@Lyt'chiie
Je t'avoue que je comprends qu'à moitié ton raisonnement : le problème de l'inceste ne vient pas du fait que les gens font des enfant, bien que ce soit eux les premières victimes. C'est expliqué dans l'excellent podcast
Ou peut-être une nuit : les agresseurs ont un rapport déformé aux autres qui fait qu'ils les considèrent davantage comme des extensions d'eux-mêmes, des réceptacles à leur propre désir, que des personnes à part entière. Très peu d'entre eux ont en réalité une attirance particulière pour les enfants. C'est davantage une question de "commodité", si je puis dire : une personne vulnérable ne se défendra pas, ne parlera pas non plus. Et quoi de plus vulnérable qu'un enfant ? Là où je te suis davantage, c'est que le passage à l'acte est favorisé par la structure familiale qui permet l'accès à lesdites personnes vulnérables (parce que personne ne s'alarmera de ce qu'un grand-père, un oncle, une tante, prête une attention particulière aux enfants de sa famille : quoi de plus naturel ?). Donc effectivement, il y a de quoi s'interroger sur ce qui permet à ce crime de rester, en grande majorité, tabou et impuni : la loi du silence ? une certaine lâcheté qui fait que c'est plus facile de regarder ailleurs ? une tendance à ne pas reconnaître en les enfants des personnes à part entière ?
Ce qui marque dans la plupart des récits, c'est que la cellule familiale a tendance à se retourner contre la victime au lieu de porter le blâme sur l'agresseur. Ça pose questions : s'agit-il d'une sorte de "réflexe de survie" pour préserver l'unité familiale, qui fait que finalement ça paraît légitime de faire taire la victime (plus jeune, plus malléable, on peut se dire qu'il est plus facile d'influer sur elle) que de mettre l'agresseur en face de ses actes (souvent âgé, bien installé dans l'ordre familial, une figure respectée) ? C'est absurde et horrible de constater ces mécanismes, d'une part parce que ça met à mal la conception usuelle de la famille comme havre de paix et d'harmonie. On accepte bien plus facilement que le danger puisse venir de l'extérieur (le fameux type louche qui distribue des bonbons à la sortie de l'école), que de la part de personnes qu'on aime et qui sont censées nous aimer en retour (et par extension aimer nos enfants). Et surtout, quand on y pense "à froid", sans être concerné, ça tombe sous le sens que les victimes devraient être protégées et les agresseurs condamnés. Et pourtant, on constate que c'est rarement le cas.
Bref, tout ça pour dire que je reste en désaccord avec ta conclusion (= n'ayons pas d'enfants pour régler le problème). Ça ne fait que déplacer le problème de fond : la propension des agresseurs à privilégier leurs propres désirs jusqu'à les imposer à leurs cibles au détriment de leur droit à eux de refuser. Leurs victimes peuvent être des enfants, mais pas seulement. Alors oui, c'est clair, plus d'enfants, plus d'inceste, mais là on sombre dans l'absurde : je comprends pas les conducteurs, les accidents de la route, ça les dissuade pas d'acheter des voitures ?, etc, enfin on peut aller loin comme ça. Quand on s'est rendu compte que le nombre d'accidents sur la route était explosif, on a pas interdit aux gens d'acheter des voitures, on a instauré des limites de vitesse et on leur a fait mettre une ceinture de sécurité (sans bien sûr vouloir comparer les enfants à des voitures hein

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Oui, ça vaut le coup en tant que parent ou futur parent de se poser les bonnes questions : comment puis-je protéger mon enfant, quels sont les signes à ne pas négliger, comment puis-je le préserver des personnes néfastes, etc. Comment faire en sorte qu'il se sente suffisamment en confiance pour venir me parler si un jour on lui fait du mal. Après j'imagine qu'en tant que parent ça doit être horriblement difficile de seulement songer à l'éventualité qu'un jour son enfant puisse venir leur dire avoir été abusé par un grand-parent, un oncle, ou pire, l'autre parent. Ce qui me gêne dans ta tournure de phrase, c'est que tu sembles rejeter la faute de l'inceste sur les parents parce que, ba, c'est de leur faute, ils avaient pas qu'à faire venir leurs enfants au monde s'ils étaient pas prêts à leur protéger. Et je trouve ça très dur, parce que c'est déjà suffisamment horrible de se retrouver dans une telle situation, pourquoi en rajouter ? Sensibiliser, libérer la parole, lever le voile du silence : oui. Écouter les victimes, les accompagner autant que se peut sur la voie de la guérison : cent fois oui. Mais blâmer les parents ? (*) Les vrais coupables, c'est ceux qui agressent, et ceux qui se taisent alors qu'ils savent.
(*) : Évidemment dans l'optique où les parents ne sont pas les agresseurs.