@Clematis
S'il convient de distinguer les classes sociales les plus privilégiées des autres, je pense qu'il est aussi pertinent d'opérer des distinctions au sein des moins riches que les riches.
Si la classe moyennes est une catégorie assez floue, il est indéniable qu'une partie de la population (14% de la population française actuelle) est pauvre (vit sous le seuil de pauvreté) et n'y appartient donc pas.
Et, comme disait
@Nastja, ça implique de ne pas pouvoir épargner mais de tout devoir dépenser tout de suite (et parfois d'épargner en nature : avoir un frigo et un frigidaire plein, ainsi qu'un placard avec des vêtements d'avance, c'est une sorte d'épargne, mais qui n'est pas prise en compte).
Mais, et de manière quasiment aussi importante, ça implique que le regard porté sur soi est différent. On se gêne rarement pour stigmatiser les pauvres et on critique facilement la manière dont iels gèrent le peu d'argent qu'iels ont à disposition ("ils vivent des allocs mais tous leurs gosses portent des Nike", "Regardez, les régugiés syriens ont des smartphones! C'est donc qu'ils ne vont pas si mal", etc.).
Et cela n'est pas sans conséquences sur leurs actions : si on sait que notre banquier nous regarde de haut parce qu'on est souvent dans le rouge, on ne va pas avoir le réflexe de lui envoyer un mail pour lui demander un geste commercial (ce que font certaines personnes de mon entourage sans souci, et elles ont bien raison -mais ça demande des ressources culturelles (savoir rédiger un mail) et matérielles (avoir un forfait internet) que tout le monde n'a pas, et aussi le fait que l'événement reste exceptionnel). Et ça explique en partie pourquoi certains ménages se tournent vers des crédits à la consommation ou des crédits revolving qui les mettent dans l'embarras : parce qu'on ne veut pas leur prêter d'argent à des conditions moins désavantageuses.
A contrario, l'épargne, que peuvent se permettre les classes moyennes, est bien vue. Pareil pour leurs dépenses non-contraintes (il est bien vu d'aller au cinéma ou au théâtre, moins d'amener ses enfants au McDo) et leur manière de dépenser leur argent en général (achat d'une maison...).
Denis Colombi, dans son livre
Que devient l'argent des pauvres (auquel j'emprunte toutes les choses un tant soi peu précises que j'ai pu écrire) note que s'il y a des pauvres, c'est aussi parce que leur existence profite à d'autres.
Et contrairement à ce qu'on se dit souvent, il ne s'agit pas simplement des plus riches qui exploitent les plus pauvres. Il reprenait l'exemple des nounous d'origine étrangères employées par les familles parisiennes dont les deux conjoints travaillaient (
Qui gardera nos Enfants ? de Caroline Ibos). Si ces ménages sont indéniablement privilégiés, ils ne font pas partie des super riches pour autant. On peut ajouter le développement de métiers du care et de services (aide-ménagère, femme de ménage...) où les bas salaires profitent au personnes qui ont recours à ces services (qui donnent aussi droit à des réductions d'impôt). Là encore, il s'agit de privilégiés, mais pas de millionnaires. Pareil pour les personnes qui louent des logements insalubres à des sans-papiers/celleux qui ne peuvent pas se permettre de chercher mieux : il y a des riches, mais pas que.