mamiecaro;4426096 a dit :
@morganegirly : si si si, le "ne grossis pas", c'est typiquement féminin.
Si j'annonce ici, par exemple, qu'entre 94% et 97% des personnes atteintes de TCA (troubles du comportement alimentaire - anorexie, boulimie, etc) sont des femmes, est-ce que ça ne suffit pas à prouver qu'il y a un gros déséquilibre entre hommes et femmes sur leur rapport au corps ?
J'avais lu quelque part le témoignage d'un homme trans* qui était en surpoids (je ne sais plus si c'était de l'obésité ou un simple surpoids) qui racontait qu'après sa transition, les remarques sur son physique s'étaient faites beaucoup, beaucoup moins fréquente que lorsque son genre affiché était féminin. Certes, ce n'est qu'un témoignage, mais je pense que c'est assez révélateur.
Le simple fait qu'on insiste toujours sur la beauté des femmes, qu'on leur fasse plus de remarques sur leur physique, qu'on considère leur apparence davantage que leur personnalité, tout ça contribue évidemment à accentuer l'impact des normes de beauté - donc, certes, les mêmes normes existent chez les hommes, mais comme on ne les gonfle pas en permanence avec leur apparence, ça les travaille moins.
Autre exemple : dans les médias, la majorité des femmes qu'on voit sont jeunes et belles. (La sortie de Disney était très révélatrice - sur le fait que c'était dur d'avoir deux personnages féminins parce qu'il fallait qu'elles aient l'air différent - évidemment, si vous leur donnez exactement le même visage fin avec un petit nez retroussé et des grands yeux clairs, elles vont se ressembler... - et qu'elles restent belles en toute circonstance - on s'en fout en fait qu'elles restent magnifiques quand elles chialent ou qu'elles se mettent en colère, les amis !!) Bref, ce que je voulais dire, c'est un truc tout simple : quand les médias montrent 1 femme pour 3 hommes en moyenne, et rechignent moins à montrer des héros vieux, replets, ridés, aux cheveux blancs, maigrichons, etc etc, ça renvoie l'idée qu'une femme n'est "acceptable" que si elle ressemble à un modèle précis.
Et sur le body monitoring, je voudrais envoyer une petite pensée à mon père qui, tout au long de mon adolescence, m'a lancé bien souvent cette charmante injonction : "tiens-toi-droite-rentre-le-ventre" qui s'est même agrémenté d'un "gonfle-les-boobies". OUI. MON PÈRE ME DISAIT CA.
Depuis que je ne vis plus chez mes parents, ça arrive encore parfois, quand je passe une nuit chez eux et que je me balade dans la maison le matin qu'il essaye de me ressortir cette délicieuse litanie. Autant vous dire qu'aujourd'hui, je l'envoie bien balader. Si mon ventre a envie de sortir, je le laisse faire.
J'imagine que c'est un des quelques thèmes tellement intimes pour moi que je m'en détache plus difficilement par rapport à d'autres parce que tout ce que tu me dis, je suis 100% d'accord et je le sais bien. Et d'ailleurs, comme ma tante dont je parlais qui est passé par les mêmes ressentis que moi, le sujet a été si important pour moi que j'ai beaucoup lu d'ouvrages de "diététique alternative" (qui expliquent qu'il n'y a pas de poids idéal moyen mais une morphologie par personne, que certains sont fait pour peser 43kg d'autres 65kg, que l'obésité n'est pas nécessairement une maladie gravissime comme on l'entend parfois etc.) mais j'ai encore du mal à relier les deux sujets.
Je vois bien que la minceur est une problématique surtout féminine/sexiste mais j'ai aussi l'impression qu'il y a quelque chose qui va au-delà du sexisme dans cette question du corps mince, quelque chose dans notre société qui nous déconnecte de nos corps.
La pression pour contrôler son corps et la pression pour être belle se croisent mais me paraissent aussi un peu différentes.
Pour en revenir à la vidéo, la fille fait le lien entre le contrôle de l'alimentation et la discrétion imposées aux filles. J'imagine que si elle le dit, c'est ainsi que ça se passe dans sa famille et d'ailleurs je crois qu'elle cherchait juste à raconter quelque chose d'intime, pas à faire une réflexion sociologique. Par contre, je ne suis pas sûre qu'on puisse le prendre comme une analyse d'un phénomène plus général.
En simplifiant, elle explique que son père/son frère n'ont pas peur de prendre du poids parce qu'ils n'ont pas peur d'occuper l'espace, tandis que sa mère/elle sont préoccupées par leur minceur parce qu'elles ont peur de prendre trop de place, donc on est clairement au coeur de la problématique du sexisme dans l'éducation des filles mais je ne suis pas sûre que le lien soit aussi évident.
Pff, c'est hyper confus dans ma tête!
En fait, disons que ce qu'on entend dans ce poème, c'est quelque chose de très sensible et que comme ça semble avoir ému @aurialove aussi, et que je sais le genre de sentiment que ça peut être que d'être ému sur ce sujet (puisqu'avant je ne pouvais pas en parler sans pleurer), j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de bien plus profond que la pression des apparences dans cette histoire.
Je veux dire, ça ne m'arrive pas souvent d'avoir un sujet qui me fait pleurer sans que je sache vraiment d'où viennent ces larmes.
C'est pour ça aussi que quand @tardigrade tu dis que ça te semble être un phénomène récent, je pense au contraire qu'il y a quelque chose de plus ancien là-dedans, quelque chose qu'on nous transmet sans qu'on sache bien d'où ça vient.
Chez moi, je pense qu'on a en partie hérité ça de ma grand-mère et sa soeur et quand j'écoute les histoires de famille, elles me parlent de leur propre grand-mère qui contrôlait déjà son alimentation (donc au XIXe siècle). Et si j'ai bien compris, leur mère aussi avait un rapport à la nourriture compliqué (en même temps elle a vécu deux guerres).
La nourriture est quelque chose qui a un impact extrêmement marquant sur les gens. Quelqu'un qui a connu la famine par exemple n'oubliera jamais ce sentiment et c'est pour ça que vous avez peut-être vu vos grands-parents qui ont connu la guerre remplir leurs placards de boites de conserve en 10 exemplaires. Parce que même s'ils savent qu'ils ne manqueront de rien, le souvenir de la faim ne s'oublie jamais et pousse à faire des réserves.
Et autre chose, il y a des traumatismes qui se transmettent de génération en génération sans qu'on le sache. On parle par exemple du syndrome de la "seconde génération" des juifs, les enfants de ceux qui ont survécu aux camps de concentration et qui sont traumatisés par quelque chose qu'ils n'ont pas vécu.
A ce sujet, il y a une bande dessinée magnifique de Michel Kichka qui s'appelle
Deuxième génération, ce que je n'ai jamais dit à mon père qui raconte ce que c'est que de grandir quand son père a survécu aux Nazis. L'auteur y fait un lien net entre le suicide de son petit frère à la fin des années 80 et l'Holocauste qu'il n'a pourtant jamais connu.
Donc je me dis que pour cette histoire de rapport à la nourriture, il y a peut-être quelque chose d'autre que le diktat des corps minces qu'on voit dans les médias aujourd'hui.
Je réfléchis en même temps que j'écris donc je dis peut-être un peu n'importe quoi mais je repense à un truc que j'avais lu dans
Hommes, Femmes, la construction de la différence je crois, et qui expliquait une théorie selon laquelle les femmes avaient été moins nourrie que les hommes dans l'Histoire (ils avaient priorité sur la nourriture dans de nombreux cas par exemple) et que c'était peut-être une des raisons pour lesquelles elles avaient évoluées comme plus petites. Donc voilà, c'est ptete un truc de ce genre qui suscite des sentiments aussi forts chez nous quand il s'agit de la nourriture.
Même si je suis d'accord que la pression sociale créent des complexes, et que je pense qu'une grande partie de mon mal-être personnel durant mon adolescence, comme de celui de beaucoup de filles, est venu du sentiment d'être "laide" parce que pas en correspondance avec les standards de beauté... Mais il n'y a pas que ça.
Voilà, j'espère qu'en me relisant demain, je vais trouver du sens à ce que j'ai raconté là ahah! (en plus en gros j'ai commencé à dire que je savais pas si c'était sexiste et ce que j'explique ensuite ben... c'est un truc lié au sexisme! :

hit-the-road-djou;4426454 a dit :
Je suis ennuyée
Je sais pertinemment (en tout cas selon moi) que mis à part certaines différences physiques, il n'y a pas de différences entre les garçons et les filles (du moins, innées) et pourtant je sais que si j'ai un enfant je préfèrerais avoir une fille ...
C'est pas sexiste ? Je ne sais pas bien pourquoi je préfèrerais une fille mais je sais que c'est quand même le cas (je ne vais pas avorter si c'est un garçon mais si je pouvais choisir je choisirais "fille" sans beaucoup d'hésitation)
Alors du coup je me demande le pourquoi
Moi c'est un peu comme toi même si j'essaye de lâcher cette idée : depuis que je suis gamine, j'ai toujours pensé que j'aimerais avoir une fille.
Et je voulais avoir une fille pas parce que c'est mon destin d'être mère mais parce que je voulais pouvoir avoir quelqu'un qui me ressemble pour faire tout ce que je n'avais pas pu faire.
Pour pas mal de gens, l'idée d'avoir des enfants c'est d'avoir "une postérité" et donc si t'es une femme, dans la société actuelle, c'est une immense partie de ton identité, donc inconsciemment tu te dis que ta fille te ressemblera plus que ton fils!
C'est sûr que quand on croit que les genres sont définis socialement, on doit pouvoir admettre qu'un fils et une fille, c'est pas bien différent mais voilà, on fait partie de cette société où la première chose que les gens identifient chez toi c'est ton genre alors c'est un peu difficile de se sortir ça de la tête

Faut qu'on travaille sur nous-mêmes, même si on est déjà féministes
