Ah mais je suis bien d'accord avec toi. Quand je traduis des trucs sur Gengo, je refuse de traduire des textes qui pourraient être confiés à des traducteurs professionnels. Je traduis des menus d'applications, des avis sur des sites pourris, des bouts par ci par-là, mais jamais quelque chose qu'on aurait pu filer à une agence. Autre écueil notable: si Gengo paie quand on a effectué des traductions, ce n'est pas forcément le cas de certains Clickworker et autres Textmaster où tu bosses vraiment gratis, pour le coup.
Et puis moi je veux bien suer pour passer par une vraie formation de traduction, j'ai bien voulu aller étudier la traduction à l'étranger, j'ai bien voulu me lancer dans une troisième langue pour la rajouter à mes langues de travail, je veux bien tenter des concours à la noix où une bonne partie de la promo est constituée de professionnels déjà installés qui voulaient juste rajouter une ligne à leur CV aux dépens des jeunes qui eux ont un besoin vital de formation. Il me semble que je fais preuve de pas mal de bonne volonté, sauf que c'est pas la bonne volonté qui va payer un ordinateur pour prendre des notes en cours et travailler à la maison, ni fournir des références ou prouver une expérience sur un CV, ni remplir le frigo le 15 du mois.
Parce que si je n'avais pas arrondi mes fins de mois avec des bricoles traduites en ligne, bien que sous-payées, je n'aurais pas pu acheter d'ordinateur pour continuer à prendre mes cours quand le mien m'a lâchée, je me serais retrouvée dans le rouge dès le 15 de chaque mois pendant toute l'année universitaire. Les seuls sous que je gagne de façon absolument réglo, c'est à mon boulot d'hôtesse. J'ai fait cinq ans d'études, je suis compétente dans mon domaine, et je suis hôtesse d'accueil. Y'a pas de sot métier, mais ce qui est sot c'est de faire des études pour rien.
Parce que pour décrocher un travail de traduction, et même pour intégrer certaines formations, on va exiger que tu aies une expérience professionnelle dans ce domaine. Donc oui, je ramène de l'eau au moulin pour une pratique condamnable, et je le sais. Le jour où j'aurai un contrat de travail dans la traduction, j'arrêterai. Mais est-ce que les professionnels qui s'inquiètent tant du tort que leur causent ces pratiques se sont demandé pourquoi on s'y adonne ? Est-ce qu'il a été envisagé, un jour, de rassembler des traducteurs généralistes pour établir un système qui facilite l'insertion professionnelle des jeunes traducteurs ?
Je traduis, occasionnellement, pour Gengo parce que ce sont les seuls qui acceptent de me faire travailler, alors que je suis compétente.
Accepter du travail sous-payé, oui, c'est mal. Mais quand l'alternative c'est pas de paie du tout, c'est très difficile de faire la fine bouche. Tant qu'on ne protègera pas les jeunes traducteurs, ils continueront d'être tentés par ces pratiques, c'est vraiment malheureux, mais c'est comme ça.
(Bon et puis il n'y a pas non plus tant de souci à se faire, la qualité des traductions Gengo est quand même très limitée. Je vois parfois passer des boulots d'autres traducteurs et c'est très moche. Moi-même, j'effectue le travail qui correspond au tarif, si on me payait plus, je ferais du meilleur travail, car je considère que si le client veut une traduction impeccable, il n'a qu'à aller voir une vraie agence, pas un site de traduction discount. Pour donner une échelle, la rapidité moyenne encouragée c'est de 250 mots/heure, et d'après leur compteur j'en fais entre 1 800 et 2 500 selon les périodes et les boulots.)