Je sais qu'il faut se battre mais je suis aussi, du fait que la société n'es pas construite pour mon épanouissement personnel, quelqu'un de fragile et de poreux à toute cette rage. J'avais beaucoup moins peur avant d'être féministe de me faire emmerder, violer, agresser la nuit seule dehors (alors que paradoxalement, dans ma prime adolescence, j'étais une fille cis qui pouvait potentiellement se promener en jupe, en robe...). Bien sûr j'avais toujours plus d'angoisse que mes camarades masculins, mais moins que maintenant.
De plus, quand je traîne sur des groupes FB homo/trans c'est assez violent d'être exposé à toute cette rage. Déjà, quand des pages comme celle de Stop Homophobie publient des articles qui parlent de violences envers les LGBT, c'est déjà difficile émotionnellement, parce que je m'identifie facilement aux victimes, qui sont fréquemment des jeunes.
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Ca fait un peu une pile, et je trouve problématique que quelqu'un comme moi arrête de lire les commentaires, pratique habituellement réservée aux sites d'infos généraliste qui postent des articles sur des sujets féministes/LGBT et sur lesquels il y a toujours des cons qui viennent dégobiller leur bêtise.
Je trouve qu'on est pas du tout en ce moment dans un climat social général sain et pacifique, il y a une montée des tensions dans le monde et ça semble ressortir dans les milieux associatifs, qui au lieu de représenter une force de construction et surtout de paix, alimentent la paranoïa et la colère.
Je suis un peu dans la même position que toi, par rapport au fait de lire des pages et des pages de sexisme (mais ça marche aussi pour d'autres oppressions), la sensibilisation féministe peut avoir de "mauvaises" conséquences à ce niveau là (on a avait déjà parlé ici je crois
).
D'ailleurs le côté "accumulation" c'est ce qui me fait lire de moins en moins la VPS
vu que je suis déjà exposé à des commentaires oppressifs lors de mes lectures sur le web, dans les journaux d'infos généralistes par exemple, du coup soupirer / s'indigner / se prendre la tête sur tel ou tel comm d'un sombre inconnu sorti des internets sur la VPS, ça me passe au dessus en fait
(je ne parle pas là des posts racontant des anecdotes persos, là pour moi c'est différent, le fait que la VPS soit un espace qui permette de faire à la fois soupape et soutien).
Mais je suis bien consciente des vertus positives que peut aussi avoir la colère (du coup mon avis est en demi-teinte
)
Par rapport aux propos extrèmement violents dans certains milieux militants, je rajouterais aussi le "foutage de gueule" qui me fait de plus en plus tiquer.
Je comprends la misandrie ironique, idem le fait que ça fasse soupape de décompression, mais j'ai un peu l'impression que parfois ça dépasse la colère légitime pour entrer juste dans la haine et l'humiliation envers des personnes ciblées. On parlait sur la VPR y'a pas longtemps de ce fonctionnement par l'humiliation sur des groupes facebooks militants, et ça me gène pas mal, surtout que c'est couplé au côté "entre-soi": les personnes visées n'en ont pas connaissance, on se fout de leur gueule non pas pour les faire changer d'avis, réfléchir, etc, mais juste pour se foutre de leur gueule.
Je sais bien que y'a pas mal de cas désespérés, qu'on peut craquer, que ça permet d'extérioriser, etc, mais parfois j'ai l'impression que c'est juste histoire de cracher sa haine et son mépris et que ça recouvre tout le reste, comme si de la lutte contre les oppressions il ne restait plus que la colère
Du coup j'ai de plus en plus de mal avec certains certains discours qui me semble ressembler essentiellement à "tiens machin a dit des conneries, foutons nous de sa gueule, accessoirement là où il/elle ne pourra pas nous lire".
Du coup j'ai aussi un peu de mal avec certaines formulations du milieu militant, parler par exemple de "féminisme TM" (rien que ce nom, en soi, c'est déjà une formulation méprisante) et autres catégorisations permettant des généralisations bien bien outrancières et amenant le mépris (disons que dans dans des milieux qui se targuent de la déconstruction des stéréotypes, etc, ça la fout un peu mal je trouve
), et encore plus quand ça vire au côté "délivrance du certificat de la bonne militante" (de ce que j'ai vu, de tous les côtés de la protéiforme mouvance féministe pour le coup).
Enfin bref, tout ça me blase un peu en fait, et ça me fait complètement décrocher de certains débats qui pourraient être enrichissants