Je ne comprends vraiment pas comment on peut avoir envie d'être légitime à parler de racisme. J'aimerais perdre cette légitimité personellement. Mais comme dirait l'autre, you do you boo, mes propos n'engagent personne à part moi. Ils n'empêchent pas Rachel Dolezal d'exister alors...
Elle ne veut pas subir le racisme pour être légitime d'en parler (ce que, comme toi, je ne comprendrais vraiment pas). Elle veut qu'on reconnaisse sa légitimité à en parler parce qu'elle le subit. C'est-à-dire qu'on reconnaisse que ce qu'elle vit au quotidien n'est pas normal et dépend des comportements racistes de d'autres personnes. La nuance est dans le lien de cause à effet : c'est parce qu'elle est victime qu'elle veut qu'on lui reconnaisse son statut de victime, pas l'inverse.
Et elle a également dit que ce qu'elle vivait était moins pire que nous, les racisés.
@Aspiole Pourrais tu expliciter, (si tu en as envie hein!) le genre de choses que vivaient les personnes blanches de ton entourage? Ou tes propres expériences?
Qu'entends tu par "j'ai été rejetée car n'étant pas une vraie noire"? Comment cela se manifestait pour toi?
Je vais pas m'étendre là-dessus, ce n'est pas très agréable comme exercice. Quelques souvenirs en vrac tout de même :
Quotidiennement, ça pouvait être des remarques sur mes capacités, physiques comme intellectuelles, sur une objectivation, une négation de mon individualité... Un exemple avec cette fois où, dans mon quartier, des jeunes de mon âge s'amusaient à faire la course. Quand j'ai voulu jouer avec eux, on m'a dit que je ne saurais jamais courir parce que je suis blanche. Handicapée. Pas assez noire pour qu'on se fatigue à m'affronter. J'étais très souvent dehors (puis je suis restée cloîtrée chez moi à partir d'un moment), mon père n'avait pas le temps de s'occuper de moi. Les autres jeunes me rappelaient tout le temps ma couleur "pas assez noire". J'en avais assez qu'on me dise que j'étais incomplète. Qu'on s'étonne que je puisse aimer des "trucs de noirs", les pratiquer. Qu'on me pose des questions sur ce "merdeux qui a sali sa lignée en baisant un blanc".
Du harcèlement moral aussi. Et plus ponctuellement, c'était physique. Je peux citer cette fois où, petite fille (je devais avoir neuf ans, souvenir bien gravé dans mon esprit d'enfant), un groupe de voisins m'a attrapée sur le chemin de l'école. Ils m'ont projeté au sol, mis la tête dans une crotte de chien, frotté le visage contre elle, maintenu la face dedans en mettant leurs pieds sur mon crâne... et dit que mon déguisement de noire n'était pas au point, qu'il fallait noircir tout ça. Que je salissais leur couleur...
Paroxysme quand une bande de mon bled a voulu me gang-bangder pour voir si j'étais quand même baisable pour une fausse black. Et ma chatte, elle sent la petite blanche ou la noire ? J'ai réussi à m'échapper. Ils m'ont poursuivi. Je m'étais enfermée sur le toit de l'immeuble, j'y ai passé des heures en espérant qu'ils n'enfonceraient pas la porte, qu'ils ne serait pas derrière non plus. J'avais quinze ans.
Et je ne veux pas en dire plus, je me rends compte que ça ne va pas aller si je continue. Désolée, je ne peux pas continuer sur les exemples.
Je pense que j'étais très clairement vue comme un "être humain considéré comme intrinsèquement inférieur". Voire pas comme un être humain du tout. Ce n'était pas juste qu'on ne m'aimait pas pour ma différence, non. Et ça me met un peu mal à l'aise de devoir me justifier quand cette considération venait des noirs, alors qu'on ne me demanderait pas l'inverse venant des blancs (même si j'entends que c'est plus fréquent dans un sens que dans l'autre). Ca fait très "Elle est racisée, donc elle ne peut pas penser ça, mais elle peut penser ça, blabla", c'est stigmatisant. Ca sous-entend (peut-être involontairement) que tu connais tous les racisés et la façon dont ils pensent tous pour affirmer qu'un racisé ne peut pas avoir une pensée raciste. C'est dérangeant.
Pour finir, je suis d'accord sur les distinctions à apporter suivant les intentions des personnes qui t'agressent. Et j'ai aussi conscience que le racisme inscrit plus en profondeur et ne se résume pas à un "sale noire", tes paroles sont très vraies à ce propos. C'est une dépersonnalisation de l'individu.
Je reviens un instant là-dessus mais il ne faut pas oublier que si je peux répondre "avec diplomatie" ou sans être particulièrement directe, c'est que le racisme ne me touche pas. Si demain je ne veux plus entendre parler de racisme, il me suffit de ne me plus me connecter sur cette veille, de quitter quelques groupes Facebook. D'autres sur cette veille en particulier n'ont pas ce privilège. Ça peut te paraître anodin mais c'est malheureusement assez fréquent que les personnes blanches ou alliées en général soient particulièrement remerciées pour leur calme, leur diplomatie, etc. Et en miroir c'est une façon de dire aux autres personnes, aux personnes racisées notamment, qui participent qu'elles sont trop aggressives, pas assez calmes. Le fait que ça ne me coûte pas beaucoup de répondre calmement n'est qu'un de mes privilèges blancs.
A la limite, si tu n'apprécies pas ce que t'ont dit les autres Madz, ne remercie personne
(d'autant plus que tout ce que je dit, je le tiens exclusivement de personnes racisées,
@Anna Stesia entre autres, qui sont très rarement remerciées dans les moults débats où elles prennent le temps de répondre malgré la violence de certains propos, parce que jamais assez polies, zens, calmes. Jamais assez blanches en réalité.)
Il y a eu quiproquo puisqu'elle a remercié
@Anna Stesia aussi :
Merci
@Anna Stesia d'avoir répondu quant au terme existant ou non. Et pardon d'avoir utilisé à mauvais escient le terme racisé, je note pour le futur ^^
Donc elle n'étais pas trop noire pour ça.
D'autant qu'elle ne te remercie pas sur ce que tu dis, mais sur la manière dont tu le dis (et il n'y aurait pas lieu de le faire envers les personnes qui ont dit les mêmes choses mais d'un manière qui ne lui plaisait pas, couleur de peau ou pas). Valoriser un comportement n'est pas raciste, elle n'avait d'ailleurs aucun moyen de savoir que tu étais blanche et pas les autres personnes qu'elle n'a pas remercié. D'ailleurs, un forum peut effacer les couleurs visuellement, ce qui fait qu'on va plus facilement juger les gens, à première vue, pour ce qu'ils disent et non pour leur ethnie (s'ils ne l'affichent pas). Donc c'est assez HS de lui parler de ça là (IRL, ça aurait pu être plus pertinent, puisque c'est en effet quelque chose qui agit dans nos vies).
Et si tu me permets, le "Jamais assez blanche" ne me plaît pas trop... Certes, les oppressions que l'on subit peuvent avoir des incidences sur notre comportement (notamment dans l'implication et l'émotivité que l'on va avoir par rapport au sujet abordé). Mais pas d'une façon systématique non plus, cela dépendra de tout le monde... Alors à part dire qu'aucun noir ne recevra de remerciement parce qu'aucun n'est capable de civilité (??????) parce qu'ils réagissent tous de la même manière par rapport au racisme (???), ça me semble assez déplacé.
@Ana-Esperanza Non mais meuf, t'as vu comment tu parles aux gens ? Merci pour ton "gentil" message où tu ne prends pas la peine de répondre à ce que je dis par manque d'intérêt. Moi aussi, je ne vais pas me saouler à te répondre.
@Yuliia Alors,
@Jeannedarkh n'a pas parlé de racisme anti-blanc au départ, elle a parlé de racisme anti-arabe subi par une personne non racisée. Ce n'était pas maladroit, c'était légitime de se tourner vers ce topic dans ce cas.
Ensuite, je suis plus proche de la vision d'
@123pourquoi que de la tienne en ce qui concerne les catégorisations de racismes. Pourtant, je suis racisée, je suis métisse. Alors bon, si on ne peut pas venir expliquer ce qu'est le racisme à une racisée, on va avoir un problème parce qu'on n'a pas la même idée sur la question. Je pense que tout est sujet à discussion.
D'autant que là le racisme subi par les racisés n'est pas remis en question (encore heureux !), il est seulement dit qu'il peut arriver qu'un blanc en subisse également (mais différemment), donc en soi, c'est toi qui viens expliquer aux blancs ce qu'est leur "racisme" (ou un mot qui conviendra mieux) et pas l'inverse (si on suit ta logique).
Je suis victime de racisme. Anti-noir comme anti-blanc. Je trouve malaisant que je ne puisse pas parler de ces deux formes d'oppression sur un sujet qui se nomme "Veille permanente racisme xénophobie" sans distinction de races. Très clairement, je vois des similitudes entre ces deux formes d'oppression, je les VIS de manière très proche, malgré les différences. D'un côté comme de l'autre, on ne m'a pas considérée comme un être vivant mais comme un prototype. D'un côté comme de l'autre, je n'ai pas de communauté qui m'accepte, je n'ai pas de pays où je me sente chez moi (j'ai beau aller au Sénégal depuis ma naissance, y avoir mes marques, mon cercle, on m'y rejette pour mes origines françaises, ma peau trop palote... Et c'était pareil en France, dans le quartier où j'ai grandi.).
À mon sens, petite incohérence également... Pour toi, quelqu'un vivant du white passing est quand même victime du racisme, même si c'est
occasionnel (CV, etc.). Je suis d'accord. Mais alors pourquoi ça ne compte pas pour
@Jeannedarkh, elle aussi victime de racisme
occasionnellement, sous prétexte qu'elle n'a pas les origines qu'il faut ? Elle a même dit qu'il y avait des fois où on ne la croyait pas quand elle disait ne pas être kabyle :
Je lis ci et là que certain.e.s d'autres vous sur cette veille sont las.ses de devoir établir quelles sont leurs origines auprès des genTes, et cette situation pour ma part est courante, encore aujourd'hui. Et parfois, je dois aussi quand j'accepte de répondre à ces questions là faire face à des genTes qui ne me croient pas, et pour qu'on me lâche la grappe, dire 'amen'.
Donc elle ne peut pas toujours se contenter de rétablir la vérité pour y échapper.
J'entends que ça n'intéresse pas tout le monde. Mais un forum est aussi fait pour que les conversations se croisent, s'entrelacent. Si on n'a pas envie de réagir à une forme de racisme exprimée, qu'on se taise, on est pas obligé d'intervenir sur ce propos, on peut parler d'autre choses. C'est mieux que de dire "c'est pas du racisme, t'es indécente de parler de situations de souffrance que tu as vécu" ou "j'ai vécu pire, donc tes problèmes, je m'en ballec, casse-toi de mon topic", alors qu'on pourrait juste profiter du lieu pour réagir sur les autres interventions.
Quand bien même on n'a pas vécu le racisme de la même façon, pourquoi éjecter des personnes de cette définition plutôt que d'élargir cette dernière pour que tout le monde puisse s'exprimer sur le propos ? Le mieux, ce serait de créer un autre terme pour ces gens hors catégorie, ça froisserait moins de gens, en soulagerait d'autres et permettrait de ne pas mélanger des phénomènes distincts. Mais visiblement on préfère dire "ça n'existe pas" plutôt que "nommons-le autrement", et je trouve ça dommage...
N'oublions pas d'être bienveillantes les unes avec les autres, de nous soutenir dans nos luttes individuelles, pas de nous enfoncer.