@El Gato @Ghost wind
Je serais curieuse de savoir ce qu'il entend par " mettre en place des pédagogies différenciées selon les sexes"....
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@Lady Macbeth
Pour la pédagogie différenciée, c'est peut-être ne plus apprendre à lire aux petits garçons vu que c'est "plutôt féminin " comme truc
Bon je suis un peu en retard sur cette VP (je ne la lis plus qu'une fois par semaine) et j'ai seulement lu les 3 pages après vous donc j'espère que je vais pas me répéter.
C'est un peu triste mais ça fait pas mal d'années qu'un réel courant en sciences de l'éducation existe qui estime que tout irait mieux dans des écoles non-mixtes pour s'adapter au mieux aux capacités des filles et des garçons.
Les études des socio-anthropologues des années 80, 90 et autres ont démontrées que :
- Les garçons avaient tendance à être dans l'esprit de compétition et dans l'individualisation
- Les filles avaient tendance à préférer la coopération et l'esprit de groupe
Donc en imposant les mêmes méthodes à tous le monde ont pensé certains scientifiques, on ne tient pas compte de leurs particularités, on plaque un moule inadapté et tout le monde se plante. Des expériences ont été menées dans plusieurs pays occidentaux et ont semblé démontrer que lorsque les filles sont entre elles, elles ont tendance à être plus ambitieuses (elles ne sont pas écrasées par l'ambition des garçons), elles peuvent truster le haut de la compétition (vu qu'il n'y a pas de garçon pour prendre la place), elles peuvent s'exprimer individuellement plus facilement.
A l'inverse, les garçons peuvent apprendre à se gérer eux-mêmes en groupe (sans que les filles prennent en main les choses), apprendre à coopérer etc.
Alors en général, en France, les féministes universalistes ont tendance à pas aimer parce que ça sous-entend que toutes les filles réagissent pariel et tous les garçons aussi. Par contre, dans les pays anglo-saxons la non-mixité peut être soutenue par certaines féministes.
Pour moi c'est assez clair : on sait que la socialisation genrée est une réalité et qu'effectivement, les filles et les garçons vont être poussés vers certains comportements. De plus, personnellement je soutiens l'idée de MadmoiZelle de faire de la non-mixité car je vois bien que l'absence de mecs permet aux filles de développer certaines choses qui seraient écrasées autrement.
En revanche, je ne suis pas trop d'accord avec la non-mixité si elle n'est pas prévue dans un programme très rigoureux (par exemple, j'ai déjà vu des excellents résultats avec des élèves poussées au-delà de leurs espérances dans des écoles pour filles mais elles étaient privées et le programme pédagogique avait été spécifiquement conçu autour de l'ambition et de l'épanouissement des filles). Dans la plupart des cas, j'ai juste peur que la non-mixité amplifie la socialisation genrée.
J'ai cette crainte car ce courant éducatif est un grand dada dans les études de STAPS (sport) par exemple. D'abord parce que les cours de sport sont un espace criant de comportements genrés et d'inégalités où ce type de pratique pourrait être utile : les garçons qui s'accaparent l'espace et veulent gagner, les filles en retrait, plus dans les jeux de coopération sans victoire etc. Mais aussi parce que malheureusement, les sciences du sport sont de mon expérience un domaine académique pas mal conservateur.
Donc souvent, ces études sont pas loin d'être résumées ou surtout comprises comme l'idée que les filles étant plus coopératives, on va leur faire faire tout le temps des activités des groupe sans compétition et enjeu visible, où il s'agit d'abord de dialoguer, et aux garçons plein d'enthousiasme viril, on va les laisser dans un système compétitif avec des récompenses quand ils "gagnent". Bref, on va renforcer les stéréotypes de genres pour "le bien de tous". Et là on tombe dans l'essentialisme.
Et comme certaines d'entre vous l'ont dit, le système de compétition est actuellement valorisé dans le monde du travail. Donc les garçons seront mieux préparés à un monde cousu de valeurs dites masculines que les filles, même si le dialogue est une qualité professionnelle importante.
Bref, tout ça pour dire que la pédagogie différenciée n'est pas une marotte des tarées de la Manif pour Tous, c'est une vraie démarche éducative qui a été très sérieusement étudiée par des chercheurs.
@Lady Macbeth : Le Moyen-âge c'est vraiment une référence en la matière
C'est pas comme si on avait tué les femmes en masse sous le prétexte de la sorcellerie ou autre joyeusetés.
Là aussi c'est un peu mon cheval de bataille donc je vais me répéter pour celles qui me connaissent
On instrumentalise beaucoup l'Histoire, que ce soit pour des motifs troubles mais aussi pour le féminisme et je ne trouve pas ça toujours très pertinent car on a tendance à vouloir prouver le patriarcat actuel en s'appuyant sur des exemples du passé (avec souvent l'idée que "c'était pire avant"). Or on parle de sociétés radicalement différentes donc comparer même pour dire "c'est pas une référence cette époque car on a fait beaucoup de mal aux femmes", ça donne l'impression perverse que la domination actuelle des femmes a toujours existé dans les mêmes termes, voire pire, limite que c'est un truc immémoriel... Finalement, ça laisse croire à beaucoup de gens que ça a quelque chose de presque "naturel", "inné" que les femmes (ou "femelles" car on a tendance aussi à identifier ce patriarcat dans le monde animal) soient dominées, parce qu'elles sont "plus faibles", qu'elles "tombent enceintes" ou d'autres raisons de ce genre.
Attention, je ne suis pas en train de dire qu'avant c'était un matriarcat avec les femmes au pouvoir hein! Mais la structure sociale était tout simplement différente. C'est par exemple une lecture féministe de dire que les procès pour sorcellerie représentent un massacre féminicide, le symbole ultime de l'oppression des femmes. Mais ce n'est pas une lecture scientifique car les procès pour sorcellerie étaient loin d'être aussi simples même si le caractère misogyne de ces exécutions n'est pas à remettre en cause (même si c'est un peu plus complexe car un certain nombre d'hommes ont aussi été exécutés pour sorcellerie)
Le problème est que ce symbole a été énormément médiatisé et simplifié. Par exemple, on a tendance à associer l'Inquisition espagnole à la chasse aux sorcières et donc à la persécution des femmes. En réalité, c'étaient d'abord les musulmans et les juifs qui étaient ciblés, souvent sous couvert de raisons morales, de "pratiques" horribles, ce qui faisait qu'on évoquait aussi la sorcellerie dans le lot et que certaines femmes sont belles et bien mortes dans ce cadre. Mais ce n'était pas le coeur de l'Inquisition espagnole que de pourchasser les sorcières au féminin et c'est donc à mon sens problématique de parfois laisser entendre que les persécutions et tortures religieuses menées par certaines Eglises entre le Moyen-Âge et le début de la Renaissance étaient d'abord misogynes car ça simplifie la réalité et empêche de réfléchir réellement à l'évolution des pratiques.
Bref, je digresse en simplifiant énormément sur la sorcellerie mais tout ça pour dire que le Moyen-Âge n'était pas forcément "la pire époque" (déjà ça s'étend sur quasiment 10 siècles donc on peut pas tellement généraliser) pour les femmes contrairement à ce qu'on décrit car il y avait aussi beaucoup d'espaces féminins qui existaient à l'époque médiévale et n'existaient pas par exemple au 19e siècle (l'ancêtre de notre structure sociale actuelle).
Et puis le Moyen-Âge où? Parce qu'entre les pratiques médiévales alsaciennes et celles du Pays Basque, on a des cultures et donc des situations radicalement différentes.
Cela ne veut pas dire que le Moyen-Âge était "meilleur" non plus mais je crois qu'il faut lutter contre cette tendance à aller chercher dans un passé culturellement lointain des preuves de la domination masculine telle qu'on la conçoit aujourd'hui, et ce même si c'est au nom du féminisme. La domination masculine était une réalité mais elle était différente, ce n'est pas une progression linéaire, des choses sont apparues, des choses ont disparues, et on ne peut donc pas classifier les époques en disant "celle-là n'était pas une référence de vie agréable pour les femmes, celle-là était pas mal, aujourd'hui c'est mieux etc.".