→ les mairies de gauchistes mettent beaucoup d'argent pour financer des colos pour les jeunes défavorisé·es et au programme y a du poney et des sorties à la plage, si je veux offrir un autre cadre à ces gosses c'est là que j'ai envie de les y emmener
J'y ai travaillé dans ce genre de colos: j'aime pas. Pourtant le projet pédagogique était super chouette, le cadre était magnifique, ça aurait dû être dépaysement total pour les gamins,
(on était bien payés, ce qui ne gâche rien) mais comme ils partaient entre enfants/ados de leur quartier qui se connaissaient déjà tous et toutes, c'était comme de ne pas sortir de chez eux, ils ramenaient leurs embrouilles, leurs habitudes, et étaient tellement dans leur routine que c'était vraiment compliqué de les secouer et de leur faire ouvrir les yeux sur ce qu'il y a autour, ou de leur faire comprendre que "t'es pas chez toi, tu as une chance de tester autre chose que la personnalité que tu as choisi d'afficher dans le quartier". Ca pouvait arriver, mais qu'est-ce que c'était chaud.
(ceci va être une série de témoignages un peu décousus sur le sujet)
Je suis archi pour toute forme de vie en collectivité avec brassage social pendant l'enfance et l'adolescence, ou l'entrée dans la vie d'adulte. Dans les rares bastions des séjours de vacances où il reste de la mixité sociale, là par contre, à chaque fois j'ai kiffé et j'ai vu les jeunes se découvrir eux-mêmes.
J'ai un copain autrichien qui m'a raconté que chez lui, le service militaire est obligatoire pour tout le monde et qu'il avait particulièrement apprécié le brassage social qui va avec, notamment parce qu'en Autriche comme en Allemagne, les jeunes sont séparés très tôt entre filière générale et filière pro et que c'est seulement pendant le service militaire qu'ils peuvent se retrouver. Sur la discipline, il m'avait expliqué qu'il y avait un chef de chambrée responsable de faire appliquer l'ordre dans son groupe et que c'était lui qui prenait en cas de problème. Et si lui n'y voyait pas d'inconvénient (il avait été chef de chambrée), d'après ses récits, ça avait quand même l'air d'engendrer quelques brimades entre jeunes. Une autre chose qu'avaient en commun son témoignage et les souvenirs de mes parents sur l'époque du service militaire obligatoire pour tous, c'est que tu y apprends surtout à boire et à fumer.
En dehors de tout ce qui est "brassage social, cadre, discipline", il avait aussi pu participer à quelques missions d'intérêt public chouettes, et je pense que c'est le plus important en fait: quel que soit le modèle d'autorité que tu choisis, que tu sois hyper vertical (le cliché pur de ce qu'est censée être la discipline militaire) ou que tu fasses des cercles de parole tous les jours pour discuter collectivement de l'organisation de la vie collective, au bout du compte ce qui soude le groupe c'est d'avoir un objectif commun (et ceci est une autre des raisons pour lesquelles je suis devenue moins fan des colos traditionnelles poney et baignade avec le temps; en tous cas pas pour les ados, qui sont déjà en âge de participer à des missions d'intérêt général, et de kiffer ça. Je pense que les ados français seraient moins cons si on leur confiait un peu plus de responsabilités et qu'on les mettait plus souvent en position de faire des "vrais trucs d'adultes", pas juste des trucs d'adultes du type "fumer des clopes et boire de l'alcool parce que c'est interdit aux enfants").
Evidemment, on peut souligner que le fait que l'Autriche ait, comme Israël, un service militaire obligatoire, est à peu près le seul point commun qu'on puisse trouver entre ces deux pays, et que c'est donc aller beaucoup trop vite de penser que le service militaire obligatoire serait la cause de l'indifférence voire du consentement de la population aux crimes de l'armée.
Ca peut aussi être utile de noter qu'à chaque fois qu'il y a un politicien pour flatter la nostalgie de l'autorité à l'ancienne avec des "il faut que ce soit l'armée qui rééduque les jeunes délinquants afin qu'ils apprennent la discipline", la réponse unanime des militaires est généralement: "non". C'est pas leur métier d'être éducateur.ice.s. Ca ne veut pas dire qu'aucun.e ne souhaiterait voir revenir le service militaire, mais pas dans un but de pallier aux défaillances de l'école. Encore une fois: faire quelque chose d'utile et avoir besoin de faire preuve d'esprit de groupe et de discipline pour y arriver, pas juste appliquer la discipline pour appliquer la discipline. Ca, c'est le meilleur moyen de faire péter un câble à l'ado moyen.
A l'heure actuelle, on a le service civique pour, théoriquement, permettre aux jeunes de consacrer 6 mois ou un an de leur vie à une mission d'intérêt général tout en acquérant des compétences et en passant des diplômes (comme les premiers secours par exemple). Mais il n'y a pas l'aspect vie collective et brassage social: on ne vit pas en collectivité pendant son service civique, ce sont ceux et celles qui ont envie qui le font donc on retrouve toujours un peu les mêmes profils, et même entre ces profils, on retrouve deux catégories qui se croisent assez peu pendant toute la durée du service civique: d'un côté, celles et ceux qui ont décroché de l'école, ne savent pas trop quoi faire de leur journée, alors maman a dit que ce serait bien qu'il fasse un service civique et ils se retrouvent dans des grosses assos façon uniscités qui recrutent des services civiques pour recruter des services civiques et essayent de trouver un petit quelque chose à faire à la portée de chacun.e, même s'il y en a dans le tas qui sont franchement limité.e.s (et ça peut être pour plein de raisons différentes: mauvaise maitrise de la langue française, besoin de se resociabiliser en douceur après une période de phobie sociale, du mal à trouver une raison de se lever le matin après avoir passé un an sans rien faire parce que décrochage scolaire...). Ou bien il y a beaucoup de jeunes maintenant qui font un service civique en parallèle de leurs études ou pendant une année sabbatique (mais de plus en plus souvent en parallèle des études) pour se faire un peu d'argent et une première expérience dans leur domaine, et ces jeunes là se retrouvent plus souvent dans des assos qui accueillent un ou deux services civiques au milieu de leurs effectifs conséquents de salarié.e.s, qui attendent des jeunes qui sont déjà capables d'autonomie (même si on ne demande pas de compétences spécifiques), et où les jeunes postulent plus souvent parce que c'est
ce projet associatif qui les branche, et pas juste "faire un service civique pour faire un service civique".
A côté de cet état des lieux du service civique, le SNU, pour l'instant... l'impression que ça me laisse, c'est que c'est un peu le bordel, et que comme quasiment toujours en France, on a voulu faire un truc sans l'assumer totalement et on se retrouve à le faire à moitié pour essayer de satisfaire à la fois les gens qui sont pour et les gens qui sont contre et comme ça à la fin tout le monde est mécontent. On veut proposer à grands coups de comm' un truc qui va flatter les penchants réac avec le retour de la discipline militaire et de l'éducation patriotique. Mais en même temps on veut pas trop brusquer les jeunes ou leurs familles alors c'est pas obligatoire, c'est pas pour tout le monde, c'est pas trop longtemps, on va pas aller trop loin dans ci ou dans ça... Un peu le même écueil, j'ai l'impression, auquel on se heurte à chaque fois qu'il est question de politique éducative: on arrive pas trop à se décider sur un modèle, sur le rôle qu'on donne à l'école, sur des valeurs communes (est-ce que notre but premier c'est l'égalité des chances? Est-ce que c'est de former des citoyens conscients? De préparer au monde du travail? D'être un espace de sociabilisation, ou de transmission des savoirs? Parce que tout a l'air bien, mais il faut savoir prioriser entre tout ça); alors on a le cul entre deux chaises, et au final personne ne peut être satisfait de notre système scolaire (ni du SNU, ni de l'absence de service militaire, ni du retour du service militaire, ni, ni...), puisqu'on ne sait pas vraiment ce qu'on attend de lui en priorité.
Le seul jeune en SNU que j'ai côtoyé personnellement c'était un gars de 16 ans en décrochage scolaire qui s'est dit que peut-être il voudrait faire gendarme parce qu'ils prennent sans diplôme, alors il s'est retrouvé à préparer des cafés toute la journée à la gendarmerie.
ça avait franchement pas l'air transcendant, c'était pas non plus de l'embrigadement....