@Euphrosyne il est dans son droit de punir son épouse, mais il a tué les autres avant elle; et elle ne peut pas se défendre et dépend de ses frères. En plus tu as l'image de la femme stupide ( il lui dit de ne pas rentrer dans une pièce, et elle le fait) et potentiellement infidèle ( le sang sur la clé est souvent comparé à une souillure de type sexuel)
cc
@Euphrosyne
Ou on peut aussi estimer que l'héroïne en désobéissant découvre la vraie nature de son époux et arrive donc à se sauver puisqu'elle sait ce qu'il est capable de faire. Si elle n'avait pas désobéi, elle n'aurait pas vu venir son propre meurtre. Ce qui lui cause du tort n'est pas de rentrer dans la pièce mais de faire tomber la clé et de ne pouvoir cacher sa terreur, ce qui n'est d'ailleurs pas vraiment présenté comme une faute. Ensuite, elle est active dans sa survie : oui, elle n'a pas d'épée pour se défendre face au grand couteau de Barbe Bleue mais elle négocie pour gagner du temps et organiser la surveillance de sa soeur qui peut ainsi prévénir leurs frères pour qu'ils se dépêchent d'arriver. Si elle était vraiment sans défense, elle serait morte dès que Barbe Bleue avait découvert le pot aux roses.
Ensuite, l'homme n'est pas présenté dans son bon droit du tout : il y a des rumeurs étranges sur lui et les deux frères qui le tuent sont des cavaliers royaux (ils représentent la justice). Enfin, l'héroïne hérite de sa fortune à la fin. Si elle n'avait pas été curieuse, elle serait morte sous les mains d'un serial killer mais là, elle finit comme une riche et puissante châtelaine qui peut décider pour sa famille (elle assure le futur de ses frères et de sa soeur en leur trouvant un bon travail et un mari, puis se choisit un époux pour sa gentillesse et plus pour son statut social).
Idem dans la Petite Sirène, elle est devant un mur puisqu'elle se retrouve obligée de tuer le prince si elle veut survivre. Je ne comprends pas la lecture supposée féministe qui voudrait qu'elle obéisse aux ordres de la méchante sorcière et assassine quelqu'un pour montrer qu'elle est une femme libérée. La Petite Sirène fait un choix indépendant quand elle meurt : elle choisit de ne pas devenir un monstre soumis aux sombres desseins d'une autre et elle y gagne d'ailleurs la paix éternelle, ce qui n'est donc pas vraiment une fin tragique. La Sorcière ne lui a pas proposé de se suicider. Elle lui a proposé de tuer le prince ou d'être tuée elle-même. En refusant le meurtre et en se suicidant avant d'attendre que le sort n'agisse, la sirène se réapproprie sa propre mort. Son erreur n'est pas de préférer sauver la vie du prince plutôt que la sienne, c'est d'avoir conclu un contrat avec une sorcière mal intentionnée parce qu'elle rêvait trop naïvement du prince charmant. Mais c'est une très jeune fille inexpérimentée, elle se rend compte de son erreur à la fin et fait en sorte de la réparer comme elle peut. Je trouve ça plutôt intéressant comme parcours initiatique.
Et puis le conte témoigne aussi d'un discours néfaste pour les femmes : l'héroïne croit qu'elle doit être aimée par un homme, se marier (et donc être bénie par un prêtre) pour gagner l'immortalité de l'âme mais en réalité, elle n'a pas besoin de ça puisque c'est son comportement valeureux qui lui offre cette immortalité en dépit de l'indifférence du prince. De même, la Sorcière lui assure que sa beauté et sa démarche suffiront à séduire le prince, qu'elle n'a donc pas besoin de parler. Mais elle déclare aussi qu'elle sait que la sirène échouera : et en effet, être belle ne fait pas tout puisque le prince rêve de plus que d'une belle femme.
Perso même si j'avais beaucoup aimé les théories de Bettelheim dans le temps, je suis pas fan de l'idée de tout interpréter à travers la psychanalyse (surtout que Bettelheim est quand même vachement focalisé sur des motifs sexistes-essentialistes freudiens comme la relation au père et la mère, l'arrivée des règles etc.). Et puis quand je vois les théories hors contes de Bettelheim (sur l'autisme particulièrement qui serait une conséquence d'une mère pas assez chaleureuse) et les témoignages de patients qui racontent des traitements violents, j'arrive plus être convaincue par ses interprétations...
Je rajoute aussi que pour moi les contes ne sont pas des histoires faites pour être lues mais plutôt pour être racontées, ce qui signifie que la formulation exacte d'une phrase ne compte pas tant que ça (elle dépend du conteur qui peut être Perrault, Grimm, Andersen ou... nous), ce qui compte c'est plutôt la trame générale du conte.