@MorganeGirly @Shadowsofthenight Merci pour vos réponses
je ne sais pas si j'aurai l'énergie de continuer longtemps cette discussion, j'ai l'impression d'avoir tout donné avec mes pavés !
Alors j'ai peut-être fait un tableau un peu noir des mouvements non abolitionnistes, en effet. Comme je ne suis pas hyper convaincue par leur position, je les fréquente assez peu. Je ne pense pas qu'ils se fichent du sort des prostitué.es précaires, tu as probablement raison @MorganeGirly en disant qu'ils utilisent aussi des témoignages de personnes en difficulté et souhaitant un statut légal. En revanche, il est clair aussi qu'ils ont tendance à publier pas mal de choses défendant la "liberté sexuelle" et à se référer aux témoignages de personnes pour qui la prostitution est un choix. Je ne dis pas qu'on ne devrait pas entendre ces opinions ; mais pour que la démarche soit honnête, il faudrait qu'elles respectent des proportions réalistes, c'est-à-dire qu'on devrait avoir une grande majorité de témoignages négatifs et une petite minorité de positifs. Sinon, même en arguant que les personnes prostituées bénéficieraient concrètement d'un meilleur statut en légalisant, on aurait du mal à convaincre qui que ce soit du bien fondé d'encourager ce métier en montrant à quel point les personnes sont en situation de souffrance. Il leur faut convaincre les gens que la prostitution (légalisée) peut être une bonne idée avec non seulement des arguments concrets mais aussi en se basant sur une certaine posture idéologique (normaliser la prostitution, défendre l'idée d'un "métier comme un autre").
Ce que je veux dire, c'est qu'à mon avis leur démarche est biaisée et qu'elle surreprésente les personnes qui soutiennent la prostitution (or elles semblent être minoritaires en réalité quand on voit le nombre d'ex-prostitué.es qui sont devenu.es abolitionnistes). C'est pour ça que je m'en méfie et que je me demande si les non abolitionnistes n'ont pas tendance à silencier les personnes qui ont vécu l'enfer en se prostituant
il me semble que ce n'est pas la tendance générale dans ce mouvement de montrer à quel point la réalité est critique. Ou alors ils le feront mais juste sur le plan matériel (en reliant ça systématiquement à la question de la légalisation et en prétendant que tout irait beaucoup mieux si on légalisait la prostitution), tout en zappant les problématiques sexistes autour du système et en évitant de parler des situations horribles que connaissent certain.es prostituées. Ce n'est tout simplement pas en lisant des contenus non abolitionnistes que j'ai pu voir les témoignages les plus percutants et les plus abominables. Il me semble que ce ne sont pas ces mouvements qui vont le plus s'indigner des conditions concrètes du métier dont personne ne veut parler et des dérives potentielles liées à la normalisation de la prostitution, du genre : devoir accepter des pratiques de plus en plus hard, comme disait @Margay, être en compétition les unes avec les autres, avoir des problèmes d'incontinence à force de subir des pratiques de sodomie... oui c'est horrible mais ça c'est le côté pas glamour qu'on ne dénonce pas assez je pense.
Ca n'irait pas trop avec une idéologie de la prostitution comme métier parfaitement acceptable et normal, ça c'est sûr... Donc je maintiens, pour moi il y a un biais dans leur démarche et une vision un peu trop optimiste concernant la supposée liberté des prostituées. Dans un monde sexiste comme le nôtre, je n'y crois pas une seconde.
Pour OLF, oui il me semble qu'elles ont soutenu la pénalisation du client (ce qui pour certains est vu comme putophobe) mais vraiment c'est de manière générale qu'on a tendance à stigmatiser les mouvements abolitionnistes comme putophobes, je n'ai pas l'énergie ce soir mais je suis sûre que tu peux trouver des articles/manifestes sur le sujet
c'est clairement un terme que j'ai facilement vu voler sur les réseaux sociaux ou autres dès qu'on parle de prostitution. Je pense que c'est une technique pour silencier et décrédibiliser ceux qui ne se reconnaissent pas dans la tendance du féminisme "nouvelle vague" qui est plutôt non abolitionniste et qui insiste nettement plus sur la liberté de "disposer de son corps" que sur la réalité glauque de la prostitution et la question de l'oppression systémique et sexiste qu'il y a derrière. En gros, de leur côté on est plus centré sur l'individu et moins sur la critique du système en tant que tel (avec des défauts différents de ceux des mouvements abolitionnistes, mais des défauts quand même).
Sinon on est plutôt d'accord, je ne sais pas si l'abolition est une bonne solution et je ne pense pas non plus que la légalisation soit souhaitable. Concrètement je pense que c'est difficile de dire ce qui va faire le plus de mal/bien sur le long terme (même si personnellement je suis plutôt contre le principe de la marchandisation du corps humain). Après, il y a des exemples comme les Pays-Bas où on voit que la légalisation n'a pas hyper bien fonctionné et a probablement même aggravé les choses (sur le plan matériel + culturel si tu veux mon avis, ça n'a fait du bien à personne y compris aux prostitué.es...). Pour la Nouvelle-Zélande et l'Australie, je suis contente de savoir que la situation peut s'améliorer
même si je ne crois pas trop que ça puisse fonctionner partout...
Tu dis que tu penses illusoire de considérer que les femmes sortiront de l'esclavage sexuel si on abolit la prostitution. Moi je pense illusoire de considérer qu'elles sortiront de l'esclavage sexuel si on la légalise. Voilà !
@Shadowsofthenight Ok, je comprends mieux. Je suis partagée pour la pénalisation des clients. D'un côté je trouve qu'on ne devrait pas tolérer que des personnes profitent de prostitué.es en situation de précarité et de vulnérabilité, pour moi c'est un crime qui ne devrait pas rester impuni. On a bien parlé de l'absence de véritable consentement de la grande majorité des prostitué.es, qui implique qu'une très grande partie des relations sexuelles dans la prostitution sont des viols tarifés. De là, peut-on vraiment tolérer que les personnes qui commettent ces viols, donc des violeurs, restent impunis ? On peut donc violer une femme qui est forcée de l'accepter pour l'argent, mais comme c'est une situation particulière on accepte et on les laisse partir comme ça ? Ce n'est pas cohérent avec les principes féministes de base...
Je ne dis pas que j'ai une solution miracle, je soulève juste les contradictions de cette situation.
D'un autre côté le but n'est pas de fragiliser encore plus les prostitué.es
donc c'est compliqué...
Ok, alors que des personnes étrangères souhaitent la légalisation de la prostitution pour améliorer leur quotidien c'est une chose, mais que diraient-elles si elles avaient la possibilité de quitter ce métier et de ne plus jamais y revenir, tout en continuant de gagner correctement leur vie ? Pour moi c'est surtout cette question qu'il faut se poser. Evidemment si on propose aux gens d'avoir un statut plus stable et mieux payé ils vont dire oui ! Mais si on leur dit qu'ils peuvent éviter de faire ce métier tout court, tout en gardant les avantages (salaire correct, etc), est-ce que tu penses que beaucoup choisiront la prostitution ? C'est une vraie question.
C'est pour ça que pour moi c'est une sorte de cache-misère que de légaliser. Ca revient à améliorer la situation des gens sur le court terme, mais pas du tout à remettre en question le système qui pousse les gens à accepter un métier aux conditions somme toute très difficiles et peu épanouissantes (vu le nombre de personnes prostitué.es qui voudraient faire autre chose). Ca ne remet pas en question les problèmes de fond, et notamment la pauvreté et le manque d'alternatives. C'est pour ça que d'une certaine manière je trouve ça "politiquement correct", dans le sens où on se place du côté des opprimé.es en prétendant défendre leurs intérêts immédiats... Tout en évitant soigneusement de se poser des questions de fond sur l'existence même du système de prostitution, du sexisme et du racisme qui le sous-tendent, de la pauvreté, des questions de rapports de pouvoir dans la société et de la marchandisation du corps humain. En bref, je trouve que c'est une approche assez superficielle, qui ne creuse pas vraiment toutes ces questions. C'est pour ça que ses dérives m'inquiètent.
Je pense que si on légalise la prostitution, on va tout simplement se retrouver avec un "monstre" qu'on n'aura pas prévu (faute de réflexion suffisamment poussée) et plein d'effets négatifs (comme les conséquences de la légalisation aux Pays-Bas). Pour moi il faut vraiment réfléchir aussi aux valeurs qu'on veut transmettre aux citoyens du futur : est-ce qu'on veut défendre en priorité l'idée qu'on fait ce qu'on veut de son corps et que la prostitution peut être un métier comme un autre, ou est-ce qu'on veut avant tout défendre l'idée que le corps humain n'est pas marchandable et que les relations sexuelles doivent absolument être désirées ? (j'entends par là désirées sexuellement ou romantiquement, pas pour des raisons économiques).
J'ai l'impression que ces valeurs différentes sont difficilement compatibles
et autant je trouve que les gens font ce qu'ils veulent de leurs fesses dans le domaine du privé, autant il me semble que ce ne sont pas vraiment des valeurs féministes que de sous-entendre que oui, on peut payer pour avoir du sexe, et que le corps des femmes peut se louer comme objet masturbatoire. Ce serait mieux qu'on apprenne aux gens (surtout aux garçons) que les relations sexuelles devraient s'effectuer entre personnes qui ont un désir sincère et partagé, non ? Comment voulez-vous apprendre aux garçons l'importance du consentement et du désir mutuel si on leur apprend que le consentement est monnayable et qu'ils peuvent avoir accès aux corps des femmes s'ils y mettent le prix ? Comment voulez-vous voir la sexualité sous un angle positif et égalitaire s'il y a une question de pouvoir et d'argent qui rentre en jeu ?
Ca semble très contradictoire en fait. Encore une fois, si pour vous les vitrines d'Amsterdam représentent la société féministe du futur, ça fait peur pour la suite...
Sinon je suis d'accord, ça me paraît évident que les associations abolitionnistes devraient mettre le paquet pour aider les personnes qui le souhaitent à sortir de la prostitution, c'est hypocrite de leur part si elles ne soutiennent pas assez ces initiatives. Après je pense que les mouvements abolitionnistes ont leurs défauts, tout comme les non abolitionnistes. C'est pour ça que je trouve difficile de soutenir à fond les uns ou les autres.
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Alors j'ai peut-être fait un tableau un peu noir des mouvements non abolitionnistes, en effet. Comme je ne suis pas hyper convaincue par leur position, je les fréquente assez peu. Je ne pense pas qu'ils se fichent du sort des prostitué.es précaires, tu as probablement raison @MorganeGirly en disant qu'ils utilisent aussi des témoignages de personnes en difficulté et souhaitant un statut légal. En revanche, il est clair aussi qu'ils ont tendance à publier pas mal de choses défendant la "liberté sexuelle" et à se référer aux témoignages de personnes pour qui la prostitution est un choix. Je ne dis pas qu'on ne devrait pas entendre ces opinions ; mais pour que la démarche soit honnête, il faudrait qu'elles respectent des proportions réalistes, c'est-à-dire qu'on devrait avoir une grande majorité de témoignages négatifs et une petite minorité de positifs. Sinon, même en arguant que les personnes prostituées bénéficieraient concrètement d'un meilleur statut en légalisant, on aurait du mal à convaincre qui que ce soit du bien fondé d'encourager ce métier en montrant à quel point les personnes sont en situation de souffrance. Il leur faut convaincre les gens que la prostitution (légalisée) peut être une bonne idée avec non seulement des arguments concrets mais aussi en se basant sur une certaine posture idéologique (normaliser la prostitution, défendre l'idée d'un "métier comme un autre").
Ce que je veux dire, c'est qu'à mon avis leur démarche est biaisée et qu'elle surreprésente les personnes qui soutiennent la prostitution (or elles semblent être minoritaires en réalité quand on voit le nombre d'ex-prostitué.es qui sont devenu.es abolitionnistes). C'est pour ça que je m'en méfie et que je me demande si les non abolitionnistes n'ont pas tendance à silencier les personnes qui ont vécu l'enfer en se prostituant
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Ca n'irait pas trop avec une idéologie de la prostitution comme métier parfaitement acceptable et normal, ça c'est sûr... Donc je maintiens, pour moi il y a un biais dans leur démarche et une vision un peu trop optimiste concernant la supposée liberté des prostituées. Dans un monde sexiste comme le nôtre, je n'y crois pas une seconde.
Pour OLF, oui il me semble qu'elles ont soutenu la pénalisation du client (ce qui pour certains est vu comme putophobe) mais vraiment c'est de manière générale qu'on a tendance à stigmatiser les mouvements abolitionnistes comme putophobes, je n'ai pas l'énergie ce soir mais je suis sûre que tu peux trouver des articles/manifestes sur le sujet
![fleur :fleur: :fleur:](https://forum.mmzstatic.com/smilies/fleurs.gif)
Sinon on est plutôt d'accord, je ne sais pas si l'abolition est une bonne solution et je ne pense pas non plus que la légalisation soit souhaitable. Concrètement je pense que c'est difficile de dire ce qui va faire le plus de mal/bien sur le long terme (même si personnellement je suis plutôt contre le principe de la marchandisation du corps humain). Après, il y a des exemples comme les Pays-Bas où on voit que la légalisation n'a pas hyper bien fonctionné et a probablement même aggravé les choses (sur le plan matériel + culturel si tu veux mon avis, ça n'a fait du bien à personne y compris aux prostitué.es...). Pour la Nouvelle-Zélande et l'Australie, je suis contente de savoir que la situation peut s'améliorer
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Tu dis que tu penses illusoire de considérer que les femmes sortiront de l'esclavage sexuel si on abolit la prostitution. Moi je pense illusoire de considérer qu'elles sortiront de l'esclavage sexuel si on la légalise. Voilà !
@Shadowsofthenight Ok, je comprends mieux. Je suis partagée pour la pénalisation des clients. D'un côté je trouve qu'on ne devrait pas tolérer que des personnes profitent de prostitué.es en situation de précarité et de vulnérabilité, pour moi c'est un crime qui ne devrait pas rester impuni. On a bien parlé de l'absence de véritable consentement de la grande majorité des prostitué.es, qui implique qu'une très grande partie des relations sexuelles dans la prostitution sont des viols tarifés. De là, peut-on vraiment tolérer que les personnes qui commettent ces viols, donc des violeurs, restent impunis ? On peut donc violer une femme qui est forcée de l'accepter pour l'argent, mais comme c'est une situation particulière on accepte et on les laisse partir comme ça ? Ce n'est pas cohérent avec les principes féministes de base...
Je ne dis pas que j'ai une solution miracle, je soulève juste les contradictions de cette situation.
D'un autre côté le but n'est pas de fragiliser encore plus les prostitué.es
![erf :erf: :erf:](https://forum.mmzstatic.com/smilies/errf.gif)
Ok, alors que des personnes étrangères souhaitent la légalisation de la prostitution pour améliorer leur quotidien c'est une chose, mais que diraient-elles si elles avaient la possibilité de quitter ce métier et de ne plus jamais y revenir, tout en continuant de gagner correctement leur vie ? Pour moi c'est surtout cette question qu'il faut se poser. Evidemment si on propose aux gens d'avoir un statut plus stable et mieux payé ils vont dire oui ! Mais si on leur dit qu'ils peuvent éviter de faire ce métier tout court, tout en gardant les avantages (salaire correct, etc), est-ce que tu penses que beaucoup choisiront la prostitution ? C'est une vraie question.
C'est pour ça que pour moi c'est une sorte de cache-misère que de légaliser. Ca revient à améliorer la situation des gens sur le court terme, mais pas du tout à remettre en question le système qui pousse les gens à accepter un métier aux conditions somme toute très difficiles et peu épanouissantes (vu le nombre de personnes prostitué.es qui voudraient faire autre chose). Ca ne remet pas en question les problèmes de fond, et notamment la pauvreté et le manque d'alternatives. C'est pour ça que d'une certaine manière je trouve ça "politiquement correct", dans le sens où on se place du côté des opprimé.es en prétendant défendre leurs intérêts immédiats... Tout en évitant soigneusement de se poser des questions de fond sur l'existence même du système de prostitution, du sexisme et du racisme qui le sous-tendent, de la pauvreté, des questions de rapports de pouvoir dans la société et de la marchandisation du corps humain. En bref, je trouve que c'est une approche assez superficielle, qui ne creuse pas vraiment toutes ces questions. C'est pour ça que ses dérives m'inquiètent.
Je pense que si on légalise la prostitution, on va tout simplement se retrouver avec un "monstre" qu'on n'aura pas prévu (faute de réflexion suffisamment poussée) et plein d'effets négatifs (comme les conséquences de la légalisation aux Pays-Bas). Pour moi il faut vraiment réfléchir aussi aux valeurs qu'on veut transmettre aux citoyens du futur : est-ce qu'on veut défendre en priorité l'idée qu'on fait ce qu'on veut de son corps et que la prostitution peut être un métier comme un autre, ou est-ce qu'on veut avant tout défendre l'idée que le corps humain n'est pas marchandable et que les relations sexuelles doivent absolument être désirées ? (j'entends par là désirées sexuellement ou romantiquement, pas pour des raisons économiques).
J'ai l'impression que ces valeurs différentes sont difficilement compatibles
![erf :erf: :erf:](https://forum.mmzstatic.com/smilies/errf.gif)
Ca semble très contradictoire en fait. Encore une fois, si pour vous les vitrines d'Amsterdam représentent la société féministe du futur, ça fait peur pour la suite...
Sinon je suis d'accord, ça me paraît évident que les associations abolitionnistes devraient mettre le paquet pour aider les personnes qui le souhaitent à sortir de la prostitution, c'est hypocrite de leur part si elles ne soutiennent pas assez ces initiatives. Après je pense que les mouvements abolitionnistes ont leurs défauts, tout comme les non abolitionnistes. C'est pour ça que je trouve difficile de soutenir à fond les uns ou les autres.