Je viens de lire cet article féministe de Slate qui m'a beaucoup énervée et j'avoue que je ne comprends pas trop la position de l'auteure :
http://www.slate.fr/story/114651/pourquoi-lego-papa-tout-court
En gros, elle reproche à la marque Légo d'avoir lancé un nouveau produit "papa hipster au foyer" car elle estime que ce produit de père au foyer renforce l'idée selon laquelle on doit choisir entre carrière et vie de famille
Alors, le fait que la marque ait effectué la démarche d’inclure dans son catalogue un personnage de papa mérite bien d’être souligné. Mais certainement pas d’être unanimement applaudi. Parce qu’il ne s’agit pas simplement d’une figurine de papa avec son biberon et sa poussette. Mais d’un «papa au foyer» accompagné de madame, qui, elle, est affublée de tous les attributs de l’archétype de l’executive woman (tailleur, lunettes et attaché-case).
Que dit ce duo de figurines? Que le papa s’occupe du bébé. Et que la maman travaille. Chacun de leur côté. Qu’il s’agit de deux tâches bien distinctes. Qu’un papa qui s’occupe de son bébé a forcément pris congé de son travail et reste à la maison. Et qu’une maman qui travaille ne peut pas s’occuper de son bébé.
Que la seule répartition qui vaille, c’est tout ou rien. Autrement dit, en voulant proposer une figurine inclusive qui reflète la réelle et nécessaire implication des pères dans l’éducation des enfants, elle entérine l’idée qu’une conciliation entre la famille et le travail est impossible et qu’il faut choisir son camp. Le travail OU les enfants. Pas les deux.
Alors déjà, je ne vois pas en quoi "papa s'occupe du bébé et maman travaille" exclut le fait que maman s'occupe aussi du bébé quand elle est à la maison?
Vous me direz ce que vous en pensez mais je trouve que ce genre de propos relève un peu du "vieux mouvement féministe". Dans les années 60, je comprends que par effet boomerang, rejeter absolument le modèle du parent au foyer semblait pertinent. La plupart des femmes au foyer n'avaient pas beaucoup de latitude pour envisager autre choix, par pression sociale, par pression économique ou tout simplement par conditionnement. Sauf qu'aujourd'hui, une large majorité de femmes, y compris dans les milieux aisés, travaillent. Du coup, je trouve ça franchement désolant que plusieurs féministes s'obstiennent à considérer que "au foyer" n'est pas un mode de vie positif. Les femmes au foyer souffrent déjà d'une double image de "bonne juste à faire le ménage et s'occuper des enfants" (au lieu de valoriser le fait que l'éducation est une vraie occupation complexe et prenante) et d'assistée glandeuse (alors que la femme au foyer participe à la production de la richesse et soulage souvent le foyer de multiples frais).
Bien sûr, le statut de femme au foyer est dommageable quand une femme qui a d'autres aspirations est contrainte de rester au foyer. Sauf que se consacrer à l'éducation des enfants plutôt que de travailler n'est pas forcément le choix le plus pénible pour un parent, loin de là. De nombreux jeunes parents, en particulier après leur premier enfant, trouvent très difficile le retour au travail alors que leur bébé est encore si petit et prendrait un très long congé parental s'ils le pouvaient.
Par ailleurs, pour de nombreux salariés en France, le travail est une contrainte voire une souffrance. Se séparer de son enfant qu'on découvre pour rejoindre un lieu de travail qu'on déteste ou qui nous ennuie, ça n'a rien d'un choix épanouissant. Surtout si c'est pour gagner juste le SMIC. Par conséquent, rester au foyer peut être une très belle opportunité quand le conjoint gagne suffisamment pour le permettre ou une alternative très convainquante quand on gagne si peu qu'il semble plus rentable de s'occuper de ses enfants.
Je trouve aussi ce passage très décalé de la réalité : "Or, l’idée qu’il est impossible d’articuler vie professionelle et vie de famille, et qu’il faut nécessairement sacrifier l’une ou l’autre est un présupposé qui mérite d’être battu en brèche et non validé aux yeux des enfants à travers les schémas qu’on leur propose".
Certaines personnes peuvent probablement trouver un équilibre parfait entre vie professionnelle et vie de famille mais dans les faits, quand notre enfant a moins de 3 ans, il est fort possible qu'on passe plus de temps au travail qu'en sa compagnie et qu'un autre adulte passe plus de temps dans la semaine avec lui que nous. Un cadre qui travaille 60 heures par semaine ou une femme de ménage aux horaires fractionnées et aux longs temps de trajet ne peuvent clairement pas se consacrer équitablement à leur travail et à leurs enfants.
Les personnes qui bénéficient d'un bon équilibre entre vie professionnelle et vie de famille sans pour autant avoir des difficultés financières sont pour moi des personnes privilégiées. Ce sont des personnes qui ont pu négocier leurs conditions de travail, choisir des horaires pas trop lourds et la possibilité de partir tôt du travail, autant dire dans le contexte actuel, des chanceux.
Et même si on est une personne super dynamique qui arrive à rentrer chez elle à 18h après toute une journée de travail pour préparer la bouffe, faire le ménage, aider aux devoirs, surveiller la douche et le coucher, canaliser l'énergie ou les problèmes émotionnels d'un enfants sans être épuisée au moment d'aller dormir, il faut encore bénéficier de bonnes conditions. Il faut être en bonne santé physique ou mentale pour réussir à tout gérer de front, il faut avoir un logement suffisamment grand pour arriver à prendre du temps pour soi...
Même si les deux conjoints gèrent de manière parfaitement équilibrée toutes ces activités, il y a de forte chance qu'ils soient quand même très fatigués, surtout avec plus d'un enfant très jeune.
Bref, on n'est pas des super-héros. Gérer une vie professionnelle, accorder toute l'attention nécessaire à ses enfants, préserver son couple et s'occuper de l'intérieur d'une maison, et même, soyons fous, développer une vie sociale tout à la fois, je pense que ça nécessite forcément certains sacrifices. Et du coup, ça peut souvent sembler beaucoup plus simple qu'un des deux parents se consacre à une belle carrière tandis que l'autre concentre son énergie sur l'éducation des enfants (ce qui ne l'empêchera pas de développer une vie extra-familiale riche).
Je ne suis pas en train de dire que c'est le meilleur modèle familial, je trouve ça juste extrêmement oppressant de la part d'une féministe d'imposer le travail comme idéal de vie. Je sais que dans les années 60 c'était le cas (le travail était perçu comme un moyen pour les femmes de s'émanciper de la coupe du mari grâce à l'indépendance économique) mais je pense que la réflexion est bien trop simpliste aujourd'hui.
Rien que parce qu'une femme exerçant une profession mal payée, peu valorisée et sans formation aura finalement peu d'indépendance économique et parce qu'une femme éduquée à haut niveau ou dotés de compétences recherchées bénéficie de sérieux atouts pour s'émanciper. En plus, les femmes de 2016 sont rarement au foyer sans enfant et par conséquent rarement dès leur mariage ou première relation amoureuse.
En bref, la question du père au foyer ne me parait relever de la question de la parité homme/femme que de manière mineure finalement. Je pense vraiment que si le mari d'une femme d'affaire cadre comme dans la boite Légo choisit le foyer plutôt que le travail, c'est que ça l'épanouit bien plus. Et je trouve ça très dommage qu'une féministe considère ce modèle comme nocif pour les enfants et nie la possibilité que la famille et la parentalité soit un réel facteur de développement personnel et d'accomplissement pour certains individus.
Par contre, j'aurais compris si l'article regrettait l'organisation de l'économie et du monde du travail au sens brut, par exemple le fait que certains parents pourraient souhaiter commencer à 9h et terminer à 16h pour emmener/récupérer leurs enfants à l'école, que les parents au foyer ne puissent pas bénéficier d'allocations spécifiques reconnaissant leur contribution à la société etc. Mais l'auteure ne semble absolument pas remettre en cause cet aspect de l'organisation sociale. C'est comme si le seul problème des parents dans la vie de famille ou à l'accès à l'emploi reposait dans le fait que la parité n'est pas effective. Pour moi, il y a plein d'obstacles concrets qui le rendent impossible et pas juste "les mentalités" ou "le sexisme", même si ce sont des facteurs.
Donc voilà long post pour dire que moi, je trouve ça cool que Légo propose aux enfants de jouer avec un père au foyer et une maman carriériste. Pour moi, ça n'est pas une dualité foyer/travail mais plutôt à travers la figure assez peu commune de ce père, qu'on a le droit d'aspirer à autre chose que de signer plein de gros contrats.
http://www.slate.fr/story/114651/pourquoi-lego-papa-tout-court
En gros, elle reproche à la marque Légo d'avoir lancé un nouveau produit "papa hipster au foyer" car elle estime que ce produit de père au foyer renforce l'idée selon laquelle on doit choisir entre carrière et vie de famille
Alors, le fait que la marque ait effectué la démarche d’inclure dans son catalogue un personnage de papa mérite bien d’être souligné. Mais certainement pas d’être unanimement applaudi. Parce qu’il ne s’agit pas simplement d’une figurine de papa avec son biberon et sa poussette. Mais d’un «papa au foyer» accompagné de madame, qui, elle, est affublée de tous les attributs de l’archétype de l’executive woman (tailleur, lunettes et attaché-case).
Que dit ce duo de figurines? Que le papa s’occupe du bébé. Et que la maman travaille. Chacun de leur côté. Qu’il s’agit de deux tâches bien distinctes. Qu’un papa qui s’occupe de son bébé a forcément pris congé de son travail et reste à la maison. Et qu’une maman qui travaille ne peut pas s’occuper de son bébé.
Que la seule répartition qui vaille, c’est tout ou rien. Autrement dit, en voulant proposer une figurine inclusive qui reflète la réelle et nécessaire implication des pères dans l’éducation des enfants, elle entérine l’idée qu’une conciliation entre la famille et le travail est impossible et qu’il faut choisir son camp. Le travail OU les enfants. Pas les deux.
Alors déjà, je ne vois pas en quoi "papa s'occupe du bébé et maman travaille" exclut le fait que maman s'occupe aussi du bébé quand elle est à la maison?
Vous me direz ce que vous en pensez mais je trouve que ce genre de propos relève un peu du "vieux mouvement féministe". Dans les années 60, je comprends que par effet boomerang, rejeter absolument le modèle du parent au foyer semblait pertinent. La plupart des femmes au foyer n'avaient pas beaucoup de latitude pour envisager autre choix, par pression sociale, par pression économique ou tout simplement par conditionnement. Sauf qu'aujourd'hui, une large majorité de femmes, y compris dans les milieux aisés, travaillent. Du coup, je trouve ça franchement désolant que plusieurs féministes s'obstiennent à considérer que "au foyer" n'est pas un mode de vie positif. Les femmes au foyer souffrent déjà d'une double image de "bonne juste à faire le ménage et s'occuper des enfants" (au lieu de valoriser le fait que l'éducation est une vraie occupation complexe et prenante) et d'assistée glandeuse (alors que la femme au foyer participe à la production de la richesse et soulage souvent le foyer de multiples frais).
Bien sûr, le statut de femme au foyer est dommageable quand une femme qui a d'autres aspirations est contrainte de rester au foyer. Sauf que se consacrer à l'éducation des enfants plutôt que de travailler n'est pas forcément le choix le plus pénible pour un parent, loin de là. De nombreux jeunes parents, en particulier après leur premier enfant, trouvent très difficile le retour au travail alors que leur bébé est encore si petit et prendrait un très long congé parental s'ils le pouvaient.
Par ailleurs, pour de nombreux salariés en France, le travail est une contrainte voire une souffrance. Se séparer de son enfant qu'on découvre pour rejoindre un lieu de travail qu'on déteste ou qui nous ennuie, ça n'a rien d'un choix épanouissant. Surtout si c'est pour gagner juste le SMIC. Par conséquent, rester au foyer peut être une très belle opportunité quand le conjoint gagne suffisamment pour le permettre ou une alternative très convainquante quand on gagne si peu qu'il semble plus rentable de s'occuper de ses enfants.
Je trouve aussi ce passage très décalé de la réalité : "Or, l’idée qu’il est impossible d’articuler vie professionelle et vie de famille, et qu’il faut nécessairement sacrifier l’une ou l’autre est un présupposé qui mérite d’être battu en brèche et non validé aux yeux des enfants à travers les schémas qu’on leur propose".
Certaines personnes peuvent probablement trouver un équilibre parfait entre vie professionnelle et vie de famille mais dans les faits, quand notre enfant a moins de 3 ans, il est fort possible qu'on passe plus de temps au travail qu'en sa compagnie et qu'un autre adulte passe plus de temps dans la semaine avec lui que nous. Un cadre qui travaille 60 heures par semaine ou une femme de ménage aux horaires fractionnées et aux longs temps de trajet ne peuvent clairement pas se consacrer équitablement à leur travail et à leurs enfants.
Les personnes qui bénéficient d'un bon équilibre entre vie professionnelle et vie de famille sans pour autant avoir des difficultés financières sont pour moi des personnes privilégiées. Ce sont des personnes qui ont pu négocier leurs conditions de travail, choisir des horaires pas trop lourds et la possibilité de partir tôt du travail, autant dire dans le contexte actuel, des chanceux.
Et même si on est une personne super dynamique qui arrive à rentrer chez elle à 18h après toute une journée de travail pour préparer la bouffe, faire le ménage, aider aux devoirs, surveiller la douche et le coucher, canaliser l'énergie ou les problèmes émotionnels d'un enfants sans être épuisée au moment d'aller dormir, il faut encore bénéficier de bonnes conditions. Il faut être en bonne santé physique ou mentale pour réussir à tout gérer de front, il faut avoir un logement suffisamment grand pour arriver à prendre du temps pour soi...
Même si les deux conjoints gèrent de manière parfaitement équilibrée toutes ces activités, il y a de forte chance qu'ils soient quand même très fatigués, surtout avec plus d'un enfant très jeune.
Bref, on n'est pas des super-héros. Gérer une vie professionnelle, accorder toute l'attention nécessaire à ses enfants, préserver son couple et s'occuper de l'intérieur d'une maison, et même, soyons fous, développer une vie sociale tout à la fois, je pense que ça nécessite forcément certains sacrifices. Et du coup, ça peut souvent sembler beaucoup plus simple qu'un des deux parents se consacre à une belle carrière tandis que l'autre concentre son énergie sur l'éducation des enfants (ce qui ne l'empêchera pas de développer une vie extra-familiale riche).
Je ne suis pas en train de dire que c'est le meilleur modèle familial, je trouve ça juste extrêmement oppressant de la part d'une féministe d'imposer le travail comme idéal de vie. Je sais que dans les années 60 c'était le cas (le travail était perçu comme un moyen pour les femmes de s'émanciper de la coupe du mari grâce à l'indépendance économique) mais je pense que la réflexion est bien trop simpliste aujourd'hui.
Rien que parce qu'une femme exerçant une profession mal payée, peu valorisée et sans formation aura finalement peu d'indépendance économique et parce qu'une femme éduquée à haut niveau ou dotés de compétences recherchées bénéficie de sérieux atouts pour s'émanciper. En plus, les femmes de 2016 sont rarement au foyer sans enfant et par conséquent rarement dès leur mariage ou première relation amoureuse.
En bref, la question du père au foyer ne me parait relever de la question de la parité homme/femme que de manière mineure finalement. Je pense vraiment que si le mari d'une femme d'affaire cadre comme dans la boite Légo choisit le foyer plutôt que le travail, c'est que ça l'épanouit bien plus. Et je trouve ça très dommage qu'une féministe considère ce modèle comme nocif pour les enfants et nie la possibilité que la famille et la parentalité soit un réel facteur de développement personnel et d'accomplissement pour certains individus.
Par contre, j'aurais compris si l'article regrettait l'organisation de l'économie et du monde du travail au sens brut, par exemple le fait que certains parents pourraient souhaiter commencer à 9h et terminer à 16h pour emmener/récupérer leurs enfants à l'école, que les parents au foyer ne puissent pas bénéficier d'allocations spécifiques reconnaissant leur contribution à la société etc. Mais l'auteure ne semble absolument pas remettre en cause cet aspect de l'organisation sociale. C'est comme si le seul problème des parents dans la vie de famille ou à l'accès à l'emploi reposait dans le fait que la parité n'est pas effective. Pour moi, il y a plein d'obstacles concrets qui le rendent impossible et pas juste "les mentalités" ou "le sexisme", même si ce sont des facteurs.
Donc voilà long post pour dire que moi, je trouve ça cool que Légo propose aux enfants de jouer avec un père au foyer et une maman carriériste. Pour moi, ça n'est pas une dualité foyer/travail mais plutôt à travers la figure assez peu commune de ce père, qu'on a le droit d'aspirer à autre chose que de signer plein de gros contrats.
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