C'est ça que je trouve étrange et que j'arrive pas trop à comprendre. En fait la religion en tant que tel ne sert pas à grand chose. On pourrait se passer du sexisme présent dans les religions etc puisque la plupart des croyants dans une religion n'ont pas l'air de tellement penser leur lien avec une religion en tant que telle.
Pour rebondir sur votre questionnement et compléter ce que dit
@Miodvla, je copie une série de messages que j'avais postées ici dans le cadre d'une discussion qu'on avait eu l'année dernière (le début fait référence à une de mes copines chrétiennes de l'Océan Indien qui avait écrit un texte appelant les femmes chrétiennes à se soumettre à l'homme par dévotion religieuse):
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Son modèle c'est Jésus Christ comme elle le dit et d'ailleurs pour rebondir sur les questionnements de @DestyNova, je ne pense pas que ce soit sexiste à la base.
Jésus Christ est censé être un mec qui aimait tellement l'humanité qu'il s'est sacrifié pour elle alors qu'il avait la puissance pour échapper à la souffrance (puisque c'est le fils de Dieu/Dieu) et qui malgré ce qu'on lui a infligé ne ressent ni haine ni rancoeur.
C'est un beau modèle et ce n'est pas une question d'humiliation puisqu'on considère au contraire que c'est s'élever que d'agir ainsi.
Mais ce qui ne va pas dans cette histoire c'est clairement que ma pote réinterprète le geste de Jésus Christ à travers un filtre patriarcal. Et ça, c'est la construction sociale, la réappropriation culturelle qui s'est faite autour de l'essence du christianisme.
Pourquoi semble-t-elle trouver que le sacrifice et la négation de soi dans un couple doit être féminin alors que l'homme décide et dirige? Si les deux sont chrétiens, est-ce qu'il ne devrait pas faire pareil de son côté? Est-ce qu'elle ne serait pas plus apte à comprendre Jésus par son sacrifice que lui qui n'en fait pas? Dans ce cas, pourquoi dit-elle que c'est son mari qui va l'emmener vers Dieu alors qu'elle fait ce qu'il faut pour comprendre l'enseignement divin toute seule?
Et en quoi est-ce un sacrifice équivalent à celui consenti par Jésus que d'abandonner son travail pour se consacrer aux tâches domestiques?
En se concentrant sur le christianisme qui est la seule religion que je connais un minimum, le message de Jésus qui est basé sur la non-violence, la compassion, le pardon, la compréhension et l'ouverture d'esprit a servi de support à la violence, la discrimination, la haine et le rejet par les gens qui se réclamaient de son enseignement.
Comment est-ce possible? Je me dis que la religion souffre de son imbrication avec une structure dominante extérieure très puissante, qui a réutilisé la religion pour asseoir son autorité un peu plus, pas forcément de son essence.
Le lien suivant emmène sur un blog religieux mais je trouve la réflexion de l'auteur très intéressante ainsi que plusieurs commentaires qui montrent que pas mal de passages du Nouveau Testament proposent une place nouvelle aux femmes... mais que cela a été ignoré en pratique :
http://sojo.net/blogs/2013/03/11/top-4-reasons-jesus-my-favorite-feminist
Après la lecture du blog chrétien ci-dessus et des commentaires qui disent que les femmes avaient une place très progressiste dans l'entourage de Jésus, j'ai fait des recherches rapides sur les noms qui sont évoqués par les auteurs. Et c'est super intéressant, moi qui ne connait la religion chrétienne que superficiellement, je découvre des personnages! Apparemment Jésus avait dans plusieurs textes pas mal de disciples femmes (non pas des saintes prêtes à mourir pour leur foi par "pureté" mais des femmes qui réfléchissaient et étudiaient son message spirituel avant de l'enseigner à leur tour).
Priscilla : C'était une missionnaire qui accompagnait Paul (l'un des apôtres de Jésus) avec son mari Aquila pour enseigner l'héritage du Christ.
Je traduis un passage de sa fiche Wikipédia :
http://en.wikipedia.org/wiki/Priscilla_and_Aquila
Bien que cette opinion ne soit pas largement partagée, plusieurs spécialistes ont suggéré que Priscilla serait l'auteur du Livre des Juifs. Acclamé pour son sens artistique, son originalité et son excellence littéraire, c'est le seul livre de l'Ancien Testament dont l'auteur est anonyme.
Hoppin et d'autres suggèrent que Priscilla en était l'auteur mais que son nom aurait été omis soit pour effacer le fait que l'auteur était une femme, soit pour protéger la lettre de sa destruction.
Junia : L'une des femmes a être officiellement désignée comme "apôtre" du Christ.
Traduction approximative de sa fiche Wikipédia :
http://en.wikipedia.org/wiki/Junia
Le fait que Junia était une femme est rarement contredit aujourd'hui parmi les théologiens chrétiens. La première référence à Junia en tant qu'homme date du Moyen-Âge sans explication. Deux siècles plus tard, en 1512, Jacques LeFevre la considère aussi comme un homme même dans si la traduction latine qu'il utilise le nom est clairement féminin.
La journaliste américaine Rena Pederson argumente que les traducteurs médiévaux comme l'archevêque Gilles ont changé son nom en Junias, un signe du préjugé institutionnel contre les femmes qui datait des savants de Grèce ancienne. "Et puisque Paul a souvent été perçu comme quelqu'un qui voulait faire taire les femmes, l'estime qu'il manifeste à Junia semble montrer qu'il était bien plus ouvert d'esprit dans les faits" ajoute Pederson.
L'Evangile de Marie : C'est un texte découvert au 19e siècle qui daterait du IIe siècle et se situerait du point de vue de Marie Madeleine. Elle y apparait comme très proche de Jésus spirituellement et potentiel leader religieux. L'Evangile décrit un conflit avec Saint Pierre qui n'accepte pas que Jésus ait pu confier des enseignements à une femme en secret.
L'Evangile ne fait pas partie du corpus biblique mais dans ce texte (site de réflexion chrétienne), on explique que le document illustre un conflit entre deux courants chrétiens antiques, l'un acceptant les femmes (généralement décrit comme le mouvement gnostique) et l'autre non.
http://www.interbible.org/interBible/decouverte/archeologie/2011/arc_111125.html
Dans plusieurs textes antiques qui ne sont pas reconnus par l'Eglise, Marie-Madeleine est présentée comme un potentiel leader, une élève brillante du Christ et ces textes font dire à certains apôtres que Jésus l'aimait plus que ses autres disciples.
Apparemment, ces textes d'influence gnostiques représentaient aussi Pierre (le premier Pape) comme le plus farouche opposant à Marie-Madeleine et aux femmes en général.
Je crois que c'est un peu à ça que fait référence le
Da Vinci Code de Dan Brown mais je pensais que c'était une vision totalement improbable du christianisme qu'il avait écrit pour vendre des livres. Marie-Madeleine dont le rôle de premier plan aurait été effacé par le patriarcat, ça me paraissait bon pour une intrigue de best-seller et trop tiré par les cheveux pour venir de sources historiques.
Je ne vais pas tout mettre mais ces conflits philosophiques montrent que la place des femmes n'étaient pas aussi nette qu'on le croit dans le christianisme des débuts et que la religion instituée particulièrement par l'Eglise catholique aujourd'hui est héritière d'un courant qui était déjà conservateur dans l'Antiquité.
Pour revenir sur la protection des femmes ce n'est pas tellement au début que les lois "protectrices" ont été instaurées mais vers le XIIe siècle. J'avais aussi appris au lycée que que toutes les règles qui paraissent oppressives aujourd'hui ont été mises en place pour protéger les femmes, en même temps que la notion d'amour courtois dont le but était de les réhabiliter comme êtres à respecter. L'idée de supprimer le divorce, de ne plus tolérer l'adultère, d'exiger le consentement libre des deux époux etc. était donc de lutter contre la violence contre les femmes.
Bien sûr, l'esprit étant de protéger les femmes plus que de leur offrir la liberté, cela a fini par devenir aliénant mais on m'expliquait que l'idée de base était positive et progressiste. Et je veux bien le croire mais cette théorie suppose quand même que la société avait toujours placé les femmes dans une position de vulnérabilité et d'infériorité millénaire et qu'il fallait agir.
Or les textes gnostiques qui mettent en valeur Marie-Madeleine et d'autres disciples femmes datent du IIe siècle donc de l'Antiquité.
C'est-à-dire qu'on m'a présentées les actions de l'Eglise du XIIIe siècle comme un progrès pour les femmes... mais ce progrès n'a visiblement été nécessaire que parce que la place de la femme avait été restreinte et dégradée au fil des siècles. Donc le courant religieux qui a dominé l'Eglise a promu des valeurs sexistes contraires à l'enseignement du Christ pendant des centaines d'années puis pour réparer les dégâts causés a dû promulguer des lois protectrices mais restrictives. Pas tellement un progrès finalement...
En fait, quand je repense à la question des manuels scolaires et de l'absence de femmes représentés, je pense qu'il y a vraiment une invisibilisation des femmes et une reconstruction de leur place historique qui s'est opérée au fil des siècles.
Quand on dit "elles n'avaient pas l'occasion d'avoir une place importante parce qu'elles étaient opprimées", c'est faux. C'est plutôt qu'on ne reconnait pas le rôle et l'autorité de certaines qui n'étaient pas forcément des exceptions dans leur entourage.