Il y a quelques temps, j'étais à une soirée déguisée à thème. Pour l'occasion, je m'étais déguisée en garçon. Mais pas à moitié: perruque, bandage de la poitrine pour la faire disparaître au maximum, vêtements empruntés, et surtout fausse barbe collée poil à poil qui faisait très vraie. Et j'ai adopté une posture et un comportement plus "masculin". J'étais vraiment crédible, car certains de mes amis ne m'ont reconnue que quand j'ai commencé à parler, et les mecs qui ne me connaissaient pas ou peu me serraient la main d'emblée pour me dire bonjour
. On me prenait pour un mec, certes androgyne et à l'air jeune, mais un mec quand même.
Ce que j'ai trouvé très intéressant, c'est d'une part les réactions des gens face à mon déguisement, et également le changement de mon propre comportement pendant cette soirée. J'avais déjà réfléchi aux contraintes qui s'appliquent sur nous selon notre genre, mais là je l'ai vécu en direct, et -spoiler- avec un sentiment de liberté.
Certains, filles mais surtout garçons, ont été très mal l'aise; ça les perturbait énormément de me voir en garçon. Parce que me faire passer pour un garçon était une transgression? D'autres l'ont très bien pris, et notamment un groupe de mecs que je connaissais vaguement, d'habitude assez lourds en soirée, dans un rapport de séduction à deux balles, regards appuyés et réflexions potaches à longueur de temps. Là leur comportement a complètement changé: ils ont joué le jeu pendant la soirée, en m'intégrant comme si j'étais vraiment un garçon, en jouant à m'apprendre comment être un mec, etc. Le fait qu'ils "oublient" que je sois une fille a complètement changé le mode d'échange que j'avais avec eux, et c'était beaucoup plus agréable, bizarrement.
J'ai aussi remarqué que mon rapport au corps était différent: comme je "jouais le jeu", j'étais beaucoup plus libre de mes postures (par exemple de m'affaler sur le canapé jambes grandes ouvertes, ce que je ne ferais pas habituellement par réflexe/conditionnement
sauf quand je suis tranquille chez moi ). D'une certaine manière, je me sentais libérée d'un regard ou d'une pression qui s'exercerait en permanence sur mon corps.
Bref, j'ai trouvé l'expérience très intéressante. Je crois que j'ai encore plus réalisé une partie des contraintes sociales qui s'exercent sur moi en tant que femme en m'en affranchissant le temps de cette soirée. Parallèle que je ferais aussi sur la thématique du harcèlement de rue, qu'on subit pas mal en France et donc qu'on intègre, qu'on banalise. Une de mes amies est partie dans un pays nordique, où elle ne s'est pas faite emmerder une seule fois en un an. De retour à Paris, elle s'est pris en plein dans la gueule ce phénomène de harcèlement qu'elle avait complètement oublié et dont elle n'avait pas vraiment conscience avant de partir...