Je suis en train de
Histoire du féminisme par Michèle Riot-Sarcey. Cet ouvrage m'intéressait dans la mesure où il aborde cette histoire à partir de la révolution française, alors qu'on a tendance à souvent s'arrêter dans la remontée chronologique aux grands mouvements féministes issus des bouleversements sociétaux de la 1GM. (Par ailleurs, Eliane Viennot vient de publier un ouvrage bien plus dense sur la période 1789-1815, qui porte le titre bien révélateur de
Et la modernité fut masculine.) Bref je ne sais pas par où commencer car c'est vraiment passionnant.
A un moment, M. Riot-Sarcey parle du premier congrès international des femmes qui a eu lieu en 1878 et où les présent.e.s réfléchissaient sur "le droit au travail, le développement de la formation professionnelle, l'accès à tous les métiers, l'égalité des salaires, la reconnaissance du travail ménager". En 1878 !!! Je trouve ça complètement incroyable. Quand on voit où on en est en 2016, notamment sur certains points comme l'accès à tous les métiers ou la reconnaissance du travail ménager où les progrès en sont peu ou prou à zéro, c'est juste fou.
Elle revient également sur les mécanismes de décrédibilisation de ces femmes, vieux comme le monde : ridiculisées, humiliées, parodiées, caricaturées... Représentées tantôt comme des enfants, tantôt comme des idiotes, des hystériques, des bêtes sauvages... Et la manière dont l'historiographie s'est globalement débrouillée pour les réduire totalement au silence, à l'oubli le plus complet... Et même celles dont on n'a su se débarrasser dans les mémoires, comme Olympe de Gouges, on s'est débrouillé pour les présenter comme des exceptions, alors qu'elles ont été si nombreuses à se battre, parfois au péril de leur vie (qui connait Claire Démar, auteure et journaliste féministe, qui a écrit un ouvrage intitulé
Appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement de la femme et qui se suicida à cause des humiliations, du rejet et de la violence qu'elle a subie tout au long de son combat ?). M. Riot-Sarcey n'hésite pas non plus (et je l'en remercie vivement !) à écorner également l'image de George Sand, dont on fait presque une icône féministe, alors qu'elle fut la première à conspuer ces femmes qui avaient le mauvais goût d'être soit pauvres soit parvenues.
Allez, un dernier point et après j'arrête : c'est aussi très intéressant de voir comment les droits des populations opprimées sont toujours fragiles et jamais, jamais acquis. Elle rappelle que le droit au divorce par consentement mutuel a été accordé en 1792, puis abrogé en 1816 et il fallut attendre 1975 pour qu'il soit à nouveau accordé aux femmes !! C'est indispensable de se rappeler qu'aucun droit n'est jamais acquis, qu'il faut sans cesse se battre pour les préserver, pour les conserver, pour les améliorer, sans quoi "on" ne manque jamais de revenir dessus.
Et d'ailleurs à ce propos, elle montre bien de quelle manière, durant les grandes périodes de crise (révolutions, Commune, puis guerres, grands combats sociaux...) les femmes se sont, par solidarité, assises sur leurs combats au profit de l'intérêt général, les femmes ont mis entre parenthèses leurs propres revendications au profit d'un combat plus général et pour quelle reconnaissance ? Pour quelle gratitude pour ces sacrifices ?
Bref, vous l'avez compris, je trouve ça très intéressant
J'ai encore des tas de remarques qui me viennent (notamment comment les femmes ont pensé très tôt la nécessité d'une intersectionnalité des combats), c'est facile à lire et court, plein de références bibliographiques pour approfondir, bref je recommande ! C'est aussi un peu désespérant c'est vrai... C'est un livre assez généraliste donc il reprend des choses déjà connues quand on s'intéresse au féminisme mais on y apprend également énormément de choses.