@Kettricken
Je ressens la même ambivalence. En lisant ta phrase
@Susan Boyle, ma première pensée à été de me dire qu'il faudrait que j'aille chercher la définition du mot "héros" (mon côté bonne élève
). Ce que j'ai fait donc:
- dans le sens 1er un héros est un demi dieu
- dans le sens 2d un héros est une personne qui fait preuve de courage.
J'adorerais qu'on me prenne pour une demie-déesse (
) mais j'imagine que dans ce contexte il est plutôt question de courage. Jusqu'à présent j'étais persuadée que faire preuve de courage consistait à choisir d'affronter ses peurs. Or il se trouve que l'infertilité ne se choisit pas, elle se subit. De fait je ne comprenais pas bien qu'on puisse qualifier les infertiles d'héroïnes, même si je voyais dans ces remarques une reconnaissance de la souffrance qui me faisait du bien. Je ressentais donc à la fois du plaisir et du soulagement dans le fait d'être reconnue et en même temps un sentiment d'imposteur à base de "non mais j'ai rien fait moi en vrai".
Sauf que si on regarde encore une fois les définitions (je vous ai dit que j'avais un côté bonne élève?
) le courage semble en fait être "une force de caractère qui permet d'affronter le danger, la souffrance, les revers, les circonstances difficiles". En Amérique central on utilise ce mot dans le sens "reste en vie", et dans le langage courant "prendre son courage à deux mains" signifie aller de l'avant. Et dans ce sens là, alors oui: trouver le moyen de continuer à vivre malgré tout c'est faire preuve de courage. Par contre dans le contexte de l'infertilité, ce n'est évidemment pas lié à la durée de l'attente: j'imagine qu'on peut souffrir dès les premiers cycles tout en le vivant bien, et au contraire être encore dévastée en permanence après plusieurs années (j'insiste bien sur le mot "permanence" parce que même en le vivant bien d'une manière générale des rechutes me semblent inévitables). Cela dit il est vrai que le temps laisse le temps (sans blague) d'apprendre à vivre malgré tout. En tout cas c'est ce qui s'est passé pour moi: les deux premières années ont été difficiles et les premiers mois atroces. J'avais l'impression que mon corps entier était une plaie ouverte purulente, j'avais le sentiment que le sol s'ouvrait sous mes pieds à chaque fois que je croisais une poussette ou un ventre rond, qu'à chaque annonce de grossesse que ce soit url ou irl ces filles m'ouvraient en deux pour m'arracher le cœur, le piétiner et pisser sur mon cadavre (je l'ai écrit tel quel dans mon journal). Et j'avais affreusement honte de la violence de mes sentiments.
Passé deux ans (je suis longue à la détente), il y a eu un déclic: je ne pouvais plus vivre comme ça et j'ai commencé à regarder le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide. Et j'ai recommencé à vivre pour de vrai (à tel point que je me confronte maintenant à d'autres questions telle que "est-ce vraiment une bonne idée tout ça?" mais c'est un autre sujet).
Je te souhaite
@Susan Boyle et je vous souhaite à toustes en général que votre déclic soit plus rapide que le mien.
J'en profite au passage pour partager une réflexion qui m'a traversé l'esprit il y a peu: pendant longtemps j'ai cherché du sens à tout ça et je viens de réaliser qu'en fait... il n'y en a pas. Si la douleur doit forcément avoir une raison "céleste", alors ça veut dire qu'un enfant maltraité, abusé l'est pour une raison, que nos proches meurent pour une raison, que des populations sont déplacées pour une raison... et ce serait bien trop cruel. Nos épreuves ne nous arrivent pas pour nous donner une leçon, par contre nous avons tout à fait le droit d'en tirer une. Mais dans ce cas, c'est nous qui en faisons la démarche et le mérite nous revient à
nous.
Tout ça pour dire que finalement, je veux bien être considérée comme une héroïne moi
.