Veille permanente sexisme

[MamieCaro]

"Nous on est faites pour porter les enfants, on porteuh les enfants"

Ah bah, c'est sûr que si on sert qu'à ça, faudra voir à nous piquer après la ménopause, ça règlerait le problème des retraites, hein.

 

[Saphiah]

Voici le mail que j'ai reçu d'une connaissance : "Ma conviction est que sans les hommes aux commandes il n'y aurait jamais eu de guerres, mais pas non plus de croissance économique, d'invention ou d'art, enfin pas beaucoup."
Il me dit aussi : "Je reste fermement partisan du déterminisme biologique".

Pendant un bon moment, j'avais essayé de lui expliquer qu'hommes et femmes ont le même cerveau, que les différences que l'on peut observer entre les cerveaux d'un homme et d'une femme sont seulement statistiques et sont dues à l'éducation genrée (plasticité du cerveau dont les zones les plus sollicitées vont mieux se développer), que les hormones n'influent pas sur les zones du cerveau qui régissent les activités cognitives supérieures, etc. Bref, je me suis mise sur son terrain - biologique - pour démonter ses arguments, je lui ai conseillé de lire Catherine Vidal - ce qu'il a fait -, mais rien ne marche... : il reste convaincu que les hommes sont par nature violents à cause de la testostérone - elle a bon dos, celle-là ! - et les femmes plus douces et émotionnelles.

SI vous avez des pistes... Il n'est sûrement pas le premier à me sortir ce type de discours !

 

[Irideae]

C'est délicat de dire qu'une langue est sexiste. Je ne suis pas linguiste, donc je peux me tromper, mais il me semble que c'est l'usage qu'on en fait qui est sexiste. En français, on n'a que deux genres, masculin, féminin, même si on peut considérer qu'il existe le genre neutre qui se calque sur le masculin. Alors, bon, on peut toujours dire que c'est une base sexiste, mais malheureusement, c'est la seule que nous ayions, et on ne peut pas inventer un troisième genre aujourd'hui...

Si on essaye d'éliminer le genre neutre et de le remplacer en permanence par féminin + masculin, au final, ça ne fait que genrer encore plus le discours !

Le problème n'est pas que le discours soit genré (construire une langue où il n'y aurait que du neutre, ce serait renoncer à quelque chose, ce serait limiter les possibilités de description du réel par le langage), c'est qu'il soit "mal genré". Je m'explique: y a aucun problème à utiliser "elle" pour parler d'une femme ou "il" pour parler d'un homme. En revanche, utiliser "ils" pour parler d'un groupe de femmes et d'hommes (y compris un groupe où les hommes seraient numériquement minoritaires), oui, ça pose problème et oui, je trouve ça sexiste parce que comme je l'ai déjà mentionné dans mon précédent poste, ça a tendance à rendre les femmes invisibles. La raison de cette invisibilité, c'est que ça joue sur les représentations. Prenons l'expression "hommes politiques", ou encore "l'Homme". Ça se veut neutre et englobant mais en réalité c'est excluant parce que quand on entend ces mots, on aura tendance spontanément à se représenter uniquement des hommes et oublier de se représenter des femmes. Par conséquent, le masculin/neutre, ce serait plutôt du masculin déguisé en neutre. D'ailleurs, "genrer" encore plus le langage, ça peut aussi le rendre moins sexiste, comme par exemple en féminisant les noms de métiers, parce que ça donne plus de visibilité aux femmes.
Ensuite, on peut tout-à-fait inventer troisième genre. Les Suédois l'ont bien fait en incluant un nouveau pronom neutre, le "hen".

 

[MamieCaro]

Ouais, un genre vraiment neutre dans la langue française, ce serait coolos ! Mais alors, il faudrait que ce soit un truc toujours bien distinct du masculin ET du féminin pour qu'on puisse bien le repérer ? Et les mots qui sont les mêmes au masculin et au féminin, faudrait leur inventer une version féminine plus une version neutre ? On aurait donc les Belges, les Belgesses, et les Belgens ? Enfin bon, on s'en sort plus !

Pourquoi ne pas se contenter du genre neutre qu'on a, ça m'échappe...

Personnellement, justement, quand dans une vidéo ci-dessus, un avocat homme dit, en parlant d'une avocate : "Derrière la robe, nous sommes tous un avocat", je trouve que c'est une utilisation géniale du neutre, et pas du tout sexiste, au contraire !

Oui, à la base, la construction du genre neutre est sexiste. Est-ce une raison pour nier l'existence de ce genre ? Car c'est ce qu'on fait quand on dit "Françaises, Français"...

 

[Solemnia]

"Non mais les hommes ont plus de besoins sexueeeels. C'est la Natureuh. Nous on est faites pour porter les enfants, on porteuh les enfants (une d'entre elles a dit ça au moins 5 fois, mon utérus a failli se suicider tellement l'idée lui déplaît) et eux ils sont faits pour féconder. Donc ils ont besoin de baiser."

:sick2: (attention réaction très décousue qui va dans tous les sens )
Non mais ça ça commence à devenir un truc que je supporte pas, qu'on me réduise à un simple utérus (ou "un nid pour les bébés hihii " . Bouh. ) et qu'on réduise aussi ma vie sexuelle à "kancé kon fé dé bébé hihihihih on s'entraine pour faire dé bébé ?" , je refuse hein mais vraiment. Sachant que comme je vais avoir 20 ans j'ai eu le droit de la part de tout le monde a "ALORS ALORS DANS 10 ANS ON S'Y MET ON VA FONDER SA FAMILLE HEIN" euh bah , non ? Puis je décide quand même ? (le pire c'était "non mais t'inquiètes dans 5 ans tu peux commencer à essayer hein" quoi? 5 ans ? nein nein nein ! )

Je comprend pas comment dans la tête de quelqu'un on peut faire ce raccourci de "sexualité d'une femme = aucune recherche de plaisir, juste pour être fécondée" . Pourtant jusqu'à peu je pensais que dans la société actuelle les relations sexuelles ont été assez libérées pour qu'on puisse penser que le sexe c'est AUSSI une recherche de plaisir, une pulsion, etc.
Mais vraiment je comprends pas du tout.

Le pire c'est qu'en ce moment je suis super sensible à ces histoires parce que j'ai osé dire "je veux pas d'enfants" (j'ai pas envie que mon corps connaisse la grossesse et l'accouchement, c'est mon droit, et surtout je ne me sens pas avoir l'instinct maternel) on m'a regardé comme si j'avais dit que j'allais me suicider en m'arrachant les membres uns par uns

Et je suis d'accord sur le fait que nous avons chacun et chacune des libidos, pulsions, besoins différents, mais je n'aime pas, et ça me gêne quand on applique son cas à une généralité. Genre pour ma part j'ai besoin de le faire minimum une fois tous les deux jours, mais mon copain n'a pas les mêmes besoins que moi. Et ça me gonfle quand genre on va au restaurant entre amis par exemple, qu'il paye pour nous deux et qu'on me regarde l'air entendu genre "il va falloir passer à la casserole maintenant pour le remercier" euh ? . Pourquoi ce sous entendu ? Et pourquoi quand je l'invite on ne le regarderai pas lui pour lui dire "bon va falloir se faire dégorger maintenant mec "

En fait, je comprends ce qui me gêne maintenant que je l'écris, c'est que à force de me dire que comme je suis une femme je suis une "mère en puissance" (très drôle quand on me dit que l'instinct maternel est inné et que je suis obligée de l'avoir, d'ailleurs) et qu'en gros ma sexualité est uniquement basée sur "je dois faire des bébés, les porter dans mon ventre", parce que j'ai l'impression que ça me déshumanise complètement en fait, et du fait j'ai l'impression que ma sexualité est déshumanisé aussi, alors que ce n'est pas comme ça que je conçois les choses. (le pire en fait c'est quand ce sont des gens qui me disent "bon alors dans 5 ans il va falloir penser à faire travailler son utérus" , parce que j'ai toujours considéré que ma sexualité me regardait moi et les personnes avec qui je couchais et qu'on me jette ça du style "bon faut bien que ça serve hein" bah ça m'agace)

Bon voila ma réaction un peu en vrac ... mais juste ça m'agace de plus en plus puisque j'estime que pour ma part, mon essence ce n'est pas d'être un mère, mais apparemment d'autres préfèrent décider à ma place

 

[Membre supprimé 93259]

Tout à l'heure je révisais au foyer et des lycéens sont arrivés et ont commencé à parler de cadeaux de Noël. C'était un groupe de filles et de garçons mélangés, et une a dit "A ta copine t'auras qu'à lui acheter un sex-toy, comme ta nympho elle te lâche et tu viens à la soirée!"
Déjà cette phrase m'a fait lever la tête, mais c'est surtout les réactions qui ont suivies: "Ah non elle va se toucher sans moi, dégueu" "Mais t'es dégueulasse toi de me dire ça" Etc...

Ca me parait tellement aberrant qu'aujourd'hui on pense encore que seul un mec peut se masturber, que pour les filles c'est dégueulasse etc.. En fait ça rejoint un peu votre débat sur le sexe. Mais ça m'a tellement marqué sur le coup

 

[Tardigrade]

Solemnia
copiiiine ! J'ai bataillé des années pour expliquer à ma famille que je vois peu souvent qu'on n'avait pas à me poser des questions sur mes petits copains ou non. Et même si ça a pas mal énervé mes parents un temps (mon frère est pareil), ils ont fini par se faire à l'idée que je ne voulais pas d'enfants. Mon avis changera peut-être, mais les "t'es jeune, tu vas changer d'avis" m'insupportent. Je suis parfaitement au courant de mon âge, mais je n'ai pas souvenir de m'être déjà imaginée mère. De manière générale, c'est une responsabilité que je ne veux pas prendre et je ne veux pas vivre une grossesse (les photos de foetus en couleur me font peur et j'imagine même pas la douleur que ça doit être ). De même, je ne ressens pas l'envie de vivre avec quelqu'un parce qu'il faudrait que nos rythmes soient parfaitement synchronisés pour les corvées ménagères (je compte pas m'occuper de ça pour une autre personne, déjà que ça m'ennuie prodigieusement pour moi ....) et que j'ai envie d'avoir un espace "rien qu'à moi" en permanence, pouvoir gérer mes envies de solitude. J'ai pas envie non plus de me marier, la chanson de Brassens sur la Non Demande en Mariage résume bien la situation :

Spoiler

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Je le vivrais mieux si on balançait le même genre de préjugés aux hommes de mon âge. Si les gens s'outraient quand Machin veut pas d'enfants etc.
Ca fait des années que j'ai envie d'un boulot qui me plaise, j'ai pas envie que la société me cantonne à une mère en devenir, alors que je pourrais avant tout être une avocate / juge / huissière / spécialiste en tel domaine. Mon utérus n'est pas la porte des étoiles, c'est pas un lieu de passage, saperlipopette ! Ca me dérangerait moins de me mettre en couple avec quelqu'un et m'occuper raisonnablement de ses enfants (être un référant, pas une mère de susbstitution) que de porter une vie et cette responsabilité là toute ma vie.
Oui, les enfants sont une gêne ou un problème pour moi, parce que j'aurais envie de leur offrir ce que je peux (y compris mon temps) si j'en avais. Or j'ai d'autres projets, donc je préfère ne pas en faire. Ca veut pas dire que je balance par terre un bébé si on veut me le faire tenir, mais je refuse poliment si on part du principe "t'es une fille, ça va t'intéresser".

Me balancer des préjugés à la gueule sur le seul fondement du contenu de ma culotte, donc de ma naissance (et surprise, on ne choisit pas de naître), c'est aussi dégradant que du racisme. Je préfère qu'on ne puisse pas me supporter à cause de ce que je fais plutôt qu'on m'excuse parce que je suis une femme.



Ca fait du bien de sortir tout ça. Mes amis se font doucement au féminisme ou sont déjà convaincus !

 

[Solemnia]

Tardigrade je plussoie, et je rajoute qu'en fait ce qui me gêne le plus c'est qu'à la limite, quand j'aurai dépasser ces blocages, si jamais j'en ressens le besoin, je veux bien faire un enfant. C'est pas le problème. Le problème c'est que je sais que si une grossesse m'arrive ça ne sera pas "que" ma grossesse (sachant que dans ma conception des choses la grossesse peut être partagée entre les deux partenaires) mais sa famille, ma famille, risquent d'oublier que ça reste quelque chose d'intime et de se l'approprier, et ça, ça me fait peur et je ne veux pas

(ouais je vais aller me cacher dans une grotte pour faire des enfants si un jour j'en veux )

mais j'arrive pas à mettre des mots exacts sur ce qui me met mal à l'aise vraiment en fait

 

[Tardigrade]

Tu es une femme, tu trahis les caractères en tout petit sous le contrat en ne voulant pas d'enfant, allons ! Y a erreur sur la marchandise, d'où le "tu te fous de sa gueule" !
C'était la minute analyse-sexiste-du-monde, sponsorisée par les beaufs de France et de Navarre.

 

[Solemnia]

Foxey Zowie ou aussi "tu restes avec lui en sachant que vous n'avez pas les mêmes envies niveau enfant, tu te fous de sa gueule parce que quelque part tu lui mens, et ça sert à rien de rester ensemble puisque vous allez finir par vous séparer un jour ou l'autre" (et je trouve ça très con cette phrase qu'elle ta dite de toute façon... )

 

[Mandorle]

Quand j'avais dit à une fille de ma classe de prépa (qui voulait quatre enfants) que je n'en voulais pas,elle m'avait dit "Mais alors, t'as aucun but dans la vie ?"
Je crois que j'avais répondu un truc du genre "Si, contribuer à l'accroissement du savoir humain" (j'étais un tantinet pompeuse ), elle m'avait regardé avec un air complètement halluciné, du genre c'est quoi cette fille
Mais le pire, c'est que c'était pas du tout méprisant ni rien, c'était de l'incompréhension complètement innocente et spontanée

 

[Mandorle]

@Shield : c'est vrai que moi aussi je connais plus de filles qui ne veulent pas d'enfants... cela dit, je me demande si ce n'est pas justement en réaction à l'idée selon laquelle les femmes seraient faites pour êtres mères, et peut-être aussi (attention généralisation) par rapport au fait que les femmes se coltinent encore aujourd'hui pas mal des trucs relous de la maternité (en plus de la grossesse), forcément, ça fait pas envie (bon après c'est vraiment l'explication qui me vient en premier à l'esprit, c'est fondé sur rien).