Désolée je n'ai pas rattrapé donc j'arrive peut-être comme un cheveu sur la soupe...
Mais il y a un type de situation que je trouve absolument insupportable, parce que c'est à mes yeux profondément illogique.
C'est le décalage qu'il peut y avoir dans l'intensité de la conversation que l'on entretient avec une personne selon les contextes.
Par exemple, parfois, je suis dans un contexte de groupe (une soirée, la fac, un cours, un repas...). Dans ce contexte collectif, il y a une personne en particulier dont je me sens proche, avec laquelle j'ai une grande complicité. Je trouve que ça se "sent" : on se comprend, on a des points communs... Bref, on est sur la même longueur d'onde et on a l'impression qu'on pourrait refaire le monde à nous deux. Dans ces situations là, de groupe, je n'ai qu'une envie : me retrouver seule avec la personne pour pouvoir "enfin" discuter tranquilles.
Et puis vient le moment où le groupe se dissout, et où on ne se retrouve plus que tous les deux. Ce moment, je sens qu'on l'a tous les deux escompté. Et bien parfois il arrive que, une fois que je suis seule avec la personne, une fois la conversation individualisée (elle n'est plus "une petite conversation au sein d'une grande" mais "une conversation à part entière"), on agisse comme si on n'avait rien à se dire.
Je trouve ça terrible et frustrant : tu sais que tu as d'énormes atomes crochus avec la personne, tu as des conversations passionnantes et stimulantes avec la personne "quand il ne faudrait pas", "quand ce n'est pas le meilleur moment", et quand vous vous retrouvez enfin en tête en tête, donc a priori dans les meilleures conditions pour dialoguer "en paix", vous ne trouvez plus rien à vous dire et vous vous balancez des tissus de généralités dont vous-même vous foutez totalement. Enfin moi, je m'en fous, et du coup je me demande si la personne ressent la même chose (la même sensation qu'on est en train de combler le silence et qu'on passe à côté de l'essentiel, alors qu'on aurait tellement plus passionnant à se dire) ou si c'est juste moi qui avait idéalisé les conversations que je pouvais avoir en seul à seul avec cette personne. À moins que ce ne soit révélateur d'encore autre chose : mon dégoût profond pour le small talk, surtout avec les gens que j'estime et que j'aime. Donc, ça traduirait une sorte d'exigence chez moi en matière de discussions. Et dans ce cas (je crois que cette hypothèse est très probable...) je suis mal barrée parce que toute relation est faite d'un minimum de small talk je crois. C'est le jeu...
Mais bon, toujours est-il que c'est paradoxal, et ça me tue. C'est comme si, une fois qu'on se retrouvait à deux, on feignait encore d'attendre le bon moment pour se parler, de repousser la discussion intéressante en s'attardant sur des trucs barbants. On a des milliards de choses à se dire, et c'est comme si on fuyait le moment où on se les dira, comme si on sacralisait tellement l'hypothétique conversation passionnante qu'elle finit par ne pas avoir lieu.
En fait non seulement je ne supporte pas ce phénomène, mais en plus j'ai beaucoup de mal à me l'expliquer. D'habitude je trouve toujours quelques hypothèses, mais là... C'est quoi ?
Est-ce lié à la relation particulière qui unit les deux personnes, qui se "plairaient" peut-être (amicalement, sentimentalement, physiquement ou je ne sais quoi) trop pour "oser" se dire seules à seules ce qu'elles n'ont pas de mal à se dire dans le contexte "débridé" du groupe ? Donc ça manifesterait de la gêne, une sorte d'intimidation mutuelle ?
Est-ce que, toujours si on regarde le rapport particulier entre les deux individus, ce genre de paradoxe illustrerait la mythification de l'autre, l'idéalisation ? Vu comme ça, on préfèrerait rester sur l'idée qu'on
pourrait avoir des discussions passionnantes plutôt que de les mettre effectivement en pratique, de peur d’être déçus si ces discussions avaient lieu ?
Ou alors c'est représentatif d'un mal qui touche tous les rapports humains, et qui nous empêche de dire les "vraies" choses, celles qui ont de la valeur, au moment où elles pourraient être dites ?
Je voudrais trouver un remède contre ça parce que je trouve que ça laisse un sentiment d'inachevé vraiment dérangeant.