destynova;4124097 a dit :
Ah ben merci c'est un peu ce que je voulais dire.
Pas besoin de se faire agresser pour avoir peur, pas besoin d'avoir peur pour se faire agresser, et c'est pas forcément parce qu'on a peur qu'on est méfiant mais parce qu'on est en contexte hostile.
C'est pour ça que je pense que la solution ne doit pas venir QUE des femmes, mais d'une prise de conscience globale de la situation.
Prendre des courts de Karaté pour avoir confiance c'est bien, mais devoir devenir une guerrière pour se sentir à l'aise dans la rue c'est, il me semble, une question qu'un homme ne se pose pas, et ça met un peu plus la responsabilité de ce qu'il se passe du côté des femmes.
@harryjoe Je comprends ce que tu veux dire. J'avais lu un truc de Roland Barthes sur la femme écrivain, et sur le fait qu'il fallait absolument qu'on précise qu'elle était écrivain ET mère, sans quoi elle était pas complète. Et puis aussi comme si au final, mère c'était son essence même et écrivain ce qu'elle a fait de sa vie genre "rassurez vous les hommes, elle écrit mais c'est juste un hobby, de la décoration, car avant tout, elle est femme et mère".
J'en avais parlé un peu ya qq mois quand
Marissa Meyer a tout pété en explosant les benef de yahoo, elle ALORS que tout le monde avait crié au scandale quand elle a pris le poste alors qu'elle entrait en congé maternité (QUELLE HÉRÉSIE!).
Elle est la plus jeune PDG a entrer son entreprise dans le Fortune 500. Mais quand elle obtient une couverture dans un magazine de finance à peu près respectable, dans quoi on la classe?
Dans les FEMMES les plus puissantes. Genre "c'est bien ce que tu as fait... pour une femme".
Fa m'énerve vraiment parce qu'il y a eu 4 CEO avant elle qui ont repris Yahoo et qui ont ÉCHOUÉ. Elle a largement sa place au milieu des autres, voire elle a fait mieux. Alors pourquoi ne pas la mettre dans les "50 plus puissants EN GÉNÉRAL" et la classer dans une sous-catégorie (je dis pas ça dans le sens péjoratif). Peu importe qu'elle soit mère ou pas, qu'elle est un utérus ou pas. Elle est bonne c'est tout. Mais non ça c'est un truc encore très dur à avaler.
Le pire c'est que ce truc de "les femmes arrivent à gérer carrière et enfants c'est incroyable" dans lequel baigne notre culture aujourd'hui ça a l'air d'une idée "moderne". On en fait encore des films :
Alors que BON SANG moi ça me fait vraiment penser à quelqu'un qui dirait "quoi t'as vu ça les femmes travaillent maintenant?!
- Ah bon? mais qui garde les enfants??
- Ben c'est toujours elles...
- quoi c'est fou ELLES FONT LES DEUX mais depuis quand et comment elles font??"
Bienvenue dans la fin des années 40.
EDIT : mais comment on fait pour réduire la taille des images?
Ok je comprends mieux ce que tu voulais dire sur la peur dans la rue. J'avais l'impression qu'on avait pas tout-à-fait le même avis mais en fait si, en gros.
Apprendre à se défendre pour pouvoir se balader dans la rue n'a pas de sens par rapport au problème : les filles ne sont pas vraiment en danger dans la rue par rapport aux hommes donc connaitre le karaté ne va pas les aider à être plus en sécurité. A la limite elles seront plus en confiance mais ce sera un effet très personnel.
La peur dans la rue est pour moi basée sur une série de mythes et de préjugés. Mais elle n'est pas irrationnelle pour autant : elle prend racine dans notre culture environnante, dans le harcèlement de rue, dans le discours ambiant et cette peur est partagée globalement par tout le monde (hommes et femmes de n'importe quel âge sont susceptibles de penser que la rue est dangereuse pour les filles).
Donc effectivement, la solution ne passe pas par simplement arrêter d'avoir peur, mettre une bombe au poivre dans son sac ou savoir désarmer un adversaire car la pression sociale et le harcèlement (même si ce n'est pas forcément suivi d'un danger réel) seront toujours présents.
Il faut repenser les politiques d'espace public et réformer les modes de pensée et les habitudes sociales.
Par contre, je pense que les femmes peuvent lancer en partie ou en tout cas appuyer activement cette réforme en n'obéissant plus à l'injonction d'avoir peur.
Si quand on nous dit "c'est dangereux la nuit pour une fille, un garçon va t'accompagner/le faire à ta place/ n'y va pas" on répond "moi ça ne me fait pas peur" et qu'on poursuit notre chemin, on peut faire réfléchir. C'est une façon de remettre en cause le fait qu'il y a une inégalité "naturelle" dans la sécurité des hommes et des femmes, et que cette inégalité est forcément en défaveur des femmes.
Et c'est d'autant plus fort qu'on ne le remet pas en cause par la théorie et le discours mais aussi par nos actes : on le fait en allant là où on nous dit qu'on ne devrait pas aller et en prouvant qu'il n'y a pas de raison qu'on essaye de nous en dissuader, en montrant non pas de la peur mais de la colère face au harcèlement de rue et au fait que la société juge normal que l'extérieur soit dangereux pour nous.
Après, toutes les filles ne peuvent pas agir comme ça : certaines vivent dans des environnements plus compliqués que d'autres ou ont eu des expériences plus difficiles que d'autres.
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Concernant les "classements de femmes", je suis assez partagée sur la question.
Le truc c'est que si on ne fait qu'un classement asexué, on voit forcément peu de femmes apparaitre et ça renforce l'idée que les femmes sont peu aptes à briller au sommet.
Les classements sont complètement trustés par les mêmes profils. Tu ouvres un magazine business, politique ou autre domaine public, tu voies les mêmes gueules : des vieux mecs blancs de partout. Et c'est en partie parce que les journalistes ont l'habitude de s'intéresser à eux mais aussi parce que c'est eux qui dirigent ou occupent les postes les plus importants, ce qui leur donne logiquement les premières places dans ce type de classement.
Les femmes vraiment puissantes apparaissent dans les classements mais elles sont peu nombreuses alors je trouve ça bien de filtrer un peu pour leur laisser la place et montrer qu'elles jouent un rôle important elles aussi.
C'est comme quand on fait un classement du Top 50 des dirigeants africains ou du Top 50 des jeunes les plus riches. Ce n'est pas une manière de dire "pas mal... pour un Africain!" ou "pas mal... pour un gamin!" mais plutôt une manière de mettre en lumière des gens qui réussissent sur le même plan que les autres mais ne remplissent pas forcément les critères du riche mâle occidental de plus de 60 ans.
Quand au fait de souligner qu'elles sont mères, ça dépend du sens de l'enquête. Si le but est d'axer sur la maternité alors non. Mais si le but est de montrer que la réussite féminine n'est pas forcément entravée par une vie ordinaire, je ne suis pas contre.
Oui, on sait depuis bien longtemps que c'est dur de faire à la fois son boulot et de gérer sa famille mais pour beaucoup de gens, ça reste encore un questionnement étrange ou pour lequel la réponse est évidente.
En montrant qu'on peut briller à la tête d'une entreprise ET être mère, contrairement à ce qu'on entend souvent (comme on peut sans problème briller à la tête d'une entreprise tout en étant père), on envoie le message aux femmes qui font des études ou en début de carrière qu'il n'y a pas forcément besoin de choisir l'un ou l'autre et qu'on peut donc se lancer dans la vie professionnelle sans calculer à l'avance si on risque de sacrifier sa vie privée en le faisant. Beaucoup de jeunes filles pensent en ces termes encore de nos jours et elles auraient bien besoin de preuves qu'elles peuvent réussir et tout avoir (comme les hommes peuvent réussir et tout avoir).
On se figure encore trop souvent la femme chef d'entreprise ou politique comme une célibataire de 50 ans nécessairement sans enfants et qui copie le style vestimentaire des hommes. Or aujourd'hui, ce n'est plus vraiment ça et c'est bien de le savoir pour réaliser ce qui nous est possible.
Moi ça me fait toujours du bien de lire des interviews de femmes qui ont eu une brillante carrière et d'entendre comment elles ont géré leur vie pour en arriver là.
On ne poserait pas ces questions à un homme (pas encore du moins mais je pense que ce type de préoccupation se développe de plus en plus, surtout pour les hommes de moins de 40 ans qui s'impliquent beaucoup plus dans l'éducation des enfants qu'avant), mais c'est parce que la situation est effectivement inégale et faire comme si de rien n'était n'aidera pas les autres femmes à progresser.
Je crois fermement qu'à force de montrer des minorités gérer des trucs qu'on s'imagine hors de leur portée (qu'on le montre dans la fiction, dans les classements, dans les bouquins d'Histoire etc.), les gens finissent par s'habituer à l'idée, à modifier leurs préjugés et à être plus ouverts lorsqu'il faudra les laisser arriver au sommet ou leur donner un poste clé.
Donc si ce genre de classement est fait sur le même ton que les "classements neutres", je pense que c'est positif.