- dans le même temps, ça peut m'énerver que l'on parle de l'immigration blanche, parce qu'elle peut être parfois "glorifiée". Ou en tout cas, plutôt bien vue, stylée. Quand on parle de multiculturalisme, on a aussi une tendance à plus écouter ou vouloir parler de celleux qui sont blanc.he.s Typiquement, les expat's versus les immigré.e.s...
Bref, je peux vous dire que pas mal de Blanc.he.s étranger.e.s ont beaucoup de mal à ne pas vouloir me laisser dire que je suis juste Suisse quand ça me chante. C'est pas parce qu'elleux peuvent se "pavaner" avec leur culture que moi j'ai pu toujours le faire, et donc oui des fois ça me blesse quand on me force à dire des choses, qui sont peut-être vraies, mais c'est pas forcément à moi de les dire parce qu'il y a derrière quelque chose qui est bien plus douloureux que ce qu'ils.elles peuvent imaginer.
Après, je ne pense pas que tous les immigrés blancs ont bénéficié des mêmes privilèges pour la valorisation de leur culture car il y a deux types d'immigration blanche. Ceux qu'on qualifiera plus volontiers d'expats, généralement venus de pays à haut niveau de vie, qui ont tout à fait le choix de rentrer dans leur pays d'origine s'ils le souhaitent (et n'envisagent pas nécessairement leur migration à long terme), dont la migration peut leur permettre d'occuper une place sociale plus valorisée que dans leur pays d'origine (meilleur job, meilleur salaire etc.), n'ont pas la même expérience de la vie à l'étranger et de la valorisation de leur culture d'origine que d'autres, ceux qui ont généralement immigré pour des raisons économiques et ont parfois subi un fort déclassement social.
(Sur la distinction expat/immigré, je sais que ça a été beaucoup débattu récemment mais je ne suis pas trop trop d'accord avec le consensus qui affirme que la différence tient au fait que l'expat est blanc et pas l'immigré. Je pense que c'est un facteur de différence mais que le critère principal porte plutôt sur une question de niveau de vie et de classe sociale. Ainsi, il est courant que des blancs se déplaçant vers un pays africain soient plus riches que la population locale par exemple, d'où le fait qu'on les nomme expatriés. Or, si je prends l'exemple de Madagascar, on qualifie également les nouveaux Chinois d'expatriés et non d'immigrés car ils sont perçus comme de riches investisseurs, et plusieurs Sud-Africains noirs sont également appelés expats à l'Ile Maurice. Idem, si on parle d'un immigré qatari ou saoudien en France, on va s'imaginer un ouvrier non spécialisé, pas un membre de la famille royale, et il est plus probable qu'on qualifie un Américain noir d'expat que d'immigré etc.)
Bref, je pense que les immigrés blancs récents ont souffert de xénophobie et également du classisme associé à la figure de l'immigré, ainsi que de certaines formes de racisme à l'occasion.
En France, certaines immigrations blanches comme celle de la population italienne, sont trop "lointaines" pour que les descendants d'Italiens ou les Italiens d'aujourd'hui ressentent une vraie discrimination. En revanche, les Franco-Portugais ou Franco-Polonais ont vécu la xénophobie et le mépris des autres il n'y a pas si longtemps car c'est une immigration plus récente. L'image du Portugais ou du Polonais s'est améliorée au cours des dernières décennies mais ça n'a pas toujours été des pays perçus positivement. Les Franco-Portugais qui ont plus de 25 ans sont assez âgés pour avoir subi assez violemment certains stigmates associés aux immigrés, même si ça s'est estompé au fil des décennies.
Je ne pense pas que ça a été si facile pour ces populations de revendiquer leur culture, j'ai souvent entendu dire que les Portugais entretenaient le communautarisme dans mon enfance et il y avait une perception très classiste de cette population. Plusieurs de mes amis d'origine portugaise m'ont dit que c'était mal vu de parler portugais quand ils étaient à l'école, c'était une langue qui avait une mauvaise image parce que les gens l'associaient à la langue de leur femme de ménage ou de leur concierge.
Idem, une de mes copines polonaises me racontaient des histoires similaires à celles de copines venus de pays "non-blancs". Ses parents l'ont coupée de sa langue natale pour mieux s'intégrer, ils essayaient d'apprendre le français par elle, ils ont très mal vécu quand elle a voulu faire ses études en Pologne une fois adulte, ils lui ont dit qu'ils n'avaient pas fait tous ces sacrifices pour qu'elle y renonce en retournant en Pologne. Ce genre d'expérience n'a pas du tout été vécu par mes amis Franco-Britanniques ou Franco-Suédois par exemple, donc je pense que c'est spécifique aux immigrés "mal vus".
Après, les stéréotypes changent de population par cycle. Les Portugais étaient méprisés dans les années 80/90, aujourd'hui il y a d'autres immigrés qui ont pris leur place. Du coup, on les oppose à ces immigrés et ils deviennent les "bons immigrés", ceux qui sont bien intégrés face aux "mauvais immigrés". Aujourd'hui en France, les "mauvais immigrés" blancs, il y en a encore, les Roumains par exemple.
Après ça reste plutôt de la xénophobie que du racisme, même si certaines de ces populations ont pu subir des discriminations qui se rapprochaient du racisme (je pense que les Portugais, comme les Italiens avant eux, n'ont toujours été perçus comme vraiment blancs, de même que les Roumains ont beau avoir la peau plutôt claire, je pense qu'ils ne sont pas perçus comme blancs par tout le monde de nos jours). Après bien sûr, ça reste différent de ce que subissent les populations non-blanches et ça ne concerne pas trop les personnes qui se trouvent dans une situation favorable économiquement.