Bon je fais un double post, désolée, c'est pas bien ...
Mais comme je disais, je voulais rebondir sur ce que vous disiez sur le féminisme mainstream pour parler d'intersectionnalité parce qu'il me semble que c'est de ça dont il s'agit (ou pas, je me trompe peut-être).
Donc récemment j'ai essayé de me tenir au courant sur l'affaire Lena Dunham et les accusations d'abus sur sa petite soeur. J'ai pas d'avis là-dessus mais par contre je suis tombée sur
cet article. Je pense qu'il est intéressant à lire mais il est un peu long donc je résume (et j'espère que je résume bien) : si Lena Dunham peut se permettre de balayer ces reproches d'un revers de la main, ou si elle pu même se permettre de décrire des scènes douteuses dans son livre, c'est parce qu'elle est blanche. Et l'auteur reproche aux white feminists de prendre la défense de Lena, ou en tout cas de pas lui faire de reproches, expliquant que ce ne serait pas le cas si elle n'était pas blanche (mais elle ne donne pas de contre-exemple).
Donc ben voilà c'est là que je comprends pas. Enfin je comprends pas la logique. J'aurais jamais pensé à faire entrer en compte son origine. Pourtant beaucoup de gens dans les commentaires sont complètement d'accord avec l'article.
Donc voilà, est-ce que ça fait sens pour vous ?
-Alooors, je vais essayer d'expliciter les critiques sur ce sujet.
Il faut comprendre que c'est *à cause* de la polémique que cette histoire de white privilège est sortie et non à cause du livre et de son contenu lui-même.
J'ai lu les extraits problématiques en question et oui, c'est très choquant, c'est des agressions sexuelles et elle raconte une histoire de prédation sur et entre mineur. C'est *mon* avis et l'article de Jen part de ce principe là également. On peut ne pas être d'accord, je le précise, mais c'est le postulat des critiques et de cette polémique.
La polémique qui a suivi c'est :
-des féministes poc devant le silence autour de ce bouquin et la non-dénonciation des faits comme "agression sexuelle" ont fait des commentaires sur twitter. En raportant, leur malaise/leur gerbe en lisant le bouquin.
-Des féministes blanches sont venues engueuler ces féministes poc en volant à la rescousse de Dunham en la défendant, en masse.
Des feministes blanches sont venues également écrire que : elle avait un avis mais comme cette fiction était trop triggering , cad qu'elle réveille des moment difficile , elle ne pouvait pas en parler ---> en milieu militant, on s'accorde pour dire que l'auto-preservation est très importante , donc argument de silence recevable, comme le dit cet article de Jen Pink.. Sauf que Jen Pink dit "han c'est bizarre, ces mêmes filles qui disent que la fiction de dunham agit comme Trigger, elles passent leur temps à évoquer des articles de viol , agressions sexuelles et violences conjugales". C'est un procès qu'elle leur fait (et il n'engage qu'elle, mais je comprends l'argument dans ce contexte) et Jen se demande pourquoi dans le cas de Dunham, l'auto-préservation s'impose pour ne pas la basher, Jen la conçoit comme "trop pratique pour être honnête".
Au final parmi les féministes blanches outre-atlantique on a soit un silence pour self-care, soit un soutien franc et massif.
Alors qu'objectivement, un HOMME aurait écrit ce texte, PERSONNE n'aurait songé à le défendre. Tout le monde aurait crié sa gerbe et un gros bashage se serait enclenché sur ce gars.
Mais là c'est une femme qui le fait , et d'autres femmes la défendent. D'autres féministes la défendent. mais pas n'importe lesquelles, il n'y a que des féministes blanches qui la défende. (Et c'est ce que j'ai remarqué aussi).
Ce qui relie ces féministes qui la défendent c'est leur classe racio-ethnique, leur blanchité.
Il y a ici un effet de corporatisme de race qui permet à des féministes blanches de défendre une auteur auto-proclamée féministe qui raconte des histoires de prédations sexuelles, en tout cas moi je les qualifie comme telle.
Et au lieu d'analyser ces histoires de prédation, d'essayer d'en trouver les origines dans des analyses sociales, la critiquer.... et bien non, elles se contente de la défendre bec et ongle : soit en niant la prédation, soit en l'acceptant mas en la minimisant.
Et pour celle qui ont évidemment pensé que c'était de la prédation sexuelle, elle préfère se taire et ne pas enfoncer "une des leurs", une autre blanche, et se réserve l'argument de self-care pour ne pas la basher et ne pas offrir un contre point racial .
Car en effet cette polémique et cette histoire de white privilege ne serait pas née si d'autres féministes blanches avaient bashée Dunham.
Et enfin autre remarque c'est le traitement médiatique en dehors du cercle féministe : elle est une face du féminisme, et la majorité des médias apparemment ne la bashent pas et pire disent "mais quels sont ces vieil hommes pervers qui osent accuser dunhman d'agression ?". Comme si reconnaître dans ces éléments de biopic une agression n'était que le fruit d'un esprit pervers de "vieil homme pervers".
D'autres argument sont sortis comme quoi , c'est une artiiiiiiste et qu'elle a le droit d'écrire ça. Sauf que c'est une bio-pic, donc bon c'est plus tellement artistique à ce niveau là. Et quand bien même ce serait artistique, depuis quand nous n'avons plus le droit d'analyser au prisme du féminisme une oeuvre artistique ? Si elle contient des éléments sexistes et/ou de violence sexuelles, il est quand même nécessaire de le dire et D'HABITUDE, on ne se gène pas pour le signifier.... sauf là, pour Dunham.
C'est en cela que la critique du 2 poids 2 mesures est lancée en parallèle.
Si ce n'était malheureusement que sa première incartade politique, on en ferait peut-être pas tout un foin. Mais ce n'est ni la première ni la dernière. Et elle s'en sort à chaque fois grâce à une levée de bouclier de féministes blanches qui la défendent à chaque fois.
Après sur l'intersectionnalité en général j'ai pas encore les idées claires. J'ai un peu le raisonnement suivant en fait pour l'instant : les grandes luttes sociales (féminisme, antiracisme, antihomophobie ...) fonctionnent parce qu'elles font des grandes généralités, elles considèrent les groupes et pas les individus. Et j'ai l'impression que dans les milieux intersectionnels on a plus tendance à considérer toutes les spécificités des individus (justement en disant par exemple qu'une femme blanche ne peut pas être considérée de la même manière qu'une femme non blanche). Mais du coup je vois pas comment ça peut fonctionner. Enfin je veux dire, comment mener une lutte sociale si on considère absolument tous les vécus de chaque individu (ce qui n'est plus social) ..? Je sais pas si c'est clair mais je serais curieuse de savoir ce que vous pensez de l'intersectionnalité.
L'intersectionnalité fonctionne pareil, en faisant des généralités également. Une femme blanche/noire, c'est pas un individu c'est un groupe social. Et le groupe social femme blanche est différent du groupe social femme noire.
C'est simplement qu'au lieu de faire de grosse généralité on fait plein de plus petites généralités.
Quand dans un discours intersectionnalisé on parle "les femmes maghrebines", on fait une généralité. On ne parle pas d'un individu précise avec toutes ses facettes qui le rendent unique, mais on parle bien de la somme des facettes qui se regroupent et qui forme l'amalgame social "femmes maghrébines".
Pareil pour les femmes : noires, indiennes, chinoises (etc) , lesbiennes, bisexuelles, asexuelle, cis-genre, transgenre, agenre, valide, non-valide, sans-papiers, immigrées, etc etc... sans compter les cumuls entre chaque généralités.
On est donc toujours dans une étude globalisante.
Parce qu'on s'est rendu compte, ( enfin les féministes noires des 70's) que faire des politiques (cad mettre en lace des projets politiques et sociaux comme les centre de refuge) sur le groupe "femme", quand en fait en pratique il n'est base que sur le groupe "femme blanche" a amené à un mésestimation, un désintérêt, une incompréhension voire une discrimination à l'encontre des autres groupes sociaux de femmes, notamment des groupes sociaux de "femmes de couleur" et de" femmes transgenre".
Ainsi pour analyser les besoins sociaux de ces "nouveaux groupes" (comme s'ils étaient nouveaux, hum), on a créé l'intersectionnalité, afin d'étudier plus précisément les spécificités de chaque groupe.
La notion de "privilège" associée à l'appartenance à la catégorie sociale dominante a également été créée pour mettre en avant le fait que consciemment ou non on bénéficiait d'être dans une norme sociale précise et qu'on participait ainsi consciemment ou non à l'oppression de la minorité sur cette norme sociale.
Le fait que la société soit normée de cette manière précise amène a des politiques, des lois, des traditions , des éléments de cultures qui privilégie la norme en question. Tout ceux qui font partie de cette norme en bénéficie. Tout ceux qui n'en font pas partie sont opprimé de facto.
C'est un privilège dont on bénéficie forcément, même si on ne fait rien pour les avoir, même si on est né comme ça et qu'on y peut rien. Par contre ce rendre compte qu'on bénéficie de privilège lié à sa classe, race, sexe, orientation sexuelle etc, permet de comprendre en quoi les minorités se sentent opprimées par la société.
cette notion de privilège demande à se conscientiser sur sa place au sein de la societé et ce sur tous les plans.
En pratique maintenant, l'intersectionnalité permet d'envisager les multiples formes que peuvent prendre un groupe social par défaut trop grand. Il permet d'éviter de "trop généraliser" et surtout il permet de "changer de point de vue".
Cette intersectionnalité elle-même n'est pas homogène, comme tout mouvement .
Les theories issu des queer of color studies et white queer en est un exemple.
Le blanchiement de l'intersectionnalité en est un exemple et une critique.
Mais l'intersectionnalité en tant que telle reste un puissant outil d'analyse pour mettre en évidence ce qui est important pour chaque groupe sociaux à un moment donné et dans un contexte hitorico-social précis.