A 15h je revois mon psy après presque un mois d'interruption (il était en congés). J'ai déjà honte dès maintenant, dès ma présence ici, d'être ce que je suis, avant même d'avoir franchi le pas de son bureau et de m'asseoir sur le fauteuil et que son regard se soit posé sur moi. Je sais d'avance qu'aujourd'hui sera douloureux et que je vais me sentir totalement déplacée de lui demander de l'interêt pour moi. J'aurai une envie folle de partir, de m'enfuir en courant à toutes jambes, parce je ne suis même pas digne qu'on me regarde, m'écoute, qu'on prenne une heure de son temps pour une personne telle que je suis. Je vais devoir lutter contre cette honte et ça va être dur, c'est toujours dur. J'ai déjà honte d'être moi, toute seule avec moi là. Et je me hais, tellement.
Je ressasse le passé comme on mâche un chewing gum des heures durant, à m'en faire mal, à m'épuiser. Je crois que j'atterris enfin: mon infirmier est mort, réellement. Et ma vie en est davantage, pire encore, plus tragique que jamais. Comment les choses pourraient s'arranger, maintenant? C'est quelque chose d'irrattrapable.
Et puis ce téléphone d'enculé, que je le déteste. Ma mère et mon copain m'appellent quotidiennement et à chaque fois que j'entends la sonnerie, l'angoisse et la colère me montent au tempes. Etre obligée de répondre. Depuis quand on m'oblige à répondre? Je réponds pour eux, mais je voudrais tellement ne pas le faire. Non, je ne fais rien. Non, ça ne va pas. Qu'est-ce que je pourrais dire d'autre? Depuis quand on m'oblige à faire quelque chose que je ne veux pas? A parler? Toujours redire les mêmes choses depuis des années. Non, ça va pas. Non, je ne fais rien. Je suis allongée sur le lit, avec l'ordi et la télé et je lis. J'ai mal partout. Je me suis pas lavée non. J'ai peur d'aller faire à manger. Y a du bordel. Je vais dormir (...)