angelten-richard-ii;4815205 a dit :@seinouille :
En fait j'ai eu un gros coup de colère à la lecture de ton message parce que je voyais pas trop où tu voulais en venir, et puis après me sortir "ha mais faut faire attention à comment tu milite sinon tu peux te retrouver avec des gens d'extrême-droite hohoho"
heu je pense quand même être dotée d'un cerveau capable de distinguer ce qui est xénophobie "haaaaaa vous avez vu ils sont pas comme nous c'est le démon ils pendent des homosexuels à des arbres" (d'ailleurs ce sont souvent les mêmes qui disent après "haha lol t'es pd dégueu mdr" si vous voyez ce que je veux dire) et ce qui est militantisme réel. Enfin je sais pas, oui, c'est évident qu'il y a une différence.
Le problème, c'est que la nuance est parfois mince, et pas aussi nette qu'on voudrait le croire.
Sur l'affaire de Boko Haram, par exemple, j'avais commencé par aller à un rassemblement, mais bien qu'il ait été organisé par des personnes très portées sur l'intersectionnalité, il y avait certains slogans qui me mettaient mal à l'aise, notamment "stop à la guerre faite aux femmes" - alors que l'action de Boko Haram ne vise pas les femmes en particulier - reprendre en coeur le Bring Back Our Girls - ce ne sont pas "nos" filles, j'aurais plutôt eu envie de dire "bring back their girls", il y avait la désagréable impression d'appropriation d'une cause dont on était beaucoup à mal maîtriser les tenants et les aboutissants.
J'avais ensuite lu des articles (genre celui-ci, ou celui-ci - tous deux écrits par Atane Ofiaja, un Nigérian qui vit aux USA) sur la façon dont le mouvement était récupéré en Occident, et ça m'a beaucoup fait réfléchir. Le mouvement a été initié par des personnes nigérianes, et la mobilisation en Occident est pleine de bonnes intentions, mais on doit rester super prudent-e-s sur ce genre de questions pour ne pas reproduire, même si c'est involontaire, des vieux schémas paternalistes. Ce n'est pas évident, mais c'est quelque chose qu'on doit garder à l'esprit, et se dire qu'on sait faire la différence entre les gens d'extrême-droite et les gentils militants, ce n'est pas suffisant. Il faut aussi interroger les dynamiques en jeu dans notre façon de militer - la parole de qui est relayée ? Le schéma narratif a-t-il été modifié depuis le début du mouvement ? Y a-t-il des enjeux sur lesquels on fait l'impasse ? etc. Ce ne sont pas des questions si évidentes qu'il n'y paraît.
Par exemple, quand on parle d'homophobie et de toutes les LGBT-phobies en Russie, de qui parle-t-on le plus ? De Poutine, ou des assos LGBT+ sur place ? Est-ce qu'on parle assez des militants russes, de leurs actions, de leurs succès, de leurs luttes ? Connaît-on seulement leurs noms ?
(Tu me diras, on peut se poser les mêmes questions sur les LGBT-phobies en France... Mais c'est encore plus sensible quand on parle de pays étrangers.)
Le problème n'est pas tant de se retrouver à côté d'une personne d'extrême-droite dans une manif, mais de servir, même indirectement, davantage les intérêts de l'extrême-droite et des réacs de tous poils que ceux des personnes qu'on souhaite réellement soutenir et aider. Pour ça, le moyen le plus simple reste d'écouter les personnes concernées - et ça devrait aller de soi, mais quand on voit le traitement de ces sujets par les médias occidentaux, on se rend compte qu'il y a encore un sacré boulot à faire.