Un autre risque à la paye au rendement, concernant les métiers exigeant une force physique.
Pour l'exemple, j'ai travaillé en tant que manutentionnaire, et j'étais un peu plus lente que d'autres collègues. Mon collègue de 90kg de muscles pouvait porter 50kg de cartons d'une traite sans sourciller. Pour ma part, c'était impossible (c'est mon poids), donc je décomposais ça par tranches de 20kg. Alors évidement je me dépéchais pour rattraper mon retard, mais il n'empêche qu'au final j'étais quand même moins rentable (à effort physique égal, voir supérieur vu que je me fatiguais à me dépêcher).
Donc ça m'aurait clairement gênée d'être moins payée que lui, alors qu'à la base on ne partait pas sur un pied d'égalité.
J'ai eu un autre boulot par contre où j'étais plus "efficace" que mes collègues (je faisais le taf en 3h30, elles en 7h), mais je n'ai jamais rien dit car sinon je sais que l'employeur leur aurait mis une pression supplémentaire pour qu'elles bossent plus rapidement, et je n'avais pas envie de leur rajouter du stress (sachant que certaines avaient des enfant - donc fatigue ++, venaient à pieds le matin - moi j'étais véhiculée, n'étaient pas aussi nerveuse que moi par nature...). Travailler au rendement comporte aussi l'idée de pénaliser les autres vu que nous n'avons pas tous les même clefs en main à la base, et c'est ça qui me gêne.
Après bien évidement, ça dépend de la profession, mais dans les professions demandant un faible niveau de qualification, on n'est clairement pas gagnant à travailler ainsi (vu que dans trop d'entreprises le temps de travail est déjà réduit jusqu'à pousser les employés dans leurs retranchements). Par exemple en conditionnement ou en restauration rapide, il n'y a pas d'autre choix que de travailler au rendement max, et clairement ce n'est pas plus épanouissant (pour ce que j'en ai vu), et je pense qu'on aurait tout à gagner à laisser les employés souffler un peu.
Autre truc qui me gène beaucoup : la prime au rendement. J'ai vu des entreprises dans lesquelles elle entraînait de grosses dérives. Car elle se transformait souvent en "prime à la bonne conduite" : c'est à dire que l'employé qui osait émettre l'hypothèse de vouloir se syndiquer, ou tomber malade dans le mois, voyait sa prime largement diminuée (voire oubliée), peu importe la qualité de son travail. Et ce n'est pas si marginal que ça malheureusement.
Je pense aussi aux professions commerciales, où ça m'a l'air de fonctionner beaucoup au rendement : concrétement comment ça se passe pour les employés ? Est-ce réellement satisfaisant / épanouissant au long terme ? Je ne connais pas ce domaine (j'ai juste connu quelques personnes qui ont bossé pour France Loisirs & co et qui m'ont dit que c'était épuisant psychologiquement, mais ce n'est pas représentatif de l'ensemble, donc je m'interroge sur les répercussions au long terme d'un tel mode de fonctionnement).
Par contre, je sais qu'il est extrêmement frustrant de devoir se brider lorsqu'on travaille dans un domaine (ou sur un projet) qui nous plaît, de se sentir ralenti par les autres. Moi même je ne supporte pas de perdre du temps avec une organisation hasardeuse. Mais je pense que la réflexion sur le rendement doit se faire avec énormément de précautions, et être très encadrée, notamment pour les travailleurs précaires, à qui on met déjà beaucoup de pression avec ça.