cleos;4872168 a dit :
Bonjour bonjour!
Bref! Je venais pour avoir votre avis sur quelque chose que j'ai du mal à formuler. J'ai un ami à qui j'essaye de faire comprendre les paroles problématiques dans des textes/chansons/films etc.
On parlait d'un texte notamment où un personnage, représenté comme extrêmement antipathique, a des répliques homophobes, sexistes, etc. et je lui disais que ça me gênait.
Il faut déjà analyser le média utilisé car selon, l'immersion et la perception, la mise à distance n'est pas la même. Les réponses varient donc selon les médias.
Selon moi, il est tout à fait possible et légitime d'écrire un personnage avec des propos sexistes/homophobe/raciste, puisque ça participera à son caractère antipathique pour le lecteur/spectateur, voire participe à un message anti-homophobie.
Cela n’est pas forcément gênant si c’est bien utilisé…. mais là où le bât blesse, c’est que souvent beaucoup de personnages "gentils" tiennent ces propos (en moins grave) et ça passe inaperçu pour les autres personnages, voire ils les légitimisent et que *très* souvent à force de vouloir passer un message anti-XX on tombe dans un paternalisme bienveillant des plus désagréables plus prompt à renforcer les problèmes qu’autre chose.
Quelques idées généralistes:
1. La quantité et la forme : Il faut doser intelligemment pour atteindre l'effet voulu.
La forme des propos est importante, plus les propos sont violent plus le choc sera important pour le spectateur, et plus l'auteur devra "composer" avec et gérer l'impact de ce qu'il a écrit, afin que cela ne passe pas pour une insulte gratuite et mal gérée.
Si l'effet d'horreur/antipathie est recherché, cela peut être un moyen, mais je dirais que c'est assez simpliste bien qu'efficace. Si l'auteur choisit l'aspect insulte gratuite, il faudra aussi réfléchir aux stratégies des personnages face à de telles insultes et avoir une réponse proportionnée non pas à l'insulte mais au caractère du personnage!
EX:
Bonne utilisation : Un perso féminin qui va recevoir des insultes sexistes et/ou misogyne et qui permet de voir comment elle réagit à ces attaques/montrer qu'elle évolue dans un environnement hostile/montrer ses alliés et ses ennemis. Cela provoque de la sympathie pour l'héroïne, et de l'antipathie pour ses ennemis, on est autant énervé qu'elle lors d'une attaque et on a envie de l'encourager à se battre contre ces ennemis désignés.
Si on recherche un effet cathartique, le spectateur a besoin de voir que l’héroïne ne s’en prend pas plein la gueule pour rien, et qu’à la fin elle est gagnante. Sinon on va juste finir déprimé en sortant du bouquin… ce qui peut aussi être l’effet recherché.
Si elle se prend des insultes mais qu'il n'y a aucune réaction ni active ni en pensée, on se demande bien à quoi sert ces insultes (à part mettre en place un contexte peut-être? mais enfin ça demande toujours une réaction quand même).
2. la cohérence : être bien clair dans sa tête sur la nature des propos tenus, *être conscient que son personnage censé être antipathique va tenir des propos choquant de nature XX (raciste, homophobique sexiste etc) " et "pourquoi" il les tient dans le contexte écrit, pour que ça participe à une cohérence soit du personnage, soit du contexte, soit de l'histoire.
Etre clair aussi que si l'on attribue ces propos à ce personnage, déterminer jusqu'à quel point les autres personnages peuvent être touché également, le mettre en évidence, se dire aussi que certains personnages seront des contradicteurs et l'exprimeront également... ou pas... et pourquoi.
Si l'on ne se penche pas sur les autres personnages, on a carrément raté l'utilisation de l'insulte/propos choquants et on est à côté de la plaque.
ex : j'ai défini tel personnage secondaire X comme antipathique, je lui ai fait tenir des propos choquant homophobique dès sa première rencontre avec le héros. Par contre personnage secondaire Y, , a presque eu le même genre de propos, en moins choquant, et comme je le voulais sympathique et un futur allié du héros, je n'ai pas fait réagir mon héros, à ce moment-là. Qu’est-ce que je peux en conclure ? Sur mon monde, mes personnages, la valeur d'antipathie que j'ai accordé à X mais que je ne confère pas à Y?
Edit : Très bon exemple de @lady-stardust avec Harry Potter
. l'auteur fait dire des trucs racistes haineux et graves aux méchants Malfoy et autre Mangemorts mais aussi des trucs racistes aux gentils, la famille de Ron! Si la réaction de Harry est instinctive face à Malfoy, dès la 1ere rencontre, elle l'est beaucoup moins face à la famille de Ron et il est beaucoup plus connivent et il met vaaaachement de temps à réaliser qu’il se passe un peu la même chose dans la famille de son nouveau copain ! Car c'est son ami et en plus il ne voit pas tout de suite où est le mal. C'est finalement par le truchement d'Hermione que Harry/Ron le réalisera.
3. le message et la résolution : S'assurer d'une manière ou d'une autre que les propos en question sont condamné , si l'on est dans une optique d'engagement politique et ce d’une bonne manière. Réellement. (je rigole pas lol! )
Ex : mon héros navigue dans un environnement hostile oppressif et malgré ça il va réussir à s'en sortir.
Scénar hyper classique, mais toujours efficace.
Je crois que c'est souvent ce 3e point qui manque vraiment dans les récits, ou qui est très souvent raté... Car malheureusement, très (trop) souvent, la condamnation des propos ne sert qu'à mettre le personnage principal en valeur.
Ex1 de mauvaise utilisation : Les nooombreux exemples de women in a refrigerator , qui subissent tout un tas de problèmes liés à leur sexe, jusqu'à en mourir et qui ne sert que de faire valoir au héros masculin.
Ou l'utilisation des violences sexuelles contre l'héroïne, comme l'unique intérêt scénaristique pour un seul épisode, et faire comme si cela n'avait jamais eu lieu , aucun impact, dans le reste de la saison/histoire >__<.
Ex 2 de mauvaise utilisation sur le racisme cette fois :
Un gars blanc tient des propos raciste au copain non-blanc du personnage principal blanc.
Le personnage principal blanc le contredit, défendant son pote non-blanc, et paf nous voilà avec un white savior bien classique. En gros le racisme ou l'antiracisme, ça reste une affaire de blancs entre eux.
Ben là, la technique consiste à mettre des propos racistes pour montrer l'anti-racisme moral du héros, son empathie avec le perso non-blanc. son courage pour avoir répondu à un autre blanc…. C’est bien gentil sauf que ça reste un peu puant.
Le message reste « le racisme c’est caca » :
sauf que la méthode utilisé c’est pas :
-bouuh regarder ce raciste
ni : -oooh, regarder cette pauvre victime de racisme
mais : -waw, vous avez vu comme le héros blanc il défend le non-blanc contre le sale raciste ? wah il est trop classe.
Finalement :
-le raciste n’est mis en avant que pour se faire taper dessus, en lui laissant dire des trucs bien crades qui peuvent heurter la sensibilité des lecteurs.
-la victime des propos est invisibilisée, elle est éclipsée de la scène : elle ne parle pas , n’agit pas, elle est passive : elle se fait insulté et elle se fait sauvée. On ne retient pas son point de vue de victime mais le point de vue de la personne non-blanche défendue par un blanc, et elle ne sert qu'à mettre en valeur le héros.
-le héros blanc antiraciste : c’est la valse du cookie.
il a une éthique morale anti-raciste, cookie.
Il a eu de la peine pour son copain de couleur, cookie.
Il agit et rabattu le caquet d’un raciste, big cookie
Il a gagné l’estime du non-blanc et maintenant il lui est redevable, et va être son allié, big cookie.
Le héros a tout gagné, et notre estime au passage, mega cookie.
Un bon gimmik raciste paternaliste comme on les aime quoi.
Comme quoi même avec la volonté de faire passer un message anti-raciste, tu peux te vautrer dans les grandes largeurs.
On arrive au final à une scène bien dérangeante dans l'optique de la lutte anti-raciste.
Ça va être la même chose avec des propos homophobes et sexistes, c'est rarement le pov de la victime qu'on retiendra que le pov du savior dans la situation.
L’homme non sexiste qui défend la femme, l’hétéro gay-friendly qui défend le gay, le Blanc anti-raciste qui défend le Noir etc etc…
Cela reste donc très problématique d'utiliser des propos x-phobique comme faire valoir pour le héros principal.
Sans compter que ça renforce toujours l’idée que ces oppressions ne sont pas systémiques et que la norme est d’être anti-raciste et anti-homophobe et anti-sexiste, et que les propos « dégueulasses » ne sont que le propre que de tristes sires antipathique et surtout très isolé… non non la societé n’a rien à avoir avec ça, non jamais….
cleos;4872168 a dit :
Pour l'exemple je lui ai aussi parlé de cet épisode de Heroes (le final de la saison 1 si je ne me trompe pas) dans laquelle la mère Petrelli dit, en évoquant le fait de faire exploser NYC pour sauver le monde "c'est ce que nous avons fait à Hiroshima : sacrifier des milliers pour en sauver des millions". Je me souviens à l'époque j'avais été ultra choquée d'entendre ça à la télévision américaine.
Et lui me dit (pour les deux cas) que ce n'est pas gênant, puisque le public n'est pas censé apprécier le personnage, donc on n'adhère pas à ce qu'il dit, donc pas de problème. Au contraire même, puisque c'est dans la bouche d'un personnage antipathique, c'est presque de la dénonciation!
Et je n'ai pas réussi à lui faire comprendre mon point de vue (et pour une fois que je me retrouve en face de quelqu'un qui cherche vraiment à comprendre - pour ceux qui ont suivi mes histoires, c'est pas souvent
- j'ai pas envie de laisser passer ma chance!).
Des opinions?
Je ne me souviens plus trop de cet épisode mais l'argument me parle, je l'ai déjà entendu ailleurs.
Comme ton ami dit : "le perso est antipathique, on n'adhère pas à ce qu'il dit" ... sauf que là en l'occurrence, sur Hiroshima, tu trouveras des tas de spectateurs pour adhérer à ce que Mme Petrelli vient de dire. Le principe de connivence marche pas forcément… Au lieu d'être connivent avec le héros, on sera connivent avec le perso antipathique, ou au mieux, on ne peut pas lui donner tort...
Le problème avec Hiroshima utilisé dans la bouche d'un Américain..... C’est que ce n'est pas *évident* pour tous les Américains que c'était une horreur voire une erreur.
Il y a des tenants, à l'heure actuelle, qui prétendent toujours que si c'était à refaire, il le referai sans hésiter et que les Japonais ont eu ce qu'il méritaient et qu'ils s'en sont tirés à bon compte avec juste deux bombes sur deux bleds, et qu'on aurait même du aller plus loin et taper sur Tokyo même. Le même argument revient régulièrement, et donne parfois lieu à des discours bien tendu du slip comme "au Vietnam, si on avait fait comme à Hiroshima, on aurait pas perdu la guerre, on l'aurait gagné". Et en Irak, les promoteurs d' « une bonne bombe et on en parle plus », il y en avait aussi eu. Le côté "don't screw with us, or we'll bomb you" du patriotisme américain, il n’est jamais parti, il est toujours là.
Donc sérieusement, utiliser l'argument Hiroshima par un-e perso Américain à destination de spectateurs Américains.... c'est super tendu... perso je trouve ça hyper maladroit. Car je suis *franchement* pas sûre du niveau de connivence établi.
Après c’est peut-être aussi ma perception biaisée en tant que Française et non-Américaine qui parle.
Ensuite d’un autre point de vue, c’est toujours très choquant d’instrumentaliser un drame humain historique pour en faire un gimmick scénaristique. C’est peut-être aussi là que se situe le malaise.
Mais plus généralement, l'argument "tuer une vie/des milliers pour en sauver des millions" est une question éthique récurrente, souvent posé dans les questions d'examen psychologiques! C'est une question ouverte, et il n'y a pas vraiment de bonnes ou mauvaises réponses, la question sera plutôt la gestion de l'émotion dans l'action et la gestion de la culpabilité morale d'avoir *réellement* tué des vies humaines au nom d'une éthique morale.
Je ne me pencherais pas sur l'aspect moral de la question, mais juste sur l'intérêt scénaristique, puisque c'est pour cela qu'on l'utilise.
Scénaristiquement, le principe n'est également pas tant de répondre à la question que de voir l’illustration de comment et jusqu'à quel point les héros Gentils et les Méchants/Gentils tendencieux sont prêts à aller pour la résoudre et ce qu'ils sont prêt ou non à faire.
La plupart du temps, c'est dans la bouche de militaires, de politiciens patriotiques, de personnages utilitaristes que tu entendras cette phrase.
C'est habituellement les bad guys mais plus souvent les good guys à moralité tendancieuse / variable qui vont utiliser cet argument face à un héros qui ne sera pas d'accord.
Dans Doctor Who par exemple, il a été cité de nombreuses fois, et le Docteur est toujours dans la position "Toute vie doit être sauvée et aucune ne mérite d'être sacrifiée au nom de millions d'autres". il est impossible pour lui de concevoir qu'on va en détruire des milliers pour en sauver des millions. Il se battra ainsi contre les humains (ou les aliens) qui vont promouvoir cette idée, avec la nuance que lui est un alien observateur qui parce qu'il juge moralement négativement cette histoire ne va pas pouvoir s'empêcher d'agir pour réparer ça. Il va agir pour sauver la personne en danger, souvent en se mettant en danger lui-même et ses compagnons (sinon ce n’est pas drôle, et il n'y aurait rien d'héroïque, si l'action était safe !) tout en résolvant le problème à l'origine de cette décision de sacrifice (pour que cette décision ne se répète pas, une fois parti de la planète) .
Au final ce n'est pas de la dénonciation, (puisqu’il n’y a pas de bonne réponse établie, il n’y a pas de loi contre ça) mais la mise en scène des opinions des personnages sur cette question éthique et leurs réactions face au dilemme.
Evidemment, le fait que notre héros soit « contre », nous incite à penser que c’est « mieux » de penser comme le héros, et « pas bien » de faire comme Mme Petreli , mais ce n’est pas aussi simple, parce que techniquement il n’y a pas de « bonne réponse ».
Pour ton ami, je lui dirais, qu'on ne juge pas un message sur le messager.
Ce n'est pas parce qu'un personnage antipathique dit quelque chose que tout ce qu'il dit a vocation à être choquant, à hérisser le spectateur. Tout simplement parce que des personnes comme ça, ça n'existe pas dans la vraie vie, et que si ça existait on se demande bien pourquoi on continuera à les fréquenter. Au contraire, c'est bien parce que le personnage antipathique dit la plupart du temps des choses "normales" qu'on continue à les fréquenter.
Ce qui incite à penser que ce que dit le personnage antipathique n’est pas normal/pas bien/ dénoncé, c’est les réactions des héros, qui sont censément positives.
Tu peux très bien inventer un récit où le perso antipathique va avoir le même raisonnement utilitariste, mais le héros *aussi*. Au final c’est bien parce que le héros est du même avis qu’il n’y a pas dénonciation et non parce que c’est le méchant qui l’a dit en premier.
Pour le cas précis de Mme Petreli : c’est sa réponse utilitariste assumée face à ce dilemme connu qui est acceptable ou dérangeante selon que les autres personnages aient eux-mêmes un raisonnement utilitariste ou non.
En l’occurrence le héros, n’a pas l’air d’avoir le même raisonnement utilitariste, il va donc s’opposer à elle.
En tant que spectateur, on est incité à être du côté du héros et à espérer qu’il va réussir son coup : à savoir : réussir à sauver les milliers de personnes *ET* sauver les millions d’autres personnes. Car c’est la seule option valable moralement finalement qui satisfera tout le monde, et même Mme Petrelli, aussi antipathique soit-elle ! Parce que dans le fond, Mme Petreli non plus ne souhaite pas la mort de ces milliers de gens, mais elle a fait le choix du moindre mal et ne croit pas à l’existence d’une autre solution.
Si à la fin de l’épisode, l’auteur avait fait le choix de faire *échouer* le héros, cad qu’il n’a réussi à sauver personne, ou juste les quelques milliers de personnes cites, mais que finalement le danger menaçant les millions de personnes s’abatte quand même, faisant des millions de victimes… (Incluant peut-être les milliers d’habitants du début), la réaction du spectateur aurait été tout autre, et finalement on ne penserait pas forcément que Mme Petreli avait eu tort… quitte à relativiser notre antipathie pour elle.
Donc finalement, c’est un ressort scénaristique constituant à féliciter les héros de ne pas avoir céder à un raisonnement utilitaire et avoir cherché *et* réussi à trouver une solution pratique moralement plus acceptable, passant souvent par le sacrifice volontaire d’un ou plusieurs allié pour la bonne cause. Parce qu’au final, ce n’est pas le fait de ne pas avoir cédé à la tentation utilitariste qui les rend héroïque, mais c’est d’avoir essayé de chercher une alternative plus acceptable moralement, quitte à y laisser sa vie.