@nezentrompette
hey! Il date de 2017, cet essai (qui dit adopter une perspective genre). Ceux que j'ai lus en écriture inclusive ont été publiés quant à eux en 2019 ou 2020 (c'est la collection
L'envers des Faits, dirigée par Beaud (pour le coup, il doit être plutôt vieux) (
) et Truong : il y a un engagement politique clair derrière).
Dans tous les cas, il s'agit de sociologie, et il n'ont au final que deux ou trois ans d'écart (ça veut dire que ça peut bouger vite si les maisons d'édition se saisissent de cette possibilité). C'est encore un choix militant mais je le vois dans certaines publications en ligne aussi... j'ai l'impression que ça s'accélère mais je me rends compte que c'est très orienté par mes lectures, forcément (m'étonnerait que Zemmour adopte l'écriture inclusive mais je ne vais pas aller vérifier).
Écrire autrice, je trouve ça pas si mal (franchement, lire aujourd'hui d'une femme qu'elle est "auteur", ça me fait un peu mal au cul). Et je me souviens qu'en 2016-2017, dans le cadre de mes études, j'écrivais "auteure" parce que le terme d'autrice m'était inconnu : en trois ans, je l'ai entendu et lu un peu partout (et tant mieux : "auteure" ne fonctionne qu'à l'écrit). Il n'est certainement pas employé par tout le monde et il permet sans doute à celleux qui l'emploient de se positionner (le maire de ma ville l'avait employé dans un discours, par exemple : il prenait ainsi une posture égalitaire pour 0€).
De manière un peu similaire, Annie Ernaux s'était d'abord opposée au fait qu'on parle d'auteure ou d'autrice pour la désigner avant de changer d'avis sur le sujet : les lignes bougent.
Pour ma part, je pense qu'il y a une interaction plutôt qu'un lien de causalité simple entre les deux (changement de mentalités => changement de la langue), surtout si on épouse une perspective diachronique. Je pense aux termes "cisgenre" ou "hétérosexuel" qui viennent nommer ce qui ne l'était pas auparavant car placé sous le sceau de l'évidence (pourquoi en parler, alors ?). Certaines personnes ont certes conceptualisé ces termes, mais, de mon côté, c'est la rencontre avec ceux-ci qui m'a fait réfléchir à plein de trucs. Il se trouve que j'étais plutôt ouverte à ce questionnement là (j'y aurais été rétive, j'aurais pensé qu'il s'agissait d'une nouvelle manifestation de la bien-pensance islamo-gauchiste ou que sais-je), donc la langue ne suffit pas à faire changer qn d'avis, pour sûr. Mais comment penser des choses qu'on ne peut pas dire ?
Ce que tu dis sur la réforme de l'orthographe et sa non-application me fait rire un peu jaune. On ne se prive pas de critiquer l'écriture inclusive pour sa dimension élitiste qui exclurait les personnes DYS (entre autres). Et je peux l'entendre, d'ailleurs. Mais quand je vois, d'après ce que tu écris, que personne ne semble s'en préoccuper dès lors que cela ne recoupe pas des questions de visibilisation des femmes, je me dis que ça confine au foutage de gueule.
Pour ma part, je ne pense pas que le changement ni le progrès arrivent naturellement : s'il y a des changements, c'est parce que des personnes comme toi éduquent différemment leurs enfants. Mais ces choix éducatifs n'ont rien de naturel : elles sont le fruit d'une réflexion et d'un positionnement politique au sens large. Et je t'en remercie.