Coucou ici
Je n'ai pas encore posté ici, mais ce fil m’intéresse énormément. @Destynova m’avait interpellée une fois ici, sur les minorités visibles, et j’ai commencé un long texte qui est un peu trop partie en confession façon « c’est ma vie »
D. Du coup je n’avais pas osé le posté.
Je me suis décidé à écrire aujourd’hui, car j’ai pas mal besoin d’exorciser certaines choses. Et si vous le voulez bien, je profiterais de cet espace pour le faire. J’espère que cela ne sera pas trop perçu comme trop intime, auquel cas, j’effacerais certains contenu.
Pour la discussion : POC/Femme-personne racisée/terme
Je reprends le commentaire de @lady-stardust sur l’emploi des termes POC, car cela m’interpelle également.
J’ai commencé à utiliser ce terme suite à mes lectures sur internet, sur twitter et tumblr notemment, mais je ne l’ai ai jamais entendu en vrai. J’utilisais déjà parfois « gens de couleur » par opposition « aux blancs », à l’oral quand j’avais besoin de généraliser mon propos, mais effectivement, j’ai le plus souvent tendance à dire « les noirs, les arabes, les asiatiques etc. », mais parfois pour simplifier je disais quand même « gens de couleur ».
Cela dit, je suis réceptive quant au fait que le mot « POC » utilisé dans la littérature américaine, ne veut pas forcément dire la même chose chez nous. L’histoire des Noirs afro-américains, principalement liée à l’histoire esclavagiste, des Mexicains , Cubains portoricains et Latinos en général, et des Chinois, Japonais et des autres asiatiques n’est absolument pas la même que chez nous en France. D’ailleurs les origines précises des populations n’est pas la même. Les « raisons » de leur présence n’est pas la même non plus.
Si les courants politiques et sociétaux du 16 au 20e siècle sont communs aux occidentaux d’Europe et des Etats-Unis/Canada, il y a néanmoins des variations non négligeables.
Le racisme a été institutionnalisé dans certains pays (Etats-Unis, Afrique du Sud) à un point qui n’a jamais été atteint en France (heureusement), bien que l’on puisse aisément revenir sur le statut de l’indigénat dans les colonies, il n’a pas été implanté sur la France métropolitaine.
Quoi qu’il en soit, on ne parle pas de la même chose aux Etats-Unis et en France quand on évoque les détails de cette oppression raciale.
Du coup, oui, c’est certainement dérangeant d’utiliser un terme anglais comme POC, sachant, que sémantiquement il désigne quelque chose de précis, qui n’a pas le même sens chez nous.
Et sinon oui je confirme, le terme « black » est de plus en plus utilisé. Après maintenant chez les jeunes, il y a aussi le verlan qui entre en jeu, maintenant entre jeunes on dit plus facilement « un rebeu » et un « renoi », mais j’ai déjà entendu « kebla » (de la bouche de blanc et d’arabe il me semble mais pas de noirs). Ce qui finalement rejoint la volonté de ma génération d’être appelé par un nom simple. Par contre chez les gens de ma génération, je continue à entendre « black », ou « magrébins » mais plus ces métaphores à la noix
Pour reprendre tes exemples de vie Lady-stardust, je vais en donner quelques-uns également.
Je suis née en 1980, j’ai 34 ans aujourd’hui, une indication pour préciser ma génération. Quand j’étais au collège (donc 1992-1996) les jeunes gens blancs de ma classe n’arrêtaient pas d’utiliser des métaphores pour décrire les arabes ou les noirs, surtout les filles avec qui je papotais le plus ^^ : . Pour les arabes, ça pouvait être « les maghrébins », « les beurs » (je déteste ce mot), « les gens du Maghreb », « les africains du Nord », « ceux avec la peau bronzée », pour les Noirs, j’ai même entendu une fois « les Noirs noirs » et les « arabes noirs « (genre les Noirs bien noir de peau ou les Arabes très bronzé ou noir de peau!) au bout d’un moment, ça m’a énervé et je leur ai dit « dis juste « Arabe », stoplait, ce n’est pas une insulte, tu sais. » Et bizarrement, c’est allé mieux, elles parlaient plus simplement et moi, j’ai arrêté de me vexer avec toutes ces circonvolutions qui étaient censée me designer sans me vexer.
J’en ai discuté il y a quelques mois avec mon mari, qui est blanc, et il me disait « oui mais tu n’aurais pas dû leur en vouloir, elle disait ça pour ne pas te vexer », « elles faisaient preuve d’empathie, quelque part elle faisait attention à toi et ne voulait pas te faire du mal en utilisant un mauvais vocabulaire ». J’ai convenu que ce n’était pas comme un gros raciste qui en te désignant par « métèque » ou « sale arabe » ou autre te lance une insulte à la gueule. Mais les paroles de mes copines de l’époque ne plaisaient pas non plus car cela me rendait trop visible. Bien sûr ce n’est pas comme ça que je me l’expliquais à l’époque, mais maintenant je sais porter un mot sur ce que je ressentais. La notion de visibilité, mon chéri l’a comprise quand je la lui ai expliqué en faisant le parallèle avec d’autre exemple : être trop gros, être trop grand, on se fait remarquer pour quelque chose . En fait, je voulais que mes copines me parlent comme à n’importe qui, que mes origines ne soient pas un frein au dialogue, je voulais me fondre dans la masse, dans la norme, comme tous les adolescents. Quand mes amies prenaient des « précautions » avec moi, c’est comme si j’étais devenue d’un coup un sujet sensible par ma seule présence, comme s’il fallait faire «attention », car elle n’est pas comme nous, il faut lui parler avec des pincettes à elle. Pour les Noir-e-s de ma classe, cela a été la même chose, au bout d’un moment, comme moi, i-elles revendiquaient le droit d’être appelées Noir-e-s et pas nommé-e-s « Blacks », « Africains». Je ne me souviens pas qui a commencé à revendiquer ce droit mais c’était un sentiment commun. Je me souviens que c’était en 5e. En primaire, je ne me rappelle pas si la question s’était posée, ou si je n’en avais pas encore conscience, ou si simplement, j’étais encore trop enfant pour commencer le processus de normalisation, et qu’ainsi cette « différence » que j’avais comprise, ou qu’on m’avait fait comprendre plutôt, à l’adolescence, je n’avais pas encore l’âge pour la comprendre vraiment.
Au sujet du film : « qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? »
@mamicaro :
Excellente ta critique du film. La bande annonce m’avait fait froid dans le dos, je n’ai pas eu ton courage pour aller confirmer mes craintes….
C’est bon de savoir que pour s’intégrer il faut être un raciste comme les autres.
Ce n’est pas si grave le racisme, tout le monde l’est, où est donc la faute, plus besoin de le combattre.
C’est déprimant u_u.
J’ai moi-même fait un mariage mixte, et c’est évidemment un sujet qui me parle. Le voir traité ainsi me fait bien mal au cœur.
Spoiler
Vie privée, ne pas citer s’il vous plait
J’ai évoqué les circonstances dans laquelle cela a été dit, une veillée mortuaire, mais je sais que ce n’est qu’une excuse à mon silence. Si j’ai un caractère affirmé quand cela concerne des choses qui me sont externes ou passionné quand il s’agit de politique ou de féminisme, quand il s’agit de racisme ou de répondre à des remarques racistes faites par des proches je perds toute contenance. Je suis comme perdue, et j’agis en victime passive, comme si en ne disant rien, peut-être ils continueront de croire que ça ne me concerne pas, que je pourrais continuer de croire qu’ils ne parlent pas de moi. Que mon silence est la marque de la paix que je veux maintenir.
Et pourtant si, bien sûr, qu’il s’agit de moi. Et mon silence ne fait que libérer leur parole.
Je suis triste rien que de repenser à cela. Je crois que c’est ce qui me peine le plus les discriminations raciales. Le sexisme et le machisme, j’en fais mon affaire. J’ai eu du mal, mais j’ai réussi à me débarrasser de beaucoup de fardeau dont on a essayé de m’affubler, dans le cadre de notre société patriarcale française, mais aussi au sein de ma famille et de ma culture d’origine (marocaine, berbère, musulmane, société patriarcale également), dont je parlerais surement un jour dans la VPS, par contre le racisme… heh ! Ben, c’est et ça reste un sujet douloureux.
Je n’en ai pas été beaucoup victime finalement, je ne l’ai pas toujours remarqué, j’ai eu des œillères parfois ; et pendant longtemps, j’ai pensé, naïvement que mes compétences intellectuelles me sauveraient de ces discriminations dont j’entendais parler. Dans ma volonté de survivre, de m’intégrer corps et âme en France, cette arrogance m’a fait fermer les yeux sur de nombreuses choses. Et oui j’avais bien gobé le concept de méritocratie républicaine. Ainsi j’ai grandi en rejetant une partie de ma culture. Du rejet d’une partie de la culture arabe marocaine, en passant par le rejet intégral de la religion, j’ai embrassé, éprouvé point par point la culture occidentale, j’ai intégrée celle dans laquelle je suis née, la française. Et je l’ai adoptée à bras le corps, autant que je pouvais.
C’est bien plus tard que je me suis rendue compte que tout n’étaient pas aussi simple. Que souvent il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Et que, malheureusement, ce que je prenais pour acquis pour moi, être française, être intégrée, ne l’étaient pas forcément pour les autres.
Il y a dix ans, le jour de mon mariage, en fin de soirée, ce fameux oncle m’a prise à part pour me dire d’un ton affable: « Ne vous inquiétez pas, on a rien contre les gens comme vous, dans la famille ».
Moi, dans ma robe blanche, nouvelle pièce rapportée dans un petit village à 800km de Paris, ma ville de naissance, je me suis soudain sentie bien seule. Je n’ai pas osé répondre, que je ne m’en inquiétais pas avant qu’il ne me dise cela...