Par rapport à ces histoires d'immigration européenne...
Mon père était espagnol, et a fui son pays à cause de la guerre (Oui, il était
vieux). Il ne parlait pas vraiment français (je sais qu'on le comprenais, mais on était apparemment les seul-e-s). Et il était bien bronzé, ce qui le rendait d'autant plus "repérable" (ça m’émeut d'ailleurs pas mal quand je vois certains papys arabes, car entre la couleur de peau, les cheveux blancs et le fait de mal maitriser la langue, ils me font pas mal penser à mon papa, ou du moins au peu de souvenirs que j'ai de lui

) .
Ma mère me racontait qu'il avait subi injures, contrôles au faciès, qu'il avait du se taire et avaler des couleuvres, la panoplie, quoi. De même, il n'a jamais voulu nous parler espagnol ou nous raconter quoi que ce soit sur son pays, pour que notre langue maternelle soit le français, que nous soyons français-e-s, bien intégré-e-s, tout ça, tout ça.
Mais, pour moi, la comparaison s'arrête là. Aucun-e d'entre nous n'a hérité de sa couleur de peau, on est tou-te-s super blanc-he-s, et notre appartenance à notre Glorieuse Nation (sic), notre identité française, n'a jamais été remise en cause par personne. Le truc le plus extrême auquel on a eu droit, ça a été quelques moqueries sur notre nom de famille quand on était enfants. Je n'ai jamais subi un seul contrôle d'identité de toute ma vie.
Quand je regarde autour de moi les personnes (nombreuses) issues des immigrations espagnoles ou italiennes, c'est un peu le même topo. Blanc-he-s, "français-e-s".
Et là, je vois une différence énorme avec les jeunes racisé-e-s avec lesquel-le-s je bosse. Illes ont au moins une génération de parents français de plus que moi, mais pour autant, quand les gens les regardent, tout ce qu'ils voient, c'est des étranger-e-s (enfin, pardon, des terroristes islamiques intégristes potentiels)...
Du coup, je me sens très très très mal à l'aise à l'idée de comparer tout ça, et ce, d'autant plus qu'il n'y a pas entre a france et l'espagne (ou la france et la pologne, l'italie...) le rapport colonisateur/colonisé, ou les stéréotypes racistes (les 4 races, l'orientalisation...), par exemple.
Mon père a sans doute eu des expériences en communs avec les premier-e-s immigré-e-s d'afrique du nord ou les syriens, et ils auraient pu comparer leurs expériences, mais nous? Pour moi, nous n'avons aucune légitimité à nous "revendiquer" comme enfants d'immigrés. Même si c'est factuellement vrai, je trouve que ça serait vachement insultant vis à vis de ceux et celles qui subissent le racisme, en assimilant notre vécu au leur. Juste non, ça n'a rien, mais alors rien à voir.
C'est un ressort que j'utilise parfois (rarement l'occasion) pour tenter de faire comprendre des choses aux gens (en mode "Et si on gardait tout le reste, mais que mon père avait été noir?"), mais c'est tout.
(Pardon pour le pavé. Et merci encore, et toujours, pour les discussions intéressantes et les réflexions)