Jamais trop eu l'impression que les messages conscients de Harry Potter étaient hyper progressistes non plus, mais à mon avis ce serait mal comprendre comment fonctionne la littérature et notamment la littérature jeunesse.
Y'a des métaphores qui ne sont pas forcément voulues par l'auteur ou l'autrice mais qui ont une force évocatrice super forte... Pour les jeunes LGBT je suppose que c'est cette histoire de gamin paumé dans une famille qui ne l'accepte pas, à qui on cache sa vrai nature et qu'on déteste et persecute pour quelque chose qu'il n'a pas choisi, et qui va s'épanouir dans un monde où on l'aime et le considère enfin pour ce qu'il est, avec enfin des mots et un univers conceptuel pour comprendre sa différence.
C'est simpliste, c'est bateau, mais... Ça parle
C'est effectivement intéressant comme analyse, ça ressemble au phénomène
La Reine des Neiges avec Elsa devenant un symbole LGBT alors que je ne suis franchement pas sûre que ce soit ce que voulait vraiment Disney, et qu'elle peut aussi être assimilée à n'importe quel personnage "différent" pas accepté pour ce qu'il est. Je trouve totalement valide de se retrouver en Elsa par exemple, et d'en faire un symbole LGBT. Mais je ne suis pas sûre pour autant que les personnes concernées se sentiraient "trahies" par Disney si ses représentants passaient un message divergent
J'imagine que c'est assez clair pour tous les adultes qui s'identifient à elle que l'intrigue d'Elsa va au-delà de ce que prévoyait Disney
Après dans le cas de Rowling, ce qui choque c'est peut-être qu'elle s'exprimait beaucoup politiquement et donnait l'impression d'être une alliée, ce qui a poussé à interpréter son oeuvre comme plus progressiste qu'elle ne l'était réellement
@MorganeGirly je suis tout à fait d'accord avec tout ce que tu dis sur la saga. Cependant, je pense qu'il y a plusieurs éléments qui jouent dans l'attachement qu'on peut avoir pour cet univers :
1) le côté "refuge" que beaucoup mettent en avant, et c'est mon cas également. Harry Potter, c'est un type qui va dans une école et s'y fait plein d'amis. Moi au moment où j'ai découvert cet univers, j'étais une gamine solitaire, pas du tout à l'aise dans le milieu scolaire, et j'avais l'impression, en lisant Harry Potter, de rentrer moi aussi à Poudlard et d'y avoir plein d'amis. J'imaginais cet endroit comme un refuge cool, qui protège de la solitude (c'est toujours plus facile de se faire des potes quand on vit avec que quand on les voit juste dans un cadre scolaire rigide). En tout cas, c'est ce que j'imaginais quand j'étais gamine. C'est clair qu'ensuite avec un regard d'adulte j'ai réalisé que le monde de Poudlard n'était pas plus safe que le mien, mais voilà, c'est une analyse d'adulte,
a posteriori.
2) je pense qu'il faut remettre en perspective Harry Potter avec notre paysage culturel de l'époque. Personnellement, mes autres références quand j'ai commencé la saga, c'étaient les contes de Grim,
Le Seigneur des Anneaux,
Narnia,
Tom Sawyer,
Les Schtroumpfs,
Astérix & Obélix,
Les quatre filles du Dr March,
Heidi... donc oui, à côté, Harry Potter c'était progressiste. Moi qui ai grandi avec des figures masculines et avec une image très négative de la féminité, des personnages comme Hermione ou McGonagall m'ont fait énormément de bien. Je trouve aussi que même les personnages masculins avaient des émotions qu'on ne retrouvait pas chez d'autres personnages masculins, dans
Le Seigneur des Anneaux par exemple. Harry Potter est vraiment le premier livre qui m'a prise aux tripes comme ça, en me faisant m'attacher à fond aux personnages (puis j'ai découvert
A la croisée des mondes). Le fait d'avoir grandi avec joue également : j'ai commencé vers 9-10 ans et j'avais 18 ans quand le dernier tome est sorti. Je pense que c'est plus facile de s'identifier à des personnages quand on évolue en même temps qu'eux que si on lit toutes leurs aventures d'un coup comme ça a été le cas avec la plupart des autres livres de mon enfance.
3) on s'est beaucoup approprié l'univers. Ok, Harry Potter c'est une histoire simple. Mais moi dans ma tête, ce monde je l'ai constamment nourri. Je me suis imaginée dedans, j'ai réfléchi à la maison dans laquelle j'aurais été envoyée si j'étais allée à Poudlard, je me suis créé un personnage dans l'histoire, j'ai joué à faire partir de ce monde avec une amie pendant plusieurs années (on avait nos baguettes magiques récupérées dans la forêt et customisées, nos potions dégueulasses qu'on laissait traîner partout dans la maison, nos listes d'ingrédients, nos formules magiques...) Dans ma tête, Harry Potter c'est beaucoup plus de choses que l'histoire de base.
Certains éléments de l'histoire ont également été le début d'une réflexion sur certains sujets. Par exemple, je me rappelle d'une longue discussion avec mon père quand j'avais 17-18 ans, dans lequel je lui avais expliqué l'histoire du pouvoir de l'amour. Cette discussion nous a permis de partager énormément de choses sur nos visions de l'amour, de la famille, et même de notre relation, entre père et fille. Il me semble que c'était une des premières longues discussions à cœur ouvert que j'ai eue avec mon père, et elle m'avait fait énormément de bien. Et quand j'y repense 12 ans plus tard, je pense que plusieurs de mes choix et opinions ont été influencés par cette discussion qui, à la base, partait juste de l'histoire un peu kitsch d'une mère qui protège à vie son enfant grâce au pouvoir de l'amour.
Juste une précision, je ne voulais pas du tout dire que c'était stupide de s'investir autant dans Harry Potter, de s'en appoprier l'univers ou d'y trouver beaucoup de réconfort! Juste que je trouve surprenant que cette oeuvre ait paru plus progressiste
par essence qu'elle ne l'était réellement à tel point que certains fans semblent tomber des nues comme si JKR avait toujours été une grande figure du progressisme sociale. Donc je comprends totalement que tu aies pu tant t'identifier à l'oeuvre et que tu y aies trouvé une richesse qui t'es propre et dépasse Rowling.
Je ne dis d'ailleurs pas qu'Harry Potter est problématique en soi, en tout cas pas plus que de nombreuses autres oeuvres (moi, mon imaginaire a été construit notamment autour de Peter Pan écrit par un possible prédateur pédophile à l'intention de ses victimes présumées, et des légendes de la Table Ronde où il est très largement question de "c'est quoi être un vrai bonhomme" et "est-ce légitime d'exiger l'amour d'une femme sans trop lui demander ce qu'elle en pense?" et j'en ai tiré des enseignements très positifs pour la construction de mon identité de femme moderne donc bon
). C'est juste que ce n'est pas non plus une oeuvre politiquement très engagée et le fait que les opinions de Rowling soit décevantes n'a à mon sens pas tellement de lien avec ce qu'on a pu retirer de l'oeuvre en grandissant
(après, on peut quand même décider de boycotter ou autre, c'est un choix politique tout à fait légitime, mais à mon avis distinct de l'oeuvre en elle-même!)
Pour ce qui concerne le contexte fictionnel de l'époque et les personnages féminins, j'imagine que ça dépend de ce à quoi on avait accès mais je maintiens qu'Hermione et McGonagall n'étaient pas particulièrement révolutionnaires, même pour l'époque!
Il y avait de nombreuses héroïnes de littérature jeunesse avant Harry Potter (Alice détective et les soeurs Parker, Fantômette, les filles du club des 5 et du clan des 7, le Club des baby-sitters, etc.). Elles n'étaient pas forcément hyper modernes, mais elles avaient le rôle principal, entretenaient des relations amicales solides avec d'autres femmes et faisaient preuve d'une grande intelligence ou d'autres qualités clés.
En dehors de la littérature jeunesse, de nombreux contes de fées et dessins animés, en particulier Disney et les séries inspirées de mangas comme Cats' Eyes ou Lady Oscar, mettaient des femmes au centre de l'intrigue. On peut voir durement le portrait de ces femmes, mais il n'empêche que c'était LEUR histoire, LEURS qualités et LEUR parcours qui comptait, et parfois avec beaucoup plus d'indépendance qu'on ne le décrit aujourd'hui.
Dans la bande dessinée aussi, on a des personnages féminins imparfaits certes, mais qui étaient déjà importants et accessibles à un jeune public depuis longtemps comme Yoko Tsuno, Aaricia et Kriss de Valnor (Thorgal), Lauréline (Valerian), etc.
Et tout au long des années 90, alors que la saga HP se développait, on a aussi vu beaucoup fictions avec des personnages féminins principaux qui se sont développées à destination d'un public jeune ou adolescent (à la télé il y avait
Sabrina,
Buffy,
Charmed,
Roswell,
Dark Angel etc., dans la BD on avait
Mélusine, etc., dans la littérature jeunesse beaucoup de sagas ciblaient principalement les filles avec des héroïnes filles comme
Animorphs, etc.).
En tout cas pour moi qui ai commencé Harry Potter un peu avant la sortie du tome 4, je ne trouvais pas particulièrement ces personnages féminins originaux ou nouveaux, contrairement à des sagas comme
Game of Thrones ou des séries comme
Buffy qui je pense ont vraiment révolutionné la place des femmes dans la fiction grand public, malgré toutes les critiques qu'on en peut faire.
Après effectivement, j'imagine que ça dépend de ce qu'on a eu sous la main à l'époque et je peux comprendre qu'on ait adoré Hermione pour ces raisons, mais je ne crois pas qu'elle était particulièrement originale comme héroïne, même pour l'époque!