c'est fou parce que je me suis faite exactement la même réflexion en lisant l'article. C'est truffé d'erreurs, on voit bien qu'il n'a fait que survoler le sujet de l'intersectionnalité, il attribue aux féministes intersectionnelles des propos qu'elles n'ont jamais tenus ("seuls les musulmans peuvent être victimes de racisme", WTF ??? Pour nous reprocher quelques paragraphes plus loin de n'avoir pas toléré des critiques à l'encontre d'artistes afro-américaines, le mec se contredit totalement en plus !), et enfin il reprend la fameuse rethorique de certaines féministes blanches, à savoir que l'intersectionnalité c'est le mal car ça divise la lutte, et ça force à les hiérarchiser. Alors que c'est lui-même qui hiérarchise en décrétant que la lutte antiraciste empêche de lutter efficacement contre le sexisme.
Enfin bref, c'est complètement fou venant d'un chercheur de qui on attendrait un minimum de rigueur et de recherches sur la question avant de balancer ses réflexions sur le sujet. Le pire, c'est que vu qu'il est justement chercheur au CNRS, il fait figure d'autorité, les gens vont attribuer une certaine crédibilité à ses propos et penser que ce qu'il dit sur le sujet est nécessairement pertinent.
c'est désespérant...
@madmoizelle N L'article me rappelle celui dont on avait débattu ici après Charlie Hebdo :
http://blogs.lesinrocks.com/kaganski/2015/02/26/apres-charlie-quelles-gauches/
A l'époque déjà ça m'avait mise hors de moi que ces gens qui se réclament de la gauche universaliste revendique les droits humains pour eux.
L'utilisation de concepts à la mode permettant un confusionnisme intellectuel, comme "l'intersectionnalité", et l'utilisation dévoyée de termes recouvrant une réalité sociale comme la "racisation", conduisent à l'élimination de toute conception universelle des droits humains.
Déjà dans l'article des Inrocks on avait ça :
La première donne la priorité aux droits de l’homme, au « vivre-ensemble », à l’antifascisme, à la lutte contre les discriminations quelles qu’elles soient, à la laïcité, à l’athéisme, à toutes les conquêtes émancipatrices depuis les Lumières.
Je trouve ça fou parce que ces gens-là n'ont pas mis à jour leur définition de "droits de l'homme" depuis le 18e siècle on dirait! Ils conçoivent les droits de l'homme comme une série de valeurs morales qu'on soit absolues et qu'on ne peut pas contester. Or les droits humains sont en réalité des transcriptions juridiques de revendications sociales et politiques. Elles ne sont "universelles" que parce que la majorité des pays du monde ont accepté de s'engager à les respecter, pas parce que chez nous on a plus raison que dans "les pays de barbares".
Et leur conception des droits de l'Homme "héritée des Lumières" (époque où l'esclavage était vu comme une mission civilisatrice par certains penseurs et les droits des femmes comme inutiles entre parenthèse) est très restreinte. Les droits humains occidentaux c'était surtout les droits civiques et politiques (droit de vote, droit à la liberté d'expression, de culte, lutte contre la peine de mort etc.) tandis que l'apport des pays non-occidentaux a justement causé une redéfinition salutaire des droits humains qui étaient alors très "bourgeois" puisqu'ils révélaient les préoccupations de gens qui ne craignaient pas vraiment de mourir de faim ou de se tuer au travail. Les notions de droit à l'éducation, au logement, à la santé, à l'environnement etc., tout ceci a été reconnu comme des droits "universels" grâce aux apports non-occidentaux.
L'évolution des concepts de droits humains montre bien qu'il n'y a rien d'absolu à ces droits : ils sont des références pour l'évolution sociale, le fruit de consensus issus de leur temps, pas une notion morale jugée supérieure de manière arbitraire.
Donc quand je vois tous ces intellectuels venir froncer les sourcils d'un air sévère en disant que c'est pas bien de remettre en cause notre conception des droits car on a décidé en 1789 qu'ils étaient "absolus", je me dis qu'ils ne connaissent absolument rien aux droits humains en fait, rien aux décisions des Nations Unies à ce sujet, aux travaux d'organisations comme Amnesty International etc.
A chaque fois que je vois les droits humains brandis comme ça, j'ai l'impression que les auteurs ne savent même pas ce que comprend les droits humains et comment on les définit. On dirait qu'ils croient que les droits humains c'est "ce qui est juste" de leur point de vue parce qu'ils ont "beaucoup réfléchi" et qu'ils ont donc "une position très claire" sur ce que c'est en tant que penseur d'un pays "avancé".
Mais... non, faut arrêter de colporter cette idée parce que pour le coup, c'est cette vision des droits humains qui fait "
le lit de systèmes totalitaires machistes" en donnant la magnifique excuse aux dirigeants du monde de ne pas appliquer les textes qu'ils ont ratifiés car ils seraient "occidentaux".