Pour revenir sur la notion de féminicide et du caractère intrinsèquement sexiste des violences faites aux femmes : à ce qu'il me semble, évidemment le mec ne s'est pas réveillé un matin en se disant "tiens je vais tuer ma femme parce qu'elle est une femme". Et il n'a pas forcément de haine particulière envers les femmes. Donc non, je ne pense pas qu'il ait volontairement tué sa femme parce qu'elle est une femme. Pas de façon
consciente en tout cas.
Par contre, si on prend en compte le contexte dans lequel on vit : il faut admettre que les meurtres de femmes par leurs conjoints sont beaucoup plus courants que l'inverse et obéissent à des tendances sociologiques. J'ai trouvé un article qui l'expliquera probablement mieux que moi :
http://www.slate.fr/story/147429/mourir-parce-quon-est-une-femme
J'en cite des extraits : "C’est seulement quand on fait la liste, quand on lit à la suite ces histoires qu’on est frappé par leurs points communs dont le principal:
ce sont des hommes qui ont tué des femmes. Plus précisément qui ont tué celles qu’ils pensaient devoir être leurs femmes pour toujours. C’est l’accumulation qui fait prendre conscience de l’ampleur du phénomène et de ce sur quoi il repose, en-dehors de la pathologie. Il y a également des femmes atteintes de troubles psychiatriques, pourtant elles assassinent nettement moins souvent leur conjoint. Les femmes représentent 85% des victimes dans les couples et dans près de la moitié des cas où elles tuent leur compagnon, elles étaient victimes de violence de sa part. La folie, longue ou passagère, ne s’affranchit pas des règles du genre, ni des constructions sociales. Elle ne balaye pas tout sur son passage. Au contraire, elle révèle les biais les plus sombres de notre société.
Est-ce qu’en France, en 2017, on peut mourir parce qu’on est une femme? La réponse est oui, sans hésitation.
On meurt parce qu’on est une femme et qu’on a voulu être libre. D’ailleurs, les journaux parlent désormais moins de drame passionnel que de
«drame de la séparation».
Dans la majorité de ces cas, la femme venait de quitter le conjoint ou en tout cas d’en exprimer le désir. Une décision qui était une déclaration de liberté intolérable pour l’homme qui estimait qu’elle lui appartenait. Il la préfère morte plutôt que libre."
[...]
"Ce qui nous induit en erreur en l’occurrence, c’est qu’il y a une relation particulière entre la victime et l’assassin. Ces hommes ne tuent pas toutes les femmes.
Ils tuent les leurs. Mais ils les tuent parce que ce sont des femmes et qu’ils sont des hommes. Autrement dit parce qu’ils croient encore à la possession des unes par les autres. Donc ils refusent à ces femmes leurs droits d’êtres humains libres. En cela, ils rejoignent les crimes de discrimination. Tous disent la supériorité de quelques uns."
[...]
"En fait, l’introduction de ce terme sert avant tout à faire prendre conscience de la
violence structurelle dont les femmes sont victimes. Parce que
c’est une certaine vision de la femme, une vision machiste et misogyne qui est derrière ces gestes."
Voilà pourquoi le meurtre d'une femme par son conjoint
est sexiste. C'est en ça qu'à mon avis on peut qualifier ce meurtre de féminicide, parce que ce n'est pas un hasard si ce sont surtout les hommes qui tuent les femmes. C'est l'idée de la femme-objet, de la femme-trophée, qui est là pour servir l'homme et lui appartenir, poussée à son paroxysme dans le meurtre de la femme qui veut être libre / qui ne convient pas au mari d'une façon ou d'une autre. C'est inscrit dans la continuité d'un système sexiste, et c'est aussi ça qu'il faut mettre en lumière pour mieux lutter contre.