Pour rentrer dans votre débat sur la peur dans la rue, moi je suis 100% partisane de dire aux femmes qui vivent dans un environnement à peu près sûr et qui n'ont pas un passé difficile d'arrêter d'avoir peur.
Personnellement, les gens que j'entends dire avec mépris "les femmes devraient arrêter de se poser en victimes" tout en assurant que la peur dans la rue est vraiment un truc stupide sont quand même une minorité qui se résument aux véritables anti-féministes, ceux qui ont l'impression qu'il y a une guerre hommes vs femmes. Alors ils sont peut-être très bruyants mais ils ne représentent pas à mon sens la masse.
Parce que pour moi, l'immense majorité des gens considèrent qu'une femme qui a peur, c'est normal et c'est même sain.
Ici, à l'Ile Maurice, j'en ai déjà parlé mais on me re-balance toujours ça dans la gueule pour me retenir dans mon indépendance. Les femmes ont peur et tout le monde a peur pour elles. Le résultat c'est qu'on considère que c'est raisonnable d'avoir peur parce qu'une femme est en permanence menacée. Et c'et aussi à mon avis justement ça qui est à l'origine du slut-shaming : "Regardez cette fille, elle fait comme si elle ne risquait rien alors qu'en tant que femme, elle devrait adopter un comportement plus discret et plus prudent qu'un homme. Elle cherche les ennuis en bravant la réalité ainsi.".
Alors oui, le monde est sexiste et inégalitaire mais je ne considère pas qu'être une femme en France ou à l'Ile Maurice, en tout cas dans les milieux et les endroits que je fréquente, est profondément dangereux. C'est un combat, c'est injuste parfois mais ça ne menace pas mon intégrité physique en permanence.
On le répète souvent, le viol et autres violences contre les femmes arrivent largement plus souvent dans un milieu familier de la part de gens connus... et la peur est pourtant moins présente à la maison avant les violences que quand on marche dans la rue.
Alors je n'écris pas ça pour dire que les femmes sont bêtes d'avoir peur, que je les montre du doigt et qu'elles devraient s'endurcir un peu. Pas du tout.
Ce que je dis c'est qu'à force d'instiller la peur, qu'elle soit légitime ou non, on nous pousse à nous mettre en retrait, à repérer tous les signes inquiétants et à les assimiler comme de vraies menaces.
Quand ma boss me dit qu'elle ne veut pas que je reste au bureau si, je cite "les garçons sont déjà partis", alors que j'ai un poste plus élevé qu'eux, et cela parce qu'elle a peur que je me fasse agresser en sortant du bureau, je reçois cette peur pour les femmes comme une claque violente, une vraie régression dans ma situation. On me dit que je ne peux pas me considérer à égalité avec mes collègues hommes car la triste réalité c'est que cette égalité n'existe pas.
Que mes collègues femmes aient peur, je ne les blâme pas. Que ma boss elle-même ait peur en sortant du bureau, c'est sa perception et je n'ai rien à dire dessus.
Mais que cette peur soit si généralisée qu'on tente de me l'imposer, de me la glisser peu à peu en moi, de me convaincre que je ne peux pas me comporter comme les garçons parce que mon sexe est un handicap pour ma sécurité, je dis NON. Il faut arrêter d'avoir peur sur la simple base qu'une femme est une femme.
Et je vous parle de cet exemple de moi qui n'ai pas le droit de rester au bureau à l'Ile Maurice mais depuis que des années, je suis en lutte perpétuelle avec ceux qui ont peur pour moi parce que je suis une femme, qui voudraient que je ne sorte pas seule après une certaine heure, que je ne marche pas dans la nuit, que je n'aille pas dans certains lieux, que je ne me retrouve pas avec des inconnus. Et tout ça part d'une très bonne intention, celle de me protéger, de m'éviter le danger, on me le dit comme un conseil "pour mon bien".
Mais au fond, cette peur me retient dans ma liberté, dans mes possibilités, dans mon droit d'être qui je veux et de faire ce que je veux. Elle laisse aux autres le droit d'intervenir et de s'interposer à mots couverts dans ma manière d'agir dans l'espace public.
Hier encore, un collègue hollandais m'expliquait qu'il ne voulait pas envoyer son fils (6 ans) et sa fille (12 ans) en train tous seuls. Puis il a dit "En fait, c'est surtout que j'ai peur pour ma fille". Et ce n'était pas à cause de son caractère mais parce qu'elle était une fille. Or un gamin de 6 ans est largement plus en danger sans adulte qu'une collégienne! En grandissant, je suis sûre que ce garçon sera plus libre dans ses actions et dans sa tête que la fille parce qu'on l'aura convaincu que son sexe le protégeait beaucoup mieux des dangers que sa soeur. Il pensera peut-être aussi que l'espace public n'est pas un endroit très correct pour une femme car c'est un endroit où elles sont en danger. Est-ce que ce n'est pas complètement faussé?
A cette gamine, j'aimerais lui dire "Tu as 12 ans, c'est sain d'avoir peur mais parce que tu n'as que 12 ans pas parce que tu es une fille et à partir d'un certain âge, tu apprendras à ne plus avoir peur."
Bref encore une fois ce n'est pas pour ridiculiser les filles qui ont peur, leur faire la morale ou les culpabiliser. Moi aussi je suis parfois très inquiète et je me pose des entraves à cause de ça. Mais reprendre confiance et se débarrasser de ce sentiment de faiblesse permanent me parait plus que salutaire pour obliger la société à nous regarder autremenent que comme des êtres éternellement impuissants.
Personnellement, les gens que j'entends dire avec mépris "les femmes devraient arrêter de se poser en victimes" tout en assurant que la peur dans la rue est vraiment un truc stupide sont quand même une minorité qui se résument aux véritables anti-féministes, ceux qui ont l'impression qu'il y a une guerre hommes vs femmes. Alors ils sont peut-être très bruyants mais ils ne représentent pas à mon sens la masse.
Parce que pour moi, l'immense majorité des gens considèrent qu'une femme qui a peur, c'est normal et c'est même sain.
Ici, à l'Ile Maurice, j'en ai déjà parlé mais on me re-balance toujours ça dans la gueule pour me retenir dans mon indépendance. Les femmes ont peur et tout le monde a peur pour elles. Le résultat c'est qu'on considère que c'est raisonnable d'avoir peur parce qu'une femme est en permanence menacée. Et c'et aussi à mon avis justement ça qui est à l'origine du slut-shaming : "Regardez cette fille, elle fait comme si elle ne risquait rien alors qu'en tant que femme, elle devrait adopter un comportement plus discret et plus prudent qu'un homme. Elle cherche les ennuis en bravant la réalité ainsi.".
Alors oui, le monde est sexiste et inégalitaire mais je ne considère pas qu'être une femme en France ou à l'Ile Maurice, en tout cas dans les milieux et les endroits que je fréquente, est profondément dangereux. C'est un combat, c'est injuste parfois mais ça ne menace pas mon intégrité physique en permanence.
On le répète souvent, le viol et autres violences contre les femmes arrivent largement plus souvent dans un milieu familier de la part de gens connus... et la peur est pourtant moins présente à la maison avant les violences que quand on marche dans la rue.
Alors je n'écris pas ça pour dire que les femmes sont bêtes d'avoir peur, que je les montre du doigt et qu'elles devraient s'endurcir un peu. Pas du tout.
Ce que je dis c'est qu'à force d'instiller la peur, qu'elle soit légitime ou non, on nous pousse à nous mettre en retrait, à repérer tous les signes inquiétants et à les assimiler comme de vraies menaces.
Quand ma boss me dit qu'elle ne veut pas que je reste au bureau si, je cite "les garçons sont déjà partis", alors que j'ai un poste plus élevé qu'eux, et cela parce qu'elle a peur que je me fasse agresser en sortant du bureau, je reçois cette peur pour les femmes comme une claque violente, une vraie régression dans ma situation. On me dit que je ne peux pas me considérer à égalité avec mes collègues hommes car la triste réalité c'est que cette égalité n'existe pas.
Que mes collègues femmes aient peur, je ne les blâme pas. Que ma boss elle-même ait peur en sortant du bureau, c'est sa perception et je n'ai rien à dire dessus.
Mais que cette peur soit si généralisée qu'on tente de me l'imposer, de me la glisser peu à peu en moi, de me convaincre que je ne peux pas me comporter comme les garçons parce que mon sexe est un handicap pour ma sécurité, je dis NON. Il faut arrêter d'avoir peur sur la simple base qu'une femme est une femme.
Et je vous parle de cet exemple de moi qui n'ai pas le droit de rester au bureau à l'Ile Maurice mais depuis que des années, je suis en lutte perpétuelle avec ceux qui ont peur pour moi parce que je suis une femme, qui voudraient que je ne sorte pas seule après une certaine heure, que je ne marche pas dans la nuit, que je n'aille pas dans certains lieux, que je ne me retrouve pas avec des inconnus. Et tout ça part d'une très bonne intention, celle de me protéger, de m'éviter le danger, on me le dit comme un conseil "pour mon bien".
Mais au fond, cette peur me retient dans ma liberté, dans mes possibilités, dans mon droit d'être qui je veux et de faire ce que je veux. Elle laisse aux autres le droit d'intervenir et de s'interposer à mots couverts dans ma manière d'agir dans l'espace public.
Hier encore, un collègue hollandais m'expliquait qu'il ne voulait pas envoyer son fils (6 ans) et sa fille (12 ans) en train tous seuls. Puis il a dit "En fait, c'est surtout que j'ai peur pour ma fille". Et ce n'était pas à cause de son caractère mais parce qu'elle était une fille. Or un gamin de 6 ans est largement plus en danger sans adulte qu'une collégienne! En grandissant, je suis sûre que ce garçon sera plus libre dans ses actions et dans sa tête que la fille parce qu'on l'aura convaincu que son sexe le protégeait beaucoup mieux des dangers que sa soeur. Il pensera peut-être aussi que l'espace public n'est pas un endroit très correct pour une femme car c'est un endroit où elles sont en danger. Est-ce que ce n'est pas complètement faussé?
A cette gamine, j'aimerais lui dire "Tu as 12 ans, c'est sain d'avoir peur mais parce que tu n'as que 12 ans pas parce que tu es une fille et à partir d'un certain âge, tu apprendras à ne plus avoir peur."
Bref encore une fois ce n'est pas pour ridiculiser les filles qui ont peur, leur faire la morale ou les culpabiliser. Moi aussi je suis parfois très inquiète et je me pose des entraves à cause de ça. Mais reprendre confiance et se débarrasser de ce sentiment de faiblesse permanent me parait plus que salutaire pour obliger la société à nous regarder autremenent que comme des êtres éternellement impuissants.