destynova;4412829 a dit :
@Cleos je trouve l'initiative de la pièce de théâtre intéressante, mais s'ils veulent vraiment faire réfléchir les gens, je pense qu'ils auraient pu les interroger ou les guider.
Là au final, ils n'ont fait que faire une démonstration de lieux communs (parce que c'est ce que les gens connaissent). Par exemple toutes les "solutions" proposées se situent (sans surprise) autour de la femme. Dans les violences conjugales on se demande toujours "pourquoi il y a tant de femmes battues qui ne partent pas" au lieu de ne JAMAIS se demander "pourquoi il y a tant d'hommes qui battent". Ils auraient pu proposer par exemple que quelqu'un prenne le rôle de l'homme puisque personne n'en a eu l'idée.
En fait j'ai l'impression qu'ils n'ont fait que confirmer des stéréotypes ancrés dans l'esprit des gens ("ben tu vois, c'est pas si dur il suffit de dire qu'elle veut le quitter!" -> ducoup les gens comprennent encore moins pourquoi elles ne partent pas, et s'en vont convaincus qu'il "suffisait" de faire autrement - astuce : toutes les femmes battues, avant de l'être, pensaient elles aussi qu'elles partiraient si un mec les giflait, parce que tout le monde pense que ça arrive comme ça d'un coup avec un mec moche et alcolo donc qu'on voit arriver à 100km).
Une autre option ç'aurait été de donner quelques indications. Par exemple, comme ça a été pointé du doigt "Tu joues la femme, tu peux décider de partir avec tes enfants, mais tu as 70% de chances d'être tuée" ou "vous pouvez jouer le rôle de l'homme ou de la femme, mais si vous jouez la femme et que vous décidez de partir, vous avez 70% de chances que le scénario se termine par votre mort. Ps : vous n'avez plus d'amis et votre mari a la carte bancaire".
Avec ce genre de situation, on comprend que la notion de "elles ont "choisi" de rester" est un peu plus compliquée que ça
De ce que raconte @Cleos, ce théâtre forum a été extrêmement mal fait. Contrairement à ce que la troupe a dit, le but n'est pas juste de les laisser les gens s'exprimer comme ils veulent.
Ils doivent être accompagnés.
A la base, on appelle cela "le théâtre de l'opprimé" parce que son créateur, un Brésilien, avait inventé cette technique dans les années 70 pour que des populations opprimées puissent réfléchir à comment agir pour améliorer leur situation, avec la possibilité de mettre en scène. C'est une façon de s'exprimer tout en "agissant" fictivement sans qu'il y ait de vraies conséquences : faire avancer la réflexion à moindre frais.
Là, dans la salle, j'imagine que le public n'était pas des femmes battues mais des gens qui ne connaissent pas du tout cette situation, donc déjà, le propos était biaisé.
Face à un public de femmes battues, elles auraient pu : agir de manière cathartiques, évaluer leurs émotions/limites à tête reposée, avoir un autre regard sur les conséquences de leurs réactions, explorer des chemins nouveaux, exprimer des choses qu'elles ne peuvent pas en situation réelle etc. Cela aurait été un outil pour les aider à débloquer leur situation, à s'en échapper. Là, ce n'est pas le public qui réagit donc ça ne fonctionne pas correctement, forcément.
Ensuite, il est vrai que tout le monde n'est pas toujours directement concerné par les sujets de théâtre-forum, mais qu'il est important pour eux de réfléchir à la situation. C'est pour ça qu'il y a un meneur qui guide la représentation. Il pose des questions au public, reformule leurs avis et propositions, met en lumière les aspects positifs et négatifs de chaque réaction (en essayant toujours que cela vienne du public donc en utilisant ce qui a été dit ou en les questionnant), résume ce qui s'est passé, pousse chaque personne qui s'exprime à approfondir ce qu'il a dit, à regarder en face les points difficiles etc. Cela oblige les spectateurs à avoir un autre point de vue sur une scène que leur simple perception et à aller au-delà de leurs préjugés en réfléchissant à ce que le meneur leur met sous les yeux.
Il y a aussi deux façons de faire une scène : on change une seule personne à chaque fois et on garde les acteurs "officiels" pour les autres personnages, ou alors n'importe qui peut intervenir à n'importe quel moment et on peut se retrouver avec tous les personnages "remplacés".
La première proposition permet aux acteurs de continuer à mettre en scène les "conséquences". Exemple : la femme quitte son mari, l'acteur la menace.
La deuxième proposition permet aux spectateurs de réfléchir ensemble à toutes les conséquences possibles.
Le but de cette méthode est de redonner un certain contrôle (même fictif) à des gens qui ont perdu le pouvoir sur leur vie ou un aspect de leur vie, ou qui se trouvent dans une situation qu'ils n'arrivent plus à gérer (conflit, oppression etc.). Pas de juger des personnes extérieures à la salle.
Bref, de ton récit @Cleos, je pense que ce théâtre a été mal fait et normalement, un bon meneur aurait dû te mettre suffisamment en confiance pour que tu puisses parler publiquement sans avoir besoin de monter sur scène.
L'asso féministe n'aurait pas dû être au fond de la salle, en fait, ça aurait dû être en partie le meneur

Il n'y a aucun sens à faire un théâtre-forum sans l'accompagnement du meneur qui joue comme un rôle de "psy" ou de "médiateur".
EDIT : @Cleos, je ne connais pas d'assos sur Lyon mais si jamais tu n'as pas de renseignements, tu peux appeler les numéros nationaux de 08 Victimes et SOS Violences Femmes qui pourront éventuellement te rediriger vers ce type d'assos.
08 Victimes : 08 842 846 37
Violence Femmes Info : 3919 (mais je ne sais plus si c'est seulement conjugal... en tout cas, ils devraient avoir des contacts)