Bonjour! Je ne sais pas si je vais encore beaucoup poster sur ce sujet; j'ai peur d'avoir blessé des madz et surtout ma vie ne me donne plus trop l'énergie qu'il me faut pour y répondre convenablement. Néanmoins je suis partie en cours de discussion comme ça, et ça me tourne dans la tête quand même depuis plusieurs jours, alors je voudrais quand même faire une dernière réponse
voilà voilà.
Je ne suis pas contre l'avortement. Je m'excuse si mon vocabulaire dans les messages précédents a pu blesser des madz; ce n'était pas mon intention. Je fais en fait une différence entre les interruptions de grossesse parce que la grossesse en elle-même n'est pas souhaitée (quelle qu'en soit la raison: cela inclut aussi les cas de viol que tu mentionnes
@esky : l'ivg n'est pas dûe à des particularités du foetus, mais aux circonstances de sa conception, où rien n'a été voulu (c'est un euphémisme)), les interruptions de grossesse parce que la grossesse elle-même met en danger la santé de la personne gestante, et les interruptions de grossesse dans les cas où la grossesse a été voulue mais le foetus en train d'évoluer n'est pas comme on le voulait.
C'est ce dernier point qui me gêne, en soi: ça me dérange profondément qu'on puisse choisir si un foetus est ok ou pas ok, surtout quand ce choix est fait en fonction de ce qu'on projette, de quel enfant va naître si on poursuit la grossesse - ces interruptions de grossesse sont motivées parce qu'on veut un enfant, oui, mais on ne veut pas l'enfant qui va naître à la suite du développement de ce foetus-là. Pour moi, c'est quelque part choisir un enfant, ou plutôt le type d'enfant qu'on veut - d'où mes emportements émotionnels: ce n'est pas tant parce que le foetus est en vie ou non, mais parce que ce raisonnement montre un choix de ne plus se projeter comme parent plutôt que de se projeter comme parent avec un enfant qui ne convient pas aux attentes. Certaines de ces interruptions de grossesse sont déjà interdites (par exemple, il est interdit d'avorter à cause du sexe du foetus); je suis tout moralement gênée de voir qu'il n'y a pas de rejet similaire à l'idée d'avorter un foetus qui présente le développement d'un handicap, et que ce soit proposé volontiers.
@just_in_case c'est pour ça que, par exemple, le dernier message que tu m'a fait (et que je cite ci-dessous pour plus de clarté) ne me convainc pas. Le raisonnement que tu tiens envers la justification d'avortement de foetus handicapés, je crois que tu ne le tiendrais pas envers la justification d'avortement de foetus de sexe féminin. Et pour moi, quelque part les deux situations sont suffisamment similaires pour que ce soit comparables sur ce point-là.
Donc ce qui te dérange, ce n'est pas l'avortement (j'espère) mais bel et bien le critère (foetus handicapé) que tu estimes être une raison illégitime pour avorter.
Et bien... les personnes qui décident des critères légitimes pour avorter peuvent aussi me dire que selon eux, je suis hétéro et en couple alors je devrais avoir un enfant même si je n'en veux pas. Que si je ne prenais pas de contraception alors je devrais garder le bébé parce que c'était ma faute. Que si j'ai 16 ans tant pis pour moi, j'ai qu'à assumer.
Ce que je veux dire, c'est qu'on peut toujours critiquer les raisons d'avorter de quelqu'un ou les trouver illégitimes. Mais ce n'est pas à nous d'en décider. C'est à la personne enceinte. Mon corps, mon choix.
Ce serait pas un peu absurde et totalitaire de refuser l'avortement à une femme qui ne souhaite pas un bébé handicapé ? Au nom de quoi on lui dirait "ah non on trouve pas ça cool de ta part de ne pas vouloir d'un bébé handicapé donc on va te forcer à le garder, même s'il n'est pas désiré" (tout en sachant que la situation peut être très difficile et que c'est donc bien hypocrite de ne pas voir pourquoi beaucoup n'en veulent pas)
.... Allo ? On s'est battues pour avoir le choix. Vous trouvez peut-être qu'avoir un foetus handicapé n'est pas une raison valable pour avorter, mais les 96% de couples qui avortent des foetus trisomiques en décident visiblement autrement. Ils ont fait leur choix, et honnêtement je pense que même si on augmentait les aides aux personnes handicapées ça ne changerait pas grand-chose. C'est peut-être triste oui, je comprends très bien que ça puisse choquer. Mais c'est un choix qu'on doit respecter. On ne peut pas forcer les gens à vouloir un bébé handicapé. C'est tout. Et si vous essayez de forcer les choses, vous allez obtenir quoi ? Davantage de malheur, de bébés non désirés voire abandonnés parce qu'ils sont handicapés. Vous trouvez peut-être l'avortement moche, mais ça permet d'éviter ça.
La comparaison avec les foetus qu'on avorte à cause de leur sexe ne convient pas, je trouve, parce que ces foetus donnent naissance à des filles en grande majorité, et que ça ne demande pas d'aménagements particuliers comme pour les handicaps; aussi parce qu'en soi naître avec un vagin n'amène pas de problèmes intrinsèques. Naître handicapé amène des difficultés parfois très grandes (comme le mentionne
@adita ) et être parent d'un-e enfant handicapé-e peut être tout aussi difficile à vivre. C'est pourquoi je trouve qu'il n'est pas sain et pas juste de juger le choix des individus qui sont amenés à avorter un foetus handicapé; généralement, c'est tout simplement pas possible à vivre comme situation.
Mais ça m'embête que ça soit inconcevable. Par exemple, pour la trisomie 21, ça m'embête qu'on connaisses tous-tes le fait que si on est en grossesse d'un foetus trisomique, on puisse l'avorter, mais qu'on ne connaisse pas bien ce qu'il faut pour élever un enfant trisomique si le choix de continuer la grossesse est pris; ce que décrit
@Maia Chawwah je le trouve terrible, et je trouve terrible qu'au final des enfants souffrent parce qu'il a fallu se battre contre l'état pour s'occuper convenablement de leur handicap, et que ces batailles ont été perdues. J'ai aussi beaucoup l'impression qu'avec la possibilité de l'IMG de certains handicaps, la recherche d'une façon de les guérir s'arrête ou se ralentit grandement (je voulais faire des recherches pour confirmer cette impression, mais je n'en ai pas l'énergie, pardon). Tout ça (le manque de moyens et le parcours du combattant à suivre pour s'occuper de ces personnes handicapées, la recherche qui se tarirait, le fait qu'on est bien informé-es sur l'avortement médical mais pas sur la manière de prendre soin d'un enfant handicapé, ou de comment sera sa vie, ou de quoi ça implique tel ou tel handicap) ça me donne l'impression que la société penche la balance en faveur de l'avortement de ces foetus plutôt que dans la continuation de ces grossesses; et qu'avec l'introduction de ces IMG on en arrive à une situation où l'avortement est l'unique solution convenable, ou vivable. (Attention, je ne dis pas non plus que cette situation a été orchestrée par un groupe d'influents validistes; je pense que c'est une situation qui est née de tout un tas de petit choix sociaux qui ont tous penchés vers le plus facile, en un sens, le plus économique, le plus simple à vivre.)
(Je crois aussi que d'un point de vue personnel l'IMG me fait peur; parce qu'étant probablement autiste ou en tous cas connaissant plusieurs personnes autistes, je constate qu'au-delà des difficultés que cela amène (difficultés qui sont réelles) l'autisme une façon de penser et de concevoir le monde et les relations sociales assez distinctes et participe à qui est la personne, en un sens, à sa personnalité? Et je constate qu'il en est de même pour plusieurs autres handicaps, dont notamment la surdité, handicap qui a créé une culture spécifique à la communauté sourde et qui donc affecte les gens grandissant dedans (ça marche différemment de l'autisme, c'est extrinsèque à la personne ça, mais voilà) et j'ai parfois l'impression que face aux difficultés que rencontrent ces personnes on en vient à balayer ces spécificités et ces caractéristiques propres.)
Je trouve aussi que toute la discussion autour de la naissance de Gauvin soulève des questions intéressantes. Avec cette discussion je ne peux m'empêcher de penser que s'il avait été né dans un couple hétérosexuel sourd normal, si l'homme qui a fourni le sperme avait aussi été marié à sa mère gestante et été son père, sa naissance et son existence auraient été un non-événement total. Le coeur de la polémique tourne autour, non pas tant des circonstances de sa naissance mais du fait que ses parents voulaient un enfant sourd, parce que sourdes elles-mêmes, avec une famille déjà composée de membres exclusivement sourds, et bien intégrées dans la communauté sourde elles se disaient qu'elles étaient le plus à même de rendre heureux un enfant sourd. Du coup, ça me pose beaucoup de questions: est-ce que le handicap influe forcément sur la possibilité à être heureux? Est-ce qu'un enfant valide a plus de chances d'être heureux dans l'absolu? Est-ce que c'est vrai mais seulement de manière conditionnelle ? Est-ce que dans certaines situations précises (dont celle-là) un enfant handicapé n'aurait pas eu plus de chances d'être heureux qu'un enfant valide? (Je ne me prononce pas sur cette question; mais c'est la réflexion qu'ont eues ses mamans.) Est-ce qu'il vaut mieux laisser les parents faire ce qu'iels désirent ou est-ce qu'il vaut mieux avoir un droit de regard sur la conception de ces enfants? (Et si droit de regard, comment le faire, quelles conditions, quelles interdictions, comment est-ce décidé?) Faut-il se prononcer sur l'intérêt d'autrui, et si oui, comment être sûr-es qu'on fait le bon choix? Comment peut-on être sûr-e d'être juste? Enfin voilà, il y a d'autres questions qui me viennent mais je n'arrive pas à bien les formuler. En tous cas je trouve que ce n'est pas facile.