Parce qu'il y en a jamais en fait ^^ Enfin... presque jamais.
(EDIT : désolé pour le pavé. SI d'aucun désire ajouter quelque chose, des références un peu plus récentes par exemple, il est le bienvenu. Je suis en prépa classique, donc je vis un peu entre la Grèce Antique et le XIXe siècle. Je m'en excuse d'avance)
Disons que - c'est ma théorie elle vaut ce qu'elle vaut. Attention j'utilise parfois des termes et j'évoque des choses qui sont aujourd'hui violemment homophobes ou transphobes, mais qui sont des concepts liés à certaines époques.
Déjà dans l'Histoire, le genre était vécu très différemment selon les époques. Si on prend, disons, l'Histoire de France à partir du XIVe siècle - c'est à peu près là que commence réellement notre littérature - on se rend compte que le rapport au genre varie déjà énormément ; ensuite, la littérature et ses codes varient énormément ; enfin, la censure, cette grosse relou, est aussi appliquée différemment. Ces deux dernières choses vont faire aussi que les auteurs d'avant le XXe siècle restent extrêmement timorés sur la question du "trans" : si on trouve des travestissements en littérature, le concept de "individu de sexe masculin mais qui est une femme" est carrément inconcevable.
(J'avoue que ça me passionnerais de travailler sur le sujet : les trans en littérature classique. Ma future thèse peut-être huhu
)
Par conséquent il existe au moins 2 personnages historiques qu'on peut assimilés à des trans (Jeanne d'Arc et le Chevalier d'Eon) mais par contre, des personnages littéraires, quedalle.
Deuxième problème : le travestissement était et est toujours en littérature, surtout au théâtre, un ressort comique. Je pense notamment à des œuvres comme Lysitrata de Aristophane (je crois que c'est Aristophane) où les femmes se déguisent en hommes pour aller à l'Assemblée d'Athènes. En fait les gens trouvent ça comique - et trouvent toujours ça comique aujourd'hui d'ailleurs si on regarde les gags de certaines comédies lourdingues - parce que pour eux c'est contre-nature. Parce que très, très, très longtemps, ton genre était ton sexe et point barre. Et c'était la frontière peut-être la plus taboue, tellement taboue qu'on en parle concrètement jamais... On va avoir des travestis pour faire rire, des travestis "espions" aussi où le genre est un déguisement, mais les vrais trans sont très rares. Parce qu'être une femme, pour un homme, c'est être un "sodomite", et qu'être un homme, pour une femme, c'est être une sorcière (cf Jeanne d'Arc brûlée). Le genre opposé à son sexe est donc pour le carnaval, pour le déguisement, pour la dissimulation, mais n'est JAMAIS vu comme étant la véritable identité.
J'ai un seul exemple qui me revient dans la littérature antique, c'est une traduction latine qu'une pote à eu à faire - attention trigger warning traduction latine donc bizarre et un peu gore - où un homme, dans un accès de folie, se coupe accidentellement les testicules (oui moi aussi faudra m'expliquer comment on peut se couper accidentellement les testicules) sur un rocher (oui) et qui ensuite se sent dévirilisé et décide de devenir une servante.
Mais bon je pense qu'expliquer ce que ce passage peut avoir de transphobe pour nous maintenant n'est pas nécessaire. C'est d'ailleurs les seuls bons exemples que j'ai en littérature ; après l'arrivée du christianisme, homosexualité et transexualité tout ensemble cessent simplement d'être évoqués
Par conséquent je pense que l'absence de personnage trans réels, profonds, est une transphobie, une transphobie que la littérature hérite de millénaires de transphobie sociale. Parce que la littérature est toujours réécriture, inspiration, reprise de mythes, et qu'il n'existe aucune grande figure trans en littérature. Il existe quelques figures homo - surtout des hommes je ne vous apprend rien - dans les mythes, on pense bien sûr à Achille et Patrocle, à Zeus et Gaymède, et je-n'ai-pas-d'autre-idée-mais-ça-va-me-revenir. Mais après le christianisme, trans, homo, brûlés, enfer, pas bien, sorcières tout ça.
Pour en venir où ? Il n'y a qu'au XXe siècle que la question commence à être abordée. L'homosexualité, certains avaient déjà tenté - Balzac dans la Fille aux yeux d'Or, tous les poètes du genre Baudelaire, Rimbaud, Balzac, et même avant eux des poètes libertins du XVIe et XVII siècle s'envoyaient des poèmes d'amour. Mais autant l'homosexualité est plutôt bien explorée par l'art, autant la transsexualité, il n'y a quasiment rien qui se passe. Parce que ça reste quelque chose de tabou, de caché et de drôle. C'est peut-être le plus révoltant et à la fois quelque chose qu'on peut utiliser : le fait qu'on nous voit comme des gags à part entière.
DONC pour résumer, en littérature aujourd'hui, question transsexualité, tout - ou presque tout - est à faire et à construire. Pour vous donner une idée, je viens de faire une petite vérif wikipédia, il n'y a RIEN sur les transgenre en littérature. Or je pense sincèrement que l'art existe aussi pour permettre de se projeter. Et que peut-être, peut-être qu'on vivrait mieux notre genre s'il existais des grands personnages dans lesquels se projeter. Parce que la plus grande transphobie, à mon sens, de la littérature, c'est pas tellement les propos transphobes. C'est l'absence.
A vos plumes !