Petit coup de blues ce soir mais c'était à prévoir, je suis de nature assez sensible et angoissée donc c'était quasiment obligé que je traverserais ce genre de phase dans les premières semaines d'un métier qui pose quand même de gros challenges et qui est très demandeur en énergie. Je crois que je mets la barre assez haut en fait, ça ne me suffit pas de voir qu'un cours se passe bien (= que je vais au bout de ce que j'avais prévu et que les élèves notent quelque chose), je me fais du souci parce que certains ne participent pas, que certains ne bossent même pas (genre quand je donne du travail à faire en individuel ils attendent que ça se passe), parce que je sais pas s'ils comprennent vraiment tout ce que je leur dis, s'ils vont en retirer quelque chose, etc. Je remarque qu'ils sont assez dociles, ils obéissent aux instructions explicites (du type "prenez votre stylo, on va prendre en note ceci et cela") mais je me demande ce que je leur apporte vraiment au-delà des ordres auxquels ils obéissent par automatisme parce que le système scolaire les a formatés ainsi. Mais bon après j'essaie de lâcher du lest là-dessus : je débute, c'est un rôle que j'apprends et qui n'est pas forcément hyper naturel pour moi, du coup je vais pas forcément les embarquer dans des tirades hyper passionnées sur la Littérature et le Goût Esthétique de l'Oeuvre du premier coup
Et je me tracasse beaucoup pour les secondes parce que je remarque que pour certains le niveau est vraiment faible, ils ne comprennent pas forcément les textes qu'ils lisent, ils ont des grosses confusions sur à peu près tout, etc. Du coup je pense à ce qu'on va leur demander de faire pour le bac dans deux ans et ça me donne le vertige
Et l'orthographe c'est une catastrophe pour beaucoup d'entre eux, même ceux qui participent beaucoup à l'oral et qui donnent l'impression d'avoir bien assimilé ce qu'ils ont appris les années précédentes. Mais bon du coup au-delà de faire un point de temps en temps pour rappeler telle ou telle règle de grammaire/d'orthographe, je peux pas faire grand chose pour y remédier, j'ai un programme à tenir en fait...
Bref je prends conscience de l'ampleur de la tâche et comme me l'a dit ma mère au téléphone, je me prends la tête sur des choses dont je ne suis pas la seule responsable : ce n'est pas moi qui, enseignante depuis une semaine à peine, vais redresser la barre de l'enseignement du français à mains nues et combler leurs lacunes en trois séances (je précise que je ne crache pas du tout sur ce qu'ont pu faire les collègues qui m'ont précédée avec ces élèves, j'imagine que comme moi ils ont fait ce qu'ils ont pu).
Je me rends compte que le français c'est très dur en fait
J'étais une bonne élève et j'adorais ça du coup je ne m'en rendais pas compte sur le moment (enfin j'avais des difficultés parfois, comme tout le monde, mais j'arrivais assez bien à me saisir du matériau qu'on me donnait pour progresser). Et là je me retrouve avec mon bagage théorique made in classe prépa et fac de lettres, et je me rends compte qu'il va pas forcément me servir tel quel. Tout ça, je le savais déjà, mais ça fait vraiment quelque chose d'y être confrontée "en vrai".
Je connais plusieurs personnes qui ont passé l'agreg (j'ai le capes et un M1 MEEF donc j'ai quand même bénéficié d'un minimum de formation sur ce que c'est que de se retrouver réellement devant des élèves) et qui ont subi un choc très rude une fois devant les classes, après tant d'années de formation très théorique et intellectualisante. Je comprends ce qu'elles ont pu ressentir.