Merci pour votre débat sur l'antispécisme!
C'est un truc que je ne connais pas du tout mais récemment une copine (qui n'est pas très militante et n'y connait rien en lutte anti-racisme) m'a expliqué qu'elle ne castrerait jamais son chat car elle a lu un livre sur les femmes esclaves en Amérique que les négriers stérilisait de force, que ça l'avait horriblement choquée et que par conséquent, elle ne ferait jamais ça à son chat
. Quand elle m'a sorti ça, j'ai trouvé ça tellement WTF, ça me paraissait si abscon de ne pas vouloir castrer son chat à cause de la traite négrière que je n'arrivais pas à dire autre chose que "mais enfin, ça n'a rien à voir, tu ne peux pas dire ça, cette comparaison est hyper choquante!". Mais elle ne voyait pas le problème à dire ça parce que "les animaux ne sont pas inférieurs aux humains" et je ne savais juste pas du tout comment argumenter. Après réflexion, j'ai simplement pu lui dire que les chats n'avaient de désir d'enfant ou l'ambition de construire une famille et une lignée mais c'est tout ce que j'ai trouvé à dire étant donné que je ne connais absolument pas la lutte antispéciste. Du coup comme ça lui semblait si normal, je me suis demandé si c'était une comparaisson aussi choquante que ça me semblait donc je te remercie d'avoir posé la question
@Leptys!
Pour moi, nous n'avons aucune légitimité à nous "revendiquer" comme enfants d'immigrés. Même si c'est factuellement vrai, je trouve que ça serait vachement insultant vis à vis de ceux et celles qui subissent le racisme, en assimilant notre vécu au leur. Juste non, ça n'a rien, mais alors rien à voir
Le fait d'être immigré et d'être victime de racisme sont deux notion différentes qui s'intercroisent je pense. On peut parfois vivre une blessure de l'immigration et passer inaperçu dans la population d'accueil après quelques années, comme on peut être issu d'une famille française depuis le 19e siècle, ne pas savoir ce qu'est d'être immigré et subir le racisme parce qu'on est noir.
Je ne pense pas que ce soit ce soit insultant de reconnaitre la part de ton histoire familiale qui est liée à l'exil. C'est vrai que j'ai toujours du mal avec les Américains ou les Canadiens qui me disent "ah tu es Française, moi aussi je suis d'origine Français car en 1783, un de mes ancêtres... et je suis aussi en partie Irlandais, Chinois et Italien par mon arrière-arrière-arrière-grand mère...". Je trouve cette revendication des origines très artificielle, d'autant plus que contrairement à des pays comme l'Ile Maurice où la culture des ancêtres a réellement été transmise de génération en génération (même si très modifiée), les Américains qui se vantent de leurs origines étrangères n'ont aucun lien culturel avec.
Cependant, si ton propre père était immigré, c'est ton histoire directe et elle t'a certainement affectée. Cela ne veut pas dire que tu vis la xénophobie ou les discriminations, mais ça a quand même marqué ta famille.
L'exemple que je vais citer peut paraitre un peu HS mais c'est le premier qui me vient et je vais expliquer le rapport avec mon propos.
Je ne sais pas si vous avez lu la BD
Deuxième génération, ce que je n'ai pas dit à mon père de l'Israélien Michel Kichka aux Editions Dargaud. C'est vraiment une très belle BD autobiographique que je conseille. Le père de l'auteur est un rescapé des camps de concentration et tout le coeur du bouquin n'est justement pas de parler du passé du père mais du traumatisme des
enfants qui n'ont rien vécu de tout ça et qui n'étaient pas nés pendant la guerre.
En fait, le traumatisme vécu par le père a été transmis à ses enfants. L'auteur est convaincu que son petit frère né dans les années 70 est une victime collatérale de la Shoah : il s'est suicidé parce qu'il ne parvenait pas à survivre avec le passé de son père, et les autres enfants ont tous nourri le traumatisme en eux, comme beaucoup d'Israéliens. Même s'ils ne sont pas perçus comme des victimes parce qu'ils n'ont pas vécu les camps et les persécutions, même s'ils vivent géographiquement loin de cette histoire, le passé de leurs parents les impacte aussi et hante leur vie.
Ce que cet exemple un peu éloigné montre c'est que les souffrances vécues par une génération peuvent être ressenties par procuration par la suivante, même si elle n'a rien vécu de tout cela et même quand elle ne sait pas très bien ce qui s'est passé.
Par conséquent, je pense que les enfants et petits-enfants d'immigrés "white-passing" peuvent parfaitement se reconnaitre dans l'étiquette "enfants d'immigrés" sans que ce soit une insulte pour les immigrés moins bien accueillis. L'exil est généralement une blessure, même s'il y a pas de racisme dedans. Et cette blessure se trouve encore plus marquée quand la culture d'origine ne peut pas s'exprimer et qu'on a l'impression qu'elle se dissout dans les souvenirs parce qu'elle se heurte à la xénophobie de la culture d'accueil.
Après, il est évident que le fait de te retrouver dans l'histoire de l'immigration ou que cette histoire t'impacte intimement ne veut pas dire qu'elle va t'impacter socialement. En outre, en ce moment, le terme "enfants d'immigrés" utilisé dans les médias désigne rarement
tous les enfants d'immigrés mais plutôt les enfants d'immigrés non-blancs. Donc pour en revenir au post de
@annecat51 et au slogan "nous sommes tous des enfants d'immigrés", je pense qu'il y a un mélange entre les différentes utilisations du mot qui créé une confusion parce que oui, clairement, c'est pas les "immigrés" au sens large qui sont les cibles principales de la haine en ce moment mais *certains* immigrés. Le slogan n'est donc pas très efficace.
Bref, longue digression alors que je rebondissais juste sur une de tes phrases!