Comprendre la « cancel culture », cette violence au nom d’un monde « meilleur »

13 Janvier 2011
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Je trouve qu'il a parfois ici une confusion entre ce qui relève du boycott (je ne vais plus voir ce que fait la personne voire je la bloqué sur les réseaux sociaux), ce qui relève de la critique et ce qui relève de la cancel culture, qui n'est pas seulement "canceller" = boycott + critique, mais aussi de vouloir que la personne "supprime" sa présence en ligne (voir IRL) et qui pour se faire emploie du coup des moyens très discutables.

Pour moi le boycott comme la critique sont légitimes et peuvent être très utiles, alors que forcer agressivement pour faire "supprimer", et surtout de cette manière (cyberharcèlement), c'est plus toxique qu'autre chose...
 
12 Octobre 2014
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un autre exemple qui me vient aussi, et que j'avais oublié, justement, c'est les rares témoignages d'hommes violentés par leur compagne sur le site payetoncouple où certaines personnes ont fait pression auprès des admin pour qu'elles les supprime. Et les admins s'étaient senties obligées de plier à leur demande.
Ca aussi, c'est du cancel culture.
 

skippy01

Peau lisse partout, justice nulle-part.
16 Avril 2017
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@Froggynette
Si les propos de quelqu'un nous gênent, on le lui fait remarquer, de préférence par la CNV, en n'oubliant pas de questionner nos propres à prioris. Et si les points de vue sont irréconciliables, on abandonne la discussion, le tout en se ménageant soi-même pour éviter le burn-out militant.

Par contre, taxer d'emblée la personne de "irrémédiablement problématique" juste parce qu'elle a été une fois à côté de la plaque, parce qu'elle ne partage pas notre vision du militantisme ou parce qu'on lui fait un procès d'intention sur la manière dont elle va parler de notre cause, ce n'est pas justifiable, encore moins si ça s'accompagne de harcèlement, d'appel au boycott et de silenciation, sans donner la moindre issue de secours à cette dernière. En faisant ça, on tire sur l'ambulance qui nous transporte, parce qu'à moyen-terme, c'est plus uniquement la personne prise pour cible qu'on met en danger, mais aussi toute notre communauté, donc par extension les personnes qu'elle défend, ainsi que nos libertés fondamentales. En fait, c'est littéralement notre cause qui se suicide.
 
3 Novembre 2018
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Je rebondis sur deux trois trucs qui ont été dit dans les messages précédents :

@kargole Pour ce qui est du CSA, il est franchement décrié : il est quand même "composé de membres désignés par le pouvoir politique et donc par les partis majoritaires, et pour (une bonne) partie choisis parmi l’élite journalistique et les chefferies éditoriales".

Par exemple Acrimed, En finir avec le CSA, vieil article qui explique bien le problème du CSA, ou cet article qui relaie un texte du syndicat des journalistes (sur la "légitimité" du CSA : Déontologie des journalistes, le CSA n'a aucune légitimité.)

Ton message parle des règles du temps de parole : elles ont été changées y a pas longtemps (2017), justement pour créer un déséquilibre entre les soit-disants "gros candidats" et les "petits" candidats.
Alors bien sûr les articles que je mets en lien là-dessus présente le truc positivement, hein : c'est pour "moderniser", pour adapter. Il n'en reste pas moins que le résultat est en faveur de la droite décomplexée et de la droite complexée (le PS, pour reprendre la formule de Todd, que je trouve bonne). L'explication d'Acrimed là-dessus, pour nuancer la vision de droite de ce changement :
"Concrètement, la stricte égalité du temps de parole et d’antenne ne sera désormais applicable que pendant la « campagne officielle », soit pendant les deux semaines précédant le premier tour. Pendant les trois semaines de la « période intermédiaire » [3], on aura droit au régime de l’équité, sur la base de deux critères :
- « la représentativité de chaque candidat, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent et en fonction des indications d’enquêtes d’opinion ;
- la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral. »"

Le problème (parce qu'il y a un gros problème) : c'est que le décompte par le CSA du temps de parole se fait à partir d'un certain moment dans l'élection (quelques semaines avant).
Et que les médias à la solde des financiers ont fait monter la sauce depuis longtemps pour que les candidats qu'ils veulent voir au deuxième tour aient eu beaucoup de temps de parole avant ce décompte.
Sur le sujet, y a ce très bon documentaire du journaliste Pierre Carle, DSK, Hollande etc (on le trouve en payant sur le site CP, mais l'université populaire de Bordeaux a mis la vidéo sur youtube) :


Ensuite sur faut-il interdire ou non l'expression de certaines idées ? Franchement, oui. Certaines idées doivent être interdites de presse. Pourquoi ? Parce qu'elles sont contraires à la loi. Aux US, par exemple, c'est un fonctionnement différent, mais en théorie, en France, si un parti néo-nazi tenait un discours raciste, il devrait être interdit et poursuivi pour racisme. D'ailleurs le laxisme de la justice envers certains propos me laisse penser que la loi est pas forcément toujours bien respectée.
Karl Popper en parle, c'est le paradoxe de la tolérance (on avait déjà eu une discussion sur ça sur le forum) :
"« Moins connu est le paradoxe de la tolérance : la tolérance illimitée doit mener à la disparition de la tolérance. Si nous étendons la tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas disposés à défendre une société tolérante contre l'impact de l'intolérant, alors le tolérant sera détruit, et la tolérance avec lui.
Je ne veux pas dire par là qu’il faille toujours empêcher l’expression de théories intolérantes. Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut toujours revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et [...] ne répondent aux arguments que par la violence. Nous devrions donc revendiquer, au nom de la tolérance, le droit de ne pas tolérer les intolérants. Il faudrait alors considérer que tout mouvement prêchant l'intolérance se place hors la loi et que l’incitation à l’intolérance est criminelle au même titre que l’incitation au meurtre [...]. »"
Karl Popper, « The Paradox of Tolerance », The Open Society and Its Enemies : The Spell of Plato, vol. I, Princeton University Press, 1971

Pour ce qui est d'accepter le point de vue de l'autre sans souci, c'est un privilège, et il faut bien en avoir conscience. Pouvoir dire "ok, on n'est pas d'accord, je respecte" et s'en aller, c'est quand on est soi-même pas vraiment concerné, personnellement.
Je vais donner un exemple, pour que ce soit plus clair : quand tu as un raciste qui dit à une personne racisée ses idées, la personne racisée, elle ne peut pas, humainement, juste dire "ok j'ai compris, on pense pas pareil, je respecte". Parce que certaines idées sont blessantes, dangereuses, et parfois sont, en eux-mêmes, une violence.
Pareil pour une personne qui va dire que les chômeurs sont des assistés, ou qui soutient que les handicapés sont es poids dans une société. C'est intolérable, et du coup c'est impossible de le tolérer. Pour moi c'est pas une question d'humilité ici (@Arsinoée, il me semble que tu parlais de ça). C'est une question de : est-ce que ce message est dangereux pour moi, en tant que personne de cette société, est-ce qu'il faut le dénoncer ou non ?
Je suis d'accord avec un morceau du message d'@Arsinoée : c'est plus facile de laisser des genTes non concernés, parfois, parler pour nous. C'est moins fatigant (sur madz en général c'est respectueux, mais sur d'autres forum, parler de féminisme, même un peu, c'est particulier à faire XD).

edit : orthographe et suppr de "propagande", j'ai l'impression qu'ici c'est pas exactement ça.
 
12 Octobre 2014
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@grenouilleau
Je trouve que le gros problème de cette idée, c'est quand c'est nous qui somme du "mauvais côté" de la barrière.
Imaginons qu'aux US les anti-avortements gagnent, alors ça sera "normal" chez eux d'interdire toutes les opinions pro-avortement parce que c'est contraire à la loi américaine ? Non. Et pourtant, on sait bien que de leur point de vue à eux, c'est les pro-ivg qui sont "dangereuses".
La loi ne définit pas le bien et le mal dans l'absolu.
C'est là le grand danger de cette idée, à mon avis. Et j'avoue que ça me fait peur.
Etre persuadé.e.s détenir "le bien" et opprimer des minorités à ce titre, j'ai vraiment du mal avec ça, parce que c'est la porte ouverte à tous les excès.
Ou alors, le limiter strictement à la discrimination de genre/ethnie/etc...

De plus, si on interdit tout ce qui est contraire à la loi, on empêche également la société d'évoluer.
Tous les droits des femmes qu'on a pu acquérir, on les a acquis alors qu'en ces temps-là, c'était contraire à la loi. Et parfois effectivement, il a fallu devenir violentes contre l'autorité en place.
J'avoue que je m'imagine me mettre à la place de personnes qui sont considérées comme "gênantes" (à tort ou à raison; mais parfois, à tort, en fait), et je trouve que c'est une position très violente, et qui elle non plus, ne peut être tolérée.

Tout dépend du point de vue des un.e.s et des autres. C'est vraiment à double tranchant, je trouve, parce que selon qui gouverne (et donc décide de ce qu'est le "bien" et le "mal") tout change.
Je vis en Chine et je le vis régulièrement... ici, les manifestations féministes sont considérées comme "dangereuses" et "susceptibles de troubler l'ordre public", au point où j'ai moi-même été menacée de 15j de prison si j'en parlais un peu trop...
 

skippy01

Peau lisse partout, justice nulle-part.
16 Avril 2017
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@Arsinoée Je ne pense pas que les dépénaliser résoudrait quoi que ce soit. Il suffit de voir comment ça se passe aux USA: là-bas, aucune parole n'est un délit, et pourtant, ça les a pas rendus plus tolérants.
 
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Réactions : Memïz et Cerna
12 Octobre 2014
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erf obligée de faire un double post :
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Cela veut-il dire que tu serais favorable à une dépénalisation des discours de haine ?
Hm pour ma part, je pense qu'il faudrait vraiment encadrer ce type d'interdit pour que ça fasse vraiment consensus, à des cas vraiment très définis, comme l'incitation à la haine, la discrimination, etc.
Mais même avec ça, il y a encore de quoi discuter.
Par exemple, Macron a dit à Jerusalem qu'il pensait ajouter l'antisionisme à l'antisémitisme comme opinions illégales car haineuses.
Je ne suis absolument pas d'accord avec ça. Etre contre la politique d'Israel, pour moi ce n'est pas suffisant pour interdire cette opinion. Etre antisioniste n'a rien à voir avec du racisme, de mon point de vue. C'est un problème socio-historique avant tout, même si l'article ci-dessous pointe certains dangers, mais précise bien que ces deux mots ne sont pas synonymes et que tant que ces deux notions sont séparées, être antisioniste n'a pas de raisons d'être répréhensible.
 
3 Novembre 2018
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@jorda Je pense que le relativisme a des limites (c'est pas agressif, c'est une vraie affirmation, sans agressivité dedans).
Tu prends l'exemple d'anti-IVG qui auraient gagné (l'histoire de l'occident depuis des siècles), et qui feraient interdire le discours pro-choix. Le truc c'est que dans cette configuration, il y a des mortes.

Un discours de haine qui aurait gagné, ça a déjà existé "en vrai" : le nazisme est un exemple, y en a pleins d'autres.

Toutes les idées ne se valent pas, dans le sens où certaines entraînent des morts et des guerres. Certaines sont dangereuses pour l'être humain. On peut pas faire du relativisme total. L'idéologie néo-nazie et ses déclinaisons (racisme) est dangereuse pour les hommes.
L'eugénisme par exemple, ça en fait partie aussi.

J'ai pas l'impression que les pro-choix, pour reprendre ton exemple, ont causé des morts.
Pareil pour le féminisme : j'ai pas vu que le féminisme causait des morts, c'est un mouvement extraordinairement pacifique.

@Arsinoée On est pas d'accord là-dessus. Si je suis racisée et qu'un raciste vient me dire que je suis une sous-humaine, je ne vois pas comment je pourrais le prendre avec détachement.
L'humilité, c'est quand même, selon le dico CNRTL "Disposition à s'abaisser volontairement (à faire telle ou telle chose) en réprimant tout mouvement d'orgueil par sentiment de sa propre faiblesse"
L'autre définition, c'est "Grande déférence (à l'égard de quelqu'un)."
Et la déférence, c'est (toujours CNRTL) "Considération respectueuse à l'égard d'une personne, et qui porte à se conformer à ses désirs et à sa volonté"

Pourquoi partir du principe que dans un débat, on doit "s'abaisser volontairement", avec une "grande déférence" à l'égard de son contradicteur ? Pourquoi partir du principe qu'on devrait se conformer aux désirs et volontés des autres, sans justification aucune ?

Un synonyme d'humilité, c'est "effacement" (Larousse). Je trouve ça bizarre de vouloir s'effacer, quand on a des idées, qu'on y a réfléchi, qu'on a des éléments qui appuient notre raisonnement. Il faut aussi avoir confiance en soi, en son intelligence. Si tu as réfléchi à un truc, et que la personne en face ne donne pas des bons arguments, pourquoi vouloir lui donner raison à tout prix, sacrifier pour rien son propre raisonnement sur l'autel d'une valeur morale, l'humilité ? C'est comme ça que je vois la question.
 
12 Octobre 2014
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J'ai pas l'impression que les pro-choix, pour reprendre ton exemple, ont causé des morts.
Pareil pour le féminisme : j'ai pas vu que le féminisme causait des morts, c'est un mouvement extraordinairement pacifique.
Pour les pro-choix : du point de vue des anti-choix, il y a des morts. Faut pas oublier non plus qu'ils voient les choses comme ça. (comment l'oublier d'ailleurs, quand certaines personnes ne se gênent pas pour le balancer à la tête de tellement de femmes).

Pour le féminisme : certaines réactions pour nier les minorités victimes parce que "pas systémiques", c'est très violent aussi, et certaines personnes se sont suicidées / ont tenté de se suicider en partie à cause de ça (mon ami a fait une tentative de suicide en partie pour cette raison l'an dernier). Le féminisme se veut pacifique; et pourtant Madz s'est fait menacer de se faire brûler leurs locaux car elles ont "osé" parler de ce sujet et que ça n'a pas pu à des personnes se revendiquant pourtant féministes.
EDIT : pour mettre au clair : j'accuse pas le féminisme en tant que mouvement, je m'en revendique moi-même, mais je pointe certaines personnes s'en revendiquant et ayant un comportement toxique.

Je sais pas si toutes les idées se valent ou non, mais le point de vue me semble important aussi, de même que "qui" adopte ce point de vue...

Je pense que le relativisme a des limites (c'est pas agressif, c'est une vraie affirmation, sans agressivité dedans).
Aucun problème :)

EDIT : par contre, il me semble vital effectivement de continuer à garder punissable des propos haineux, que ce soit envers le genre ou l'ethnie par exemple. Ca me semble normal.
Mais il ne faut pas non plus prendre le risque que ça glisse vers d'autres notions qui seraient plus discutables/débattables.
 
Dernière édition :
3 Novembre 2018
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@jorda Tu as des preuves que des femmes féministes ont mis le feu aux locaux du journal ?

Et pour ton ami, puisque tu amènes le sujet sur la table je suis obligée d'y répondre (je vais essayer de pas être blessante, ça doit être un sujet sensible) : je sais que c'est un problème qui te tiens à cœur (et avec raison) mais c'est pas des féministes qui ont tenté de le tuer, si j'ai bien compris ? Tu disais sur d'autres fils qu'il avait des conflits violents et physiques avec son amie ?
Ça m'a l'air compliqué d'accuser le mouvement féministe ici. J'ai pas toutes les infos, donc bon, mais là ça me convainc pas.

edit : @jorda pour les anti-choix : ce dont on est sûres, certaines, c'est qu'il y a des mortes chez les femmes quand l'IVG est interdite. Pour le reste, on est exactement dans du débat d'idées sans preuve convaincante. On a des croyances d'un côté, et de l'autre des mortes.
 
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