@Chunk @Acathe C'est hyper intéressant

et je n'ai pas du tout de réponses toutes faites.
Mais j'ai tendance à me dire que, ce qui est compliqué dans cette histoire, c'est qu'on essaye de penser l'oppression d'un point de vue rationnel, alors que justement comme dit plus haut, l'un des effets de l'oppression, c'est qu'elle blesse. Et ça n'est pas quantifiable, ça n'est rationnel que dans une certaine limite, et ça n'en reste pas moins 100% légitime.
Par exemple, j'ai une amie noire (pardon, attendez la suite, pitié ne me prenez pas pour Nadine Morano) qui me demande de lui raconter les dernières sorties racistes de ma grand-mère, parce que ça la fait rire. Elle, à titre personnel, n'est pas blessée par les propos pourtant ô combien oppressifs de ma mère-grand. Ça n'enlève rien au fait qu'ils sont oppressifs, et pourraient blesser des millions de personnes - juste, pas ma pote, du moins pas racontés comme ça. Est-ce qu'ils en sont moins oppressifs ? Non.
Du coup je vois ce que tu veux dire Chunk, enfin je pense : tous les propos blessants ne sont pas oppressifs, comme l'a dit Acathe, et tous les propos oppressifs ne blessent pas systématiquement.
Mais
à partir du moment où une personne opprimée est blessée, je pense que sa parole aura priorité, parce que sinon on risque le
mansplaining, le
whitesplaining ou encore le
white saviorism (je ne connais pas trop le vocabulaire spécifique pour les autres oppressions, mais on peut continuer longtemps comme ça). Donc oui quelqu'un peut être plus déconstruit et sensibilisé qu'un concerné, et avoir des choses à lui apprendre dans la grande question de savoir ce qui est oppressif ou non. Cela dit, j'ai tendance à me dire que si une personne opprimée vit quelque chose comme étant oppressif, elle aura de meilleures raisons de le savoir que moi, non concernée, par exemple.
Disons que si je voyais deux personnes (un-e dominant-e et un-e opprimé-e) discuter dans la situation décrite par Chunk, j'aurais tendance à privilégier la parole de l'opprimé-e. Pas parce que je pense que l'opprimé-e aura forcément raison, mais parce qu'iel est probablement réduit-e au silence la plupart du temps.
En fait à mes yeux, l'important dans l'histoire, c'est :
- y a-t-il souffrance ?
- cette souffrance est-elle reconnue et écoutée par les non concerné-e-s ?
C'est sûr que si la personne opprimée n'est pas blessée, c'est compliqué de lui dire "Mais si, c'est oppressif". En revanche, dès lors que quelqu'un souffre, pour moi il est crucial de lui laisser la parole. Parce que finalement, selon l'attitude que j'adopte en voulant intervenir, je risque deux choses, selon si les propos ont été oppressifs ou non :
- silencier quelqu'un qui est opprimé au quotidien et vient d'entendre des propos oppressifs à son endroit
- blesser l'ego de quelqu'un qui n'a pas été oppressif mais dont les propos ont été perçus comme tels
=> c'est bête, mais je préfère, dans le doute, encourir le second risque, qui me paraît moins grand.
Parce que bon on peut toujours débattre de si un propos est oppressif ou non, mais un débat idéal mériterait d'intégrer dans sa réflexion toutes sortes de variables. Je pense même qu'un propos peut être plus ou moins oppressif selon qui parle, à qui. Moi qui suis blanche, je pourrais peut-être m'aventurer à demander "Tu viens d'où ?" à quelqu'un de non-racisé (encore que), mais certainement pas à quelqu'un pour qui ça
pourrait être blessant (et même si ça m'échappait sans blesser pour autant mon interlocuteur, je me sentirais tout de même mal). Je ne vais pas m'amuser, moi qui suis hétéro, à dire à un homosexuel que c'est pas bien de dire "pédé". Etc.
edit : pendant que je tapais il y a eu du post ^^ mais du coup Chunk je vois encore un peu mieux ton point de vue, et je crois que je le comprends. Je ne saurais même pas te dire si je le partage ou pas (je ne subis que très peu d'oppressions de toute façon,
lucky me) mais en tout cas il m'aura donné à réfléchir alors merci !