comme si la fabrication de la France Républicaine n'avait pas été un dialogue entre différentes cultures extra-territoriales et régionales.
J'ai une copine Franco-Canadienne qui m'a dit la même chose "Je ne correponds pas à ce qu'on décrit comme français, j'ai l'impression de n'avoir aucun pays".
Et j'ai aussi une copine née au Portugal et arrivée en France à 4 ans qui a oublié le portugais en arrivant alors que ses parents continuaient à le parler à la maison. Elle comprenait mais était incapable de le parler et aujourd'hui, elle est obligée de le réapprendre à la fac parce que quand elle essaye de s'exprimer pendant les conversations en portugais, ses parents ne comprennent pas ce qu'elle dit. Elle est obligée de leur répondre en français. Comme elle a fait des études de langues, elle a un peu étudié le phénomène et apparemment, ce n'est pas rare chez les enfants d'immigrés : elle a bloqué sa langue "natale" parce qu'inconsciemment elle avait l'impression que ça l'empêchait de s'intégrer.
Même si parfois on rappelle les origines étrangères de grandes figures du monde musical et littéraire français, c'est seulement mentionné de manière anecdotique ou parce qu'on ne peut pas l'éviter dans une des oeuvres. Alors que quand on regarde, des Français illustres comme Romain Gary, Joseph Kessel, Georges Moustaki, Serge Reggiani etc. ont complètement nourris leurs productions par leur position de descendant d'immigré. Mais dans notre idéal de "Les Français sont tous les mêmes", on a tendance à croire que relever trop souvent qu'ils étaient des personnalités aux influences multiculturelles parce qu'ils étaient ou descendaient d'immigrés est déplacé.
Donc je suis d'accord que d'un côté, les bi-nationaux type Algérie ou Maroc subissent un racisme spécifique mais je crois que ça va au-delà du racisme, c'est le "modèle d'intégration à la française" qui met parait avoir des soucis...