(Je le trouve bien ce topic, parce que ce que j'ai à dire n'est pas une lamentation pure et dure, ni un défoulement, c'est juste que j'ai le c?ur lourd à cause de ça et j'aimerais bien vider mon sac sans pleurer ni m'énerver
)
C'est parti pour le roman :
En fait cette aprem j'ai vu An American Crime, et depuis j'arrête pas de penser à quand j'étais en Malaisie. Je suis restée deux mois dans une famille très riche, qui avait une maid indonésienne. Les mecs de la famille était absents la plupart du temps, alors on vivait à quatre filles et deux chiens.
La mère était assez space, elle croyait tout le temps que les gens du quartier espionnaient la maison (qui par ailleurs était limite un fort). Et elle arrêtait pas d'essayer de me faire casser avec mon copain de l'époque et tous mes amis (musulmans) parce qu'elle pensait qu'ils essayaient de me 'recruter'. Elle a fini par me virer de chez elle à cause de ça.
La fille avait 14 ans et elle était raciste envers les Indonésiens ("des animaux"), les Malais ("idiots"), les Indiens ("ils puent")... par contre, elle vouait un culte aux blancs. Elle prenait des photos de moi tout le temps (même quand je dormais) pour les montrer à ses copines et me harcelait pour que je ramène mes copines 'blanches' à la maison.
La maid avait 19 ans (moi 17), elle s'appelait Su et on s'entendait vachement bien. On discutait tous les soirs, et on rigolait bien... on a appris le malais ensemble en fait :
: (l'indonésien et le malais ne sont pas exactement pareils).
Elle était venue bosser en Malaisie pour gagner du temps avant de devoir se marier. Ça faisait deux ans qu'elle y était, il lui restait un an.
Mais la famille la traitait comme un chien. Un chien bien traité, mais un chien quand même. Elle se levait super tôt et passait la journée à bosser. La fille gardait son téléphone (pour pas qu'elle appelle sa famille) et répondait aux sms à sa place (genre y avait un mec qui voulait sortir avec Su, Su voulait pas, et la fille renvoyait des messages disant qu'elle rêvait de lui, etc).
Tous les matins Su devait réveiller la fille, ça se passait comme ça : Vers 7h elle passait une première fois, se prenait un oreiller ou une peluche dans la figure. Elle descendait préparer le p'tit déj de la fille (des pancakes, rien que ça), remontait avec un verre d'eau, se faisait crier dessus. Su redescend, installe les pancakes dans une assiette.
La fille descend, goûte les pancakes, hurle après Su parce qu'ils sont pas assez bons et éventuellement lui en jette un ou deux à la gueule, ou par terre. Puis elle part.
Y avait des tas de trucs comme ça : un grain de poussière, une trace de doigt, une peluche à droite et pas à gauche, et Su se faisait hurler dessus pendant dix minutes.
Tiens, et Su avait une allergie au poisson. La famille en bouffait tous les jours, et lui faisait éplucher les poissons alors que ses mains étaient toutes boursouflées, brûlées ou je sais pas quoi... en général quand la mère et la fille étaient pas là je venais les éplucher à sa place, et je lui achetais des crèmes pour la peau, mais c'était chaud. Si c'était mal fait la fille jetait ses couverts à la figure de Su.
Une fois il s'est passé un truc vraiment horrible : En tant que musulmane, Su ne devait pas toucher les chiens, en particulier leur salive (c'est comme les porcs : impur, quelque chose comme ça). La fille le savait, mais un jour je suis rentrée de l'école pour trouver Su en train de pleurer et de se laver les mains frénétiquement, elle était limite hystérique.
La fille lui avait fait brosser les dents de ses chiens. Avec son doigt.
J'ai voulu aller engueuler la fille (j'en reviens toujours pas d'un tel degrès de cruauté), mais Su m'a supplié de ne pas le faire, parce que si j'engueulais la fille, la fille ne m'aimerait plus, et si la fille ne m'aimait plus la mère m'aurait renvoyé et Su se serait retrouvée de nouveau toute seule.
Et puis la mère aimait pas que je sois proche de Su. Elle disait que Su était assez 'chaudasse' et qu'elle draguait les mecs du quartier : or je savais que c'était la fille qui racontait ça. Et c'était faux.
Et encore, ça c'était rien. La bonne de la maison d'en face était à peine nourrie (les patrons avaient cadenassé les placards, et Su lui passait de la nourriture par dessus la grille), devait avoir le crâne rasé, etc.
Et une amie à moi m'a raconté que la maid de chez elle avait des traces de brûlures sur les bras parce que la mère de la famille avait la sale habitude de jeter des aliments dans l'huile bouillante quand la maid était à côté.
(Cette maid s'est enfuie avec tout l'argent qu'elle a pu trouver dans la maison, et des vêtements de mon amie)
Enfin bref, ça me travaille. Je sais si j'ai fais ce que j'aurais du, je sais pas si j'aurais du en faire plus, je sais pas. J'aurais peut-être du en parler?
En même temps Su voulait pas que j'en parle, et moi je voulais pas que la mère me renvoit... Je suis tombée sur un article sur les "p'tites bonnes indonésiennes" dans Le Monde, y a pas longtemps. Je sais pas si j'aurais du en faire plus.
J'avais l'adresse de Su et je devais lui écrire une lettre en rentrant. Une fois rentrée en France j'ai écris une longue lettre, mais impossible de retrouver le papier sur lequel j'ai noté son adresse
Elle doit croire que je l'ai oublié. Alors que non, elle me hante.
Du coup j'ai le c?ur lourd, voilà.