Je me demande quoi penser à propos de ceci...
Quelqu'un a enfin été nommé à la direction de l'école (ancienne, parisienne, prestigieuse...) où j'étudie : pour la toute la première fois, il s'agit d'une femme. Je passe sur les rumeurs qui circulent comme quoi elle a été choisie PARCE QU'elle était une femme et que l'institution voulait se donner une image plus moderne, et non en raison de ses réelles capacités. Aussi sur le fait qu'on récrimine après qu'elle est davantage "administratrice" que "spécialiste de ce qui est enseigné dans cette école", tiens donc comme par hasard (elle sera incapable de mener une vraie politique culturelle d'établissement et gnagna... Ben ouais elle va faire cavalier seul et ne pas travailler en lien étroit avec les responsables de départements et l'équipe pédagogique peut-être ? Mais bon c'est sûr que comme elle est une femme hein ça augmente vachement les chances qu'elle mène tout le monde dans le mur) (ça m'énerve infiniment, mais au fond je n'ai pas tellement d'arguments sur la question, et peut-être qu'il y aurait eu les mêmes inquiétudes avec un homme à compétences égales...)
Mais venons-en au cœur du sujet. Il se trouve que cette femme a de grandes dents.
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Elles sont bien visibles sur l'image qui accompagne l'article annonçant sa nomination parce qu'elle affiche un large sourire. Sous les diverses publications relayant cette info, les commentaires portent donc quasi exclusivement sur la taille de ses dents : du comique "il fallait vraiment qu'elle ait les dents longues pour arriver jusque là" au très classe "putain les chicots qu'elle se paye" en passant par le subtil "avec des dents comme ça, ce sera toujours le bonheur". Commentaires tous émis par des hommes, de ce que j'en ai vu.
Non seulement, en toute bonne foi, je trouve ça pas drôle du tout, mais en plus je ne peux pas m'empêcher de penser que ce sont des réactions d'ODIEUX CONNARD. C'est tellement dégueulasse, de déblatérer sur le physique d'une femme qui a eu la volonté, la force, le cran d'atteindre une fonction jusqu'ici soigneusement tenue hors de portée de son genre (le concept me choque encore plus à l'écrit... mais WTF
) ! C'est rabaissant, injurieux, infantilisant, ça me file la gerbe, voilà.
MAIS : je n'ai pas non plus envie qu'on lui témoigne une déférence particulière parce qu'elle est une femme. Je voudrais qu'on se réjouisse de sa nomination en tant que personne apte à diriger cette institution, point barre. Des gros cons, il y en partout : établir une censure à la connerie seulement dans le cas où l'objet des moqueries est une femme, quelque part c'est aussi asseoir une inégalité, et normaliser l'idée qu'une femme est forcément plus méritante d'arriver à ce poste qu'un homme : or, elle ne devrait avoir à l'être.
Certes, à grande échelle l'égalité hommes femmes est plutôt en train d'avancer, même si ça va pas assez vite et pas assez loin. Mais le contre coup, c'est qu'on se retrouve dans une espèce d'étape intermédiaire nauséabonde où on sait plus trop s'il faut dénoncer systématiquement tout comportement problématique pour continuer à faire prendre conscience du problème, ou les encaisser en serrant les dents, en faisant mine de les mettre sur le compte de la connerie individuelle pour éviter de se faire coincer dans l'argument de la victimisation qui dessert la cause.
Le pire, c'est que les auteurs des commentaires que je cite sont tous universitaires ou artistes, le milieu par excellence dont on s'attendrait à ce que les membres soient sensibilisés à la question. Et je suis persuadée qu'en postant leur commentaire, ils pensent justement que leur sensibilisation à la cause les autorise à faire du second degré dessus... Sauf que, putain, NON ! On peut pas faire comme si le sujet était réglé, il est loin de l'être, et le penser c'est faire injure à toutes celles qui en sont encore victime au quotidien.
Bref. Ce que je voudrais c'est qu'on saute direct à l'étape suivante : tout le monde a capté que l'égalité c'est pas juste quand la moitié est égale, et que ce genre de questionnement ne soit même plus imaginable. Là éventuellement, on verra pour le second degré.
Je me demande... ça viendra un jour ?