Bah en soirée je suis pas sûre que ce soit toujours un contexte idéal pour jouer les pédagogues. Je pense que pour les gens qui ont "de la bonne volonté" et ignorent juste les conséquences de leurs paroles, ça peut parfois suffire d'entendre plusieurs fois "on n'utilise pas tapette comme insulte, c'est homophobe". Ils peuvent en retirer des réflexes ("je ne dois pas dire tapette même si ça ne m'a pas l'air méchant") et c'est déjà la première étape!@MorganGirly : eh ben c'est exactement ce qu'il s'est passé aussi ce soir là. Un autre copain sort dans je ne sais plus quel contexte justement "tapette" et mon fiancé et le copain à qui on doit faire de la pédagogie réagissent au quart de tour "Non non !!! On ne dit pas ça". Le pote s'étonne "c'est nouveau ça ?" et moi de préciser "non, stp, les expressions à caractère homophobe, pas en ma présence, si possible" et le pote de s'étonner "mais c'est pas homophobe ? J'ai pas voulu être méchant...?!" Et c'est là que j'ai pas le réflexe d'enchaîner correctement sur une explication pédagogique. Faudrait pourtant que j'embraye sur "je sais bien que tu n'as insulté personne en particulier, mais pourquoi tu utilise cette expression ? Quel est le message que tu veux faire passer en utilisant ce mot précis ? Et du coup de déconstruire les stéréotypes qu'il sera forcément obligé de me sortir,.. en expliquant que la communauté homosexuelle souffre vraiment de ces préjugés négatifs qui sont passés dans le langage courant, à tel point que personne y voit une insulte... etc. Hum. S'pas gagné, je suis vite émotive et je m'emporte, j'ai du mal avec la pédagogie calme et construite !
Je crois vraiment que la récurrence d'un discours est déjà quelque chose d'important pour faire évoluer les gens : déjà prendre la parole pour dire "stop" et rien de plus ça compte. Un exemple que je répète souvent ici c'est une de mes copines avec qui je m'étais disputée il y a quelques années parce qu'elle m'expliquait que c'était normal qu'on me harcèle en boite, que c'était un endroit "risqué" et qu'en plus je porte des trucs courts donc quand le pote d'un pote avait décidé de harceler toute une soirée c'était prévisible. Elle avait un discours confus : d'un côté elle disait que les harceleurs avaient une mauvaise attitude mais que je prenais plus de risques qu'en allant pique-niquer dans un parc par exemple, ou que je devais m'attendre à recevoir le genre d'attention du mec dont je parlais. Elle m'énervait tellement que je me contentais de répéter "C'EST FAUX, TU AS TORT" sans lui citer de statistiques ou de chiffres ou d'études ou rien du tout et je montais vraiment sur mes grands chevaux : "AH BON DONC JE MERITE CA????" sans trop argumenter.
Quelques mois plus tard, j'ai eu l'énorme surprise de la voir commencer à poster des séries d'articles militants sur le harcèlement de rue et la culture du viol. En fait, elle a carrément réfléchi suite à nos discussions et aujourd'hui, je ne peux pas m'empêcher de repenser à ces moments où elle me faisait la morale sur ma jupe trop courte car... elle est devenue une source importante d'articles d'actu féministe pour moi! Elle en poste tous les jours sur Facebook avec des commentaires militants : sur les réseaux sociaux, c'est une des plus engagées de mon entourage depuis quelques années.
Donc voilà, son changement à 360° je sais que ça vient de ces débats qu'on a eu ensemble elle, moi et une autre copine qui était militante chez OLF. Je suis totalement sûre que c'est en se confrontant à nous deux qu'elle a changé d'opinion parce que ça l'a ouverte à une autre point de vue, ça lui a donné envie d'écouter, de comprendre, d'en savoir plus. J'ai pas fait de pédagogie (ma pote d'OLF déjà plus) mais je sais que mes réactions épidermiques l'ont fait se questionner sur son discours. Donc pour les gens qui ne savent pas trop comment se positionner, je pense que ça peut aider de les reprendre sur leurs propos problématiques, même si on ne prend pas la peine de leur expliquer en quoi c'est problématique.
Un autre exemple auquel je pense ce sont les petits garçons qui disent "il pleure comme une fille" et où on répond systématiquement "être une fille c'est pas une insulte" sans aller plus loin. Tout ça ne marche pas du premier coup mais petit à petit ça leur met dans la tête que fille c'est pas négatif et ils arrêtent de réfléchir comme ça.
Bref, on est pas des éducateurs spé. La pédagogie est un choix pas un devoir : se contenter de refuser certains propos c'est déjà beaucoup